Métrique en Ligne
CHE_1/CHE32
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
IDYLLES
VI
Lydé
« Laisse, ô blanche Lydé, toi par qui je soupire, 6+6 a
Sur ton pâle berger tomber un doux sourire, 6+6 a
Et, de ton grand œil noir daignant chercher ses pas, 6+6 b
Dis-lui : Pâle berger, viens, je ne te hais pas. 6+6 b
5 « — Pâle berger aux yeux mourants, à la voix tendre, 6+6 a
Cesse, à mes doux baisers, cesse enfin de prétendre. 6+6 a
Non, berger, je ne puis ; je n'en ai point pour toi. 6+6 b
Ils sont tous à Mœris, ils ne sont plus à moi. 6+6 b
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Mon visage est flétri des regards du soleil. 6+6 a
10 Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil. 6+6 a
J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée ; 6+6 b
Des bêlements lointains partout m'ont appelée. 6+6 b
J'ai couru : tu fuyais sans doute loin de moi : 6+6 a
C'étaient d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi 6+6 a
15 Le plus beau des humains ? Dis-moi, fais-moi connaître 6+6 b
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître, 6+6 b
Pour que je cesse enfin de courir sur les pas 6+6 a
Des troupeaux étrangers que tu ne conduis pas. » 6+6 a
Une femme, une poétesse, chante ainsi :
O jeune adolescent ! tu rougis devant moi. 6+6 b
20 Vois mes traits sans couleur ; ils pâlissent pour toi ; 6+6 b
C'est ton front virginal, ta grâce, ta décence ; 6+6 a
Viens. Il est d'autres jeux que les jeux de l'enfance. 6+6 a
O jeune adolescent, viens savoir que mon cœur 6+6 b
N'a pu de ton visage oublier la douceur. 6+6 b
25 Bel enfant, sur ton front la volupté réside. 6+6 a
Ton regard est celui d'une vierge timide. 6+6 a
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour, 6+6 b
Semble encore ignorer qu'on soupire d'amour. 6+6 b
Viens le savoir de moi. Viens, je veux te l'apprendre ; 6+6 a
30 Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre 6+6 a
Afin que mes leçons, moins timides que toi, 6+6 b
Te fassent soupirer et languir comme moi ; 6+6 b
Et qu'enfin rassuré, cette joue enfantine 6+6 a
Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine. 6+6 a
35 Oh ! je voudrais qu'ici tu vinsses un matin 6+6 b
Reposer mollement ta tête sur mon sein ! 6+6 b
Je te verrais dormir, retenant mon haleine, 6+6 a
De peur de t'éveiller, ne respirant qu'à peine. 6+6 a
Mon écharpe de lin, que je ferais flotter, 6+6 b
40 Loin de ton beau visage aurait soin d'écarter 6+6 b
Les insectes volants dont les ailes bruyantes 6+6 a
Aiment à se poser sur les lèvres dormantes 6+6 a
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La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire. 6+6 b
Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire ; 6+6 b
45 Elle s'assied. Il vient, timide, avec candeur, 6+6 a
Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur. 6+6 a
Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure. 6+6 b
L'une, sur son front blanc, va de sa chevelure 6+6 b
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton 6+6 a
50 Caresse lentement le mol et doux coton. 6+6 a
« Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle, 6+6 b
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle. 6+6 b
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi. 6+6 a
Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi ? 6+6 a
55 Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire ? 6+6 b
Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire, 6+6 b
Trop heureux, te pressaient entre leurs bras glissants, 6+6 a
Et l'olive a coulé sur tes membres luisants. 6+6 a
Tu baisses tes yeux noirs ? Bienheureuse la mère 6+6 b
60 Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire ! 6+6 b
Sans doute elle est déesse. Eh quoi ! ton jeune sein 6+6 a
Tremble et s'élève ? Enfant, tiens, porte ici ta main. 6+6 a
Le mien plus arrondi s'élève davantage. 6+6 b
Ce n'est pas (le sais-tu ? déjà dans le bocage 6+6 b
65 Quelque voile de nymphe est-il tombé pour toi ?) 6+6 a
Ce n'est pas cela seul qui diffère chez moi. 6+6 a
Tu souris ? tu rougis ? Que ta joue est brillante ? 6+6 b
Que ta bouche est vermeille et ta peau transparente ? 6+6 b
N'es-tu pas Hyacinthe au blond Phébus si cher ? 6+6 a
70 Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter ? 6+6 a
Ou celui qui, naissant pour plus d'une immortelle, 6+6 b
Entr'ouvrit de Myrrha l'écorce maternelle ? 6+6 b
Ami, qui que tu sois, oh ! tes yeux sont charmants. 6+6 a
Bel enfant, aime-moi. Mon cœur de mille amants 6+6 a
75 Rejeta mille fois la poursuite enflammée ; 6+6 b
Mais toi seul aime-moi, j'ai besoin d'être aimée. 6+6 b
Mon amour, aime-moi. Sur l'herbe, chaque soir, 6+6 a
Au coucher du soleil nous viendrons nous asseoir. » 6+6 a
Viens : là sur des joncs frais ta place est toute prête. 6+6 b
80 Viens, viens, sur mes genoux viens reposer ta tête. 6+6 b
Les yeux levés sur moi, tu resteras muet, 6+6 a
Et je te chanterai la chanson qui te plaît. 6+6 a
Comme on voit, au moment où Phœbus va renaître 6+6 b
La nuit prête à s'enfuir, le jour prêt à paraître, 6+6 b
85 Je verrai tes beaux yeux, les yeux de mon ami, 6+6 a
En un demi-sommeil se fermer à demi. 6+6 a
Tu me diras : « Adieu, je dors, adieu, ma belle. 6+6 b
— Adieu, dirai-je, adieu, dors, mon ami fidèle, 6+6 b
Car le ............. aussi dort le front vers les cieux, » a
90 Et j'irai te baiser et le front et les yeux. 6+6 a
Ne me regarde point, cache, cache tes yeux ; 6+6 b
Mon sang en est brûlé ; tes regards sont des feux. 6+6 b
Viens, viens. Quoique vivant et dans ta fleur première, 6+6 a
Je veux avec mes mains te fermer la paupière, 6+6 a
95 Ou, malgré tes efforts, je prendrai tes cheveux 6+6 b
Pour en faire un bandeau qui te cache les yeux. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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