Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
CHE_1/CHE17
André de CHÉNIER
ŒUVRES POÉTIQUES
tome I
1790
ÉLÉGIES ANTIQUES
I
Le Jeune Malade
APOLLON, dieu sauveur,dieu des savants mystères, 6+6 a
Dieu de la vie, et dieudes plantes salutaires, 6+6 a
Dieu vainqueur de Python,dieu jeune et triomphant, 6+6 b
Prends pitié de mon fils,de mon unique enfant ! 6+6 b
5 Prends pitié de sa mèreaux larmes condamnée, 6+6 a
Qui ne vit que pour lui,qui meurt abandonnée, 6+6 a
Qui n'a pas dû resterpour voir mourir son fils ! 6+6 b
Dieu jeune, viens aidersa jeunesse. Assoupis, 6+6 b
Assoupis dans son seincette fièvre brûlante 6+6 a
10 Qui dévore la fleurde sa vie innocente. 6+6 a
Apollon ! si jamais,échappé du tombeau, 6+6 b
Il retourne au Ménaleavoir soin du troupeau, 6+6 b
Ces mains, ces vieilles mainsorneront ta statue 6+6 a
De ma coupe d'onyxà tes pieds suspendue ; 6+6 a
15 Et, chaque été nouveau,d'un jeune taureau blanc 6+6 b
La hache à ton autelfera couler le sang. 6+6 b
« Eh bien, mon fils, es-tutoujours impitoyable ? 6+6 a
Ton funeste silenceest-il inexorable ? 6+6 a
Enfant, tu veux mourir ?Tu veux, dans ses vieux ans, 6+6 b
20 Laisser ta mère seuleavec ses cheveux blancs ? 6+6 b
Tu veux que ce soit moiqui ferme ta paupière ? 6+6 a
Que j'unisse ta cendreà celle de ton père ? 6+6 a
C'est toi qui me devaisces soins religieux, 6+6 b
Et ma tombe attendaittes pleurs et tes adieux. 6+6 b
25 Parle, parle, mon fils !quel chagrin te consume ? 6+6 a
Les maux qu'on dissimuleen ont plus d'amertume. 6+6 a
Ne lèveras-tu pointces yeux appesantis ? 6+6 b
« — Ma mère, adieu ; je meurs,et tu n'as plus de fils. 6+6 b
Non, tu n'as plus de fils,ma mère bien-aimée. 6+6 a
30 Je te perds. Une plaieardente, envenimée, 6+6 a
Me ronge ; avec effortje respire, et je crois 6+6 b
Chaque fois respirerpour la dernière fois. 6+6 b
Je ne parlerai pas.Adieu ; ce lit me blesse, 6+6 a
Ce tapis qui me couvreaccable ma faiblesse ; 6+6 a
35 Tout me pèse et me lasse.Aide-moi, je me meurs. 6+6 b
Tourne-moi sur le flanc.Ah ! j'expire ! ô douleurs ! 6+6 b
— Tiens, mon unique enfant,mon fils, prends ce breuvage ; 6+6 a
Sa chaleur te rendrata force et ton courage. 6+6 a
La mauve, le dictameont, avec les pavots, 6+6 b
40 Mêlé leurs sucs puissantsqui donnent le repos ; 6+6 b
Sur le vase bouillant,attendrie à mes larmes, 6+6 a
Une Thessaliennea composé des charmes. 6+6 a
Ton corps débile a vutrois retours du soleil 6+6 b
Sans conntre Cérès,ni tes yeux le sommeil. 6+6 b
45 Prends, mon fils, laisse-toifléchir à ma prière ; 6+6 a
C'est ta mère, ta vieilleinconsolable mère 6+6 a
Qui pleure, qui jadiste guidait pas à pas, 6+6 b
T'asseyait sur son sein,te portait dans ses bras ; 6+6 b
Que tu disais aimer,qui t'apprit à le dire, 6+6 a
50 Qui chantait, et souventte foait à sourire 6+6 a
Lorsque tes jeunes dents,par de vives douleurs, 6+6 b
De tes yeux enfantinsfaisaient couler des pleurs. 6+6 b
Tiens, presse de ta lèvre,hélas ! pâle et glacée, 6+6 a
Par qui cette mamelleétait jadis pressée. 6+6 a
55 Que ce suc te nourrisseet vienne à ton secours, 6+6 b
Comme autrefois mon laitnourrit tes premiers jours. 6+6 b
« — O coteaux d'Érymanthe !ô vallons ! ô bocage ! 6+6 a
O vent sonore et fraisqui troublait le feuillage, 6+6 a
Et faisait frémir l'onde,et sur leur jeune sein 6+6 b
60 Agitait les replisde leur robe de lin ! 6+6 b
De légères beautéstroupe agile et dansante 6+6 a
Tu sais, tu sais, ma mère ?aux bords de l'Érymanthe, 6+6 a
Là, ni loups ravisseurs,ni serpents, ni poisons… 6+6 b
O visage divin !ô fêtes ! ô chansons ! 6+6 b
65 Des pas entrelacés,des fleurs, une onde pure, 6+6 a
Aucun lieu n'est si beaudans toute la nature. 6+6 a
Dieux ! ces bras et ces flancs,ces cheveux, ces pieds nus, 6+6 b
Si blancs, si délicats !je ne te verrai plus ! 6+6 b
Oh ! portez, portez-moisur les bords d'Érymanthe ; 6+6 a
70 Que je la voie encor,cette vierge dansante ! 6+6 a
Oh ! que je voie au loinla fumée à longs flots 6+6 b
S'élever de ce toitau bord de cet enclos… 6+6 b
Assise à tes côtés,ses discours, sa tendresse, 6+6 a
Sa voix ! trop heureux père !enchante ta vieillesse. 6+6 a
75 Dieux ! par-dessus la haieélevée en remparts, 6+6 b
Je la vois, à pas lents,en longs cheveux épars, 6+6 b
Seule, sur un tombeau,pensive, inanimée, 6+6 a
S'arrêter et pleurersa mère bien-aimée. 6+6 a
Oh ! que tes yeux sont doux !que ton visage est beau ! 6+6 b
80 Viendras-tu point aussipleurer sur mon tombeau ? 6+6 b
Viendras-tu point aussi,la plus belle des belles, 6+6 a
Dire sur mon tombeau :« Les Parques sont cruelles ! 6+6 a
« — Ah ! mon fils, c'est l'amour,c'est l'amour insensé 6+6 b
Qui t'a jusqu'à ce pointcruellement blessé ? 6+6 b
85 Ah ! mon malheureux fils !Oui, faibles que nous sommes, 6+6 a
C'est toujours cet amourqui tourmente les hommes. 6+6 a
S'ils pleurent en secret,qui lira dans leur cœur 6+6 b
Verra que c'est toujourscet amour en fureur. 6+6 b
Mais, mon fils, mais dis-moi,quelle belle dansante, 6+6 a
90 Quelle vierge as-tu vueau bord de l'Érymanthe ? 6+6 a
N'es-tu pas riche et beau ?du moins quand la douleur 6+6 b
N'avait point de ta joueéteint la jeune fleur ! 6+6 b
Parle. Est-ce cette Églé,fille du roi des ondes, 6+6 a
Ou cette jeune Irèneaux longues tresses blondes ? 6+6 a
95 Ou ne sera-ce pointcette fière beauté 6+6 b
Dont j'entends le beau nomchaque jour répété, 6+6 b
Dont j'apprends que partoutles belles sont jalouses ? 6+6 a
Qu'aux temples, aux festins,les mères, les épouses, 6+6 a
Ne sauraient voir, dit-on,sans peine et sans effroi ? 6+6 b
100 Cette belle Daphné ?… — Dieux ! ma mère, tais-toi, 6+6 b
Tais-toi. Dieux ! qu'as-tu dit ?Elle est fière, inflexible ; 6+6 a
Comme les immortels,elle est belle et terrible ! 6+6 a
Mille amants l'ont aimée ;ils l'ont aimée en vain. 6+6 b
Comme eux j'aurais trouvéquelque refus hautain. 6+6 b
105 Non, garde que jamaiselle soit informée 6+6 a
Mais, ô mort ! ô tourment !ô mère bien-aimée ! 6+6 a
Tu vois dans quels ennuisdépérissent mes jours. 6+6 b
Ma mère bien-aimée,ah ! viens à mon secours ; 6+6 b
Je meurs ; va la trouver :que tes traits, que ton âge, 6+6 a
110 De sa mère à ses yeuxoffrent la sainte image. 6+6 a
Tiens, prends cette corbeilleet nos fruits les plus beaux, 6+6 b
Prends notre Amour d'ivoire,honneur de ces hameaux, 6+6 b
Prends la coupe d'onyxà Corinthe ravie, 6+6 a
Prends mes jeunes chevreaux,prends mon cœur, prends ma vie, 6+6 a
115 Jette tout à ses pieds ;apprends-lui qui je suis ; 6+6 b
Dis-lui que je me meurs,que tu n'as plus de fils. 6+6 b
Tombe aux pieds du vieillard,gémis, implore, presse ; 6+6 a
Adjure deux et mers,dieu, temple, autel, déesse. 6+6 a
Pars ; et si tu revienssans les avoir fléchis, 6+6 b
120 Adieu, ma mère, adieu,tu n'auras plus de fils. 6+6 b
« — J'aurai toujours un fils,va, la belle Espérance 6+6 a
Me dit… » Elle s'incline,et, dans un doux silence, 6+6 a
Elle couvre ce front,terni par les douleurs, 6+6 b
De baisers maternelsentremêlés de pleurs. 6+6 b
125 Puis elle sort en hâte,inquiète et tremblante, 6+6 a
Sa démarche est de crainteet d'âge chancelante. 6+6 a
Elle arrive ; et bientôtrevenant sur ses pas, 6+6 b
Haletante, de loin :« Mon cher fils, tu vivras, 6+6 b
Tu vivras. » Elle vients'asseoir près de la couche. 6+6 a
130 Le vieillard la suivait,le sourire à la bouche. 6+6 a
La jeune belle aussi,rouge et le front baissé, 6+6 b
Vient, jette sur le litun coup d'œil. L'insensé 6+6 b
Tremble ; sous ses tapisil veut cacher sa tête. 6+6 a
« Ami, depuis trois jourstu n'es d'aucune fête, 6+6 a
135 Dit-elle ; que fais-tu ?Pourquoi veux-tu mourir ? 6+6 b
Tu souffres. On me ditque je peux te guérir ; 6+6 b
Vis, et formons ensembleune seule famille : 6+6 a
Que mon père ait un filset ta mère une fille. » 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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