Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
CHA_2/CHA11
François-René de CHATEAUBRIAND
POÉSIES DIVERSES
1797-1827
I
Les Tombeaux champêtres
Élégie imitée de Gray1
Dans les airs frémissants j'entends le long murmure 6+6 a
De la cloche du soir qui tinte avec lenteur ; 6+6 b
Les troupeaux en bêlant errent sur la verdure ; 6+6 a
Le berger se retire et livre la nature 6+6 a
5 A la nuit solitaire, à mon penser rêveur 6+6 b
Dans l'orient d'azur l'astre des nuits s'avance, 6+6 a
Et tout l'air se remplit d'un calme solennel. 6+6 b
Du vieux temple verdi sous ce lierre immortel 6+6 b
L'oiseau de la nuit seul trouble le grand silence. 6+6 a
10 On n'entend que le bruit de l'insecte incertain, 6+6 a
Et quelquefois encore, au travers de ces hêtres, 6+6 b
Les sons interrompus des sonnettes champêtres 6+6 b
Du troupeau qui s'endort sur le coteau lointain. 6+6 a
Dans ce champ où l'on voit l'herbe mélancolique 6+6 a
15 Flotter sur les sillons que forment ces tombeaux, 6+6 b
Les rustiques aïeux de nos humbles hameaux 6+6 b
Au bruit du vent des nuits dorment sous l'if antique. 6+6 a
De la jeune Progné le ramage confus, 6+6 a
Du zéphyr, au matin, la voix fraîche et céleste, 6+6 b
20 Les chants perçants du coq ne réveilleront plus 6+6 a
Ces bergers endormis sous cette couche agreste. 6+6 b
Près de l'âtre brûlant une épouse modeste 6+6 b
N'apprête plus pour eux le champêtre repas ; 6+6 a
Jamais à leur retour ils ne verront, hélas ! 6+6 a
25 D'enfants au doux parler une troupe légère, 6+6 b
Entourant leurs genoux et retardant leurs pas, 6+6 a
Se disputer l'amour et les baisers d'un père. 6+6 b
Souvent, ô laboureurs ! Cérès mûrit pour vous 6+6 a
Les flottantes moissons dans les champs qu'elle dore ; 6+6 b
30 Souvent avec fracas tombèrent sous vos coups 6+6 a
Les pins retentissants dans la forêt sonore. 6+6 b
En vain l'ambition, qu'enivrent ses désirs, 6+6 a
Méprise et vos travaux et vos simples loisirs : 6+6 a
Eh ! que sont les honneurs ? L'enfant de la victoire, 6+6 a
35 Le paisible mortel qui conduit un troupeau, 6+6 b
Meurent également ; et les pas de la gloire, 6+6 a
Comme ceux du plaisir, ne mènent qu'au tombeau. 6+6 b
Qu'importe que pour nous de vains panégyriques 6+6 a
D'une voix infidèle aient enflé les accents ? 6+6 b
40 Les bustes animés, les pompeux monuments, 6+6 b
Font-ils parler des morts les muettes reliques ? 6+6 a
Jetés loin des hasards qui forment la vertu, 6+6 a
Glacés par l'indigence aux jours qu'ils ont vécu, 6+6 a
Peut-être ici la mort enchaîne en son empire 6+6 a
45 De rustiques Newtons de la terre ignorés, 6+6 b
D'illustres inconnus dont les talents sacrés 6+6 b
Eussent charmé les dieux sur le luth qui respire : 6+6 a
Ainsi brille la perle au fond des vastes mers ; 6+6 a
Ainsi meurent aux champs des roses passagères 6+6 b
50 Qu'on ne voit point rougir, et qui, loin des bergères, 6+6 b
D'inutiles parfums embaument les déserts. 6+6 a
Là dorment dans l'oubli des poètes sans gloire, 6+6 a
Des orateurs sans voix, des héros sans victoire : 6+6 a
Que dis-je ? des Titus faits pour être adorés. 6+6 a
55 Mais si le sort voila tant de vertus sublimes, 6+6 b
Sous ces arbres en deuil combien aussi de crimes 6+6 b
Le silence et la mort n'ont-ils point dévorés ! 6+6 a
Loin d'un monde trompeur, ces bergers sans envie, 6+6 a
Emportant avec eux leurs tranquilles vertus, 6+6 b
60 Sur le fleuve du temps passagers inconnus, 6+6 b
Traversèrent sans bruit les déserts de la vie. 6+6 a
Une pierre, aux passants demandant un soupir, 6+6 a
Du naufrage des ans a sauvé leur mémoire ; 6+6 b
Une Muse ignorante y grava leur histoire 6+6 b
65 Et le texte sacré qui nous aide à mourir. 6+6 a
En fuyant pour toujours les champs de la lumière. 6+6 a
Qui ne tourne la tête au bout de la carrière ? 6+6 a
L'homme qui va passer cherche un secours nouveau : 6+6 a
Que la main d'un ami, que ses soins chers et tendres, 6+6 b
70 Entrouvrent doucement la pierre du tombeau ! 6+6 a
Le feu de l'amitié vit encor dans nos cendres. 6+6 b
Pour moi qui célébrai ces tombes sans honneurs, 6+6 a
Si quelque voyageur, attiré sur ces rives 6+6 b
Par l'amour de rêver et le charme des pleurs, 6+6 a
75 S'informe de mon sort dans ses courses pensives, 6+6 b
Peut-être un vieux pasteur, en gardant ses troupeaux, 6+6 a
Lui fera simplement mon histoire en ces mots : 6+6 a
« Souvent nous l'avons vu, dans sa marche posée, 6+6 a
Au souris du matin, dans l'orient vermeil, 6+6 b
80 Gravir les frais coteaux à travers la rosée, 6+6 a
Pour admirer au loin le lever du soleil. 6+6 b
Là-bas, près du ruisseau, sur la mousse légère, 6+6 a
A l'ombre du tilleul que baigne le courant, 6+6 b
Immobile il rêvait, tout le jour demeurant 6+6 b
85 Les regards attachés sur l'onde passagère. 6+6 a
Quelquefois dans les bois il méditait ses vers 6+6 a
Au murmure plaintif du feuillage et des airs. 6+6 a
Un matin nos regards, sous l'arbre centenaire, 6+6 a
Le cherchèrent en vain au repli du ruisseau ; 6+6 b
90 L'aurore reparut, et l'arbre et le coteau, 6+6 b
Et la bruyère encor, tout étoit solitaire. 6+6 a
Le jour suivant, hélas ! à la file allongé. 6+6 a
Un convoi s'avança par le chemin du temple. 6+6 b
Approche, voyageur ! lis ces vers, et contemple 6+6 b
95 Ce triste monument que la mousse a rongé. » 6+6 a
Épitaphe
Ici dort à l'abri des orages du monde 6+6 a
Celui qui fut longtemps jouet de leur fureur. 6+6 b
Des forêts il chercha la retraite profonde, 6+6 a
Et la mélancolie habita dans son cœur. 6+6 b
100 De l'amitié divine il adora les charmes, 6+6 a
Aux malheureux donna tout ce qu'il eut, des larmes. 6+6 a
Passant, ne porte point un indiscret flambeau 6+6 a
Dans l'abîme où la mort le dérobe à ta vue ; 6+6 b
Laisse le reposer sur la rive inconnue, 6+6 b
105 De l'autre côté du tombeau. 8 a
Cette imitation a été imprimée à Londres, dans le journal de Peltier.
Voyez la Préface.
mètre profils métriques : 6+6, (8)
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