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CAO_1/CAO3
Jean Baptiste CAOUETTE
LES VOIX INTIMES
1892
POÉSIES DIVERSES
SAMUEL CHAMPLAIN
A L'HONORABLE JUGE A. B. ROUTHIER.
Stadaconé trônait dans sa majesté vierge 6+6 a
Au-dessus des flots bleus que roulaient sur la berge 6+6 a
Avec un bruissement clair. 8 a
A travers les réseaux de la vigne embaue 6+6 b
5 L'indigène vivait dans sa hutte enfue, 6+6 b
Libre comme l'oiseau de l'air. 8 a
Sur l'immense plateau couronné de verdure, 6+6 a
Les linotte mêlaient leur gracieux murmure, 6+6 a
Aux suaves rumeurs des eaux. 8 a
10 Rien ne troublait alors l'harmonie enivrante 6+6 b
Que l'onde, les rameaux et la brise odorante 6+6 b
Versaient à la voix des échos. 8 a
Maintes fleurs au soleil entr'ouvraient leurs corolles 6+6 a
Où les abeilles d'or, inconstantes et folles, 6+6 a
15 Cueillaient le miel délicieux. 8 a
Stadaconé semblait tressaillir d'allégresse, 6+6 b
Et de chaque taillis un chant rempli d'ivresse 6+6 b
Montait avec l'arôme aux cieux. 8 a
Mais soudain des clameurs mystérieuses, vagues, 6+6 a
20 Ayant l'air de surgir des profondeurs des vagues, 6+6 a
Interrompent ce doux concert ; 8 a
Un long serpent de feu court à travers l'espace, 6+6 b
Et la voix du canon ‒ à la brise qui passe 6+6 b
Lance un rugissement d'enfer ! 8 a
25 Un sauvage, à ce bruit, de son wigwam se sauve, 6+6 a
Croisant dans la forêt plus d'une bête fauve 6+6 a
Prise d'un fol effarement ; 8 a
Mais bientôt il s'arrête au bord d'une clairière, 6+6 b
Et sur le fleuve voit une souple voilière 6+6 b
30 Mouiller l'ancre à l'abri du vent. 8 a
Un homme jeune encore, à la vaillante allure, 6+6 a
Portant moustache noire et longue chevelure, 6+6 a
S'élance sur le sable roux. 8 a
L'indigène, charmé par le noble visage 6+6 b
35 De celui qui paraît le chef de l'équipage, 6+6 b
Va se jeter à ses genoux. 8 a
Quel est donc l'inconnu qui vient fouler ces grèves 6+6 a
Que l'enfant des forêts ‒ voyant s'enfuir ses rêves ‒ 6+6 a
Dispute aux blancs en souverain ? 8 a
40 Sauvage, incline-toi devant ce nouveau père 6+6 b
Qui rendra ton pays civilisé, prospère ! 6+6 b
Incline-toi devant Champlain ! 8 a
Il vient, au nom du roi qui règne sur la France, 6+6 a
Dissiper les erreurs, le vice et l'ignorance 6+6 a
45 Dans les cœurs naïfs ou pervers, 8 a
Fonder en Amérique une humble colonie 6+6 b
De la France éclairant par son vaste génie 6+6 b
Tous les peuples de l'univers ! 8 a
Levant de l'avenir un coin du voile sombre, 6+6 a
50 Il voit des ennemis le combattre dans l'ombre 6+6 a
Comme des tigres enragés ; 8 a
Mais sa foi, ses vertus, son esprit, sa prudence, 6+6 b
Le feront triompher, avec la Providence, 6+6 b
Des ennemis et des dangers. 8 a
55 Après avoir gravi le rocher gigantesque 6+6 a
Et contemplé longtemps le table pittoresque 6+6 a
Qui s'offre à ses regards ravis, 8 a
Il regagne les flots du beau fleuve qu'il aime, 6+6 b
Et, tout près de ses bords, il travaille lui-même 6+6 b
60 A bâtir le premier logis. 8 a
Champlain vient de jeter les bases de la ville 6+6 a
Où fleurira bientôt la grande loi civile 6+6 a
A côté de la loi de Dieu. 8 a
Il apprend que du Val, un Français malhonnête, 6+6 b
65 Conspire contre lui : du Val meurt, et sa tête 6+6 b
Sanglante, est mise au bout d'un pieu ! 8 a
Il est sévère, soit ! mais juste et charitable ; 6+6 a
Sa bourse, son cœur d'or, son logis et sa table 6+6 a
S'ouvrent à tous les malheureux. 8 a
70 Et les chefs des tribus algonquine et huronne, 6+6 b
Touchés de ses bienfaits, posent une couronne 6+6 b
Sur son front noble et radieux ! 8 a
Cet humble hommage émeut son âme magnanime 6+6 a
Et l'attache encor plus à la charge sublime 6+6 a
75 Qu'il tient de son seigneur et roi ; 8 a
Car puisque dans ces cœurs il a déjà fait naître 6+6 b
Un peu de gratitude, il y fera peut-être 6+6 b
Briller les rayons de la foi. 8 a
Il leur enseigne à tous l'art de l'agriculture, 6+6 a
80 Et, vrai Cincinnatus, commence une culture 6+6 a
Que dieu couronne de succès. 8 a
C'est lui qui, le premier, arrache à cette plage 6+6 b
Le secret de donner au blanc comme au sauvage 6+6 b
Le pain, ce levier du progrès ! 8 a
85 Mais l'illustre Français ne voit pas tout en rose ; 6+6 a
Son front serein naguère est maintenant morose : 6+6 a
Il pleure sur le sort des siens. 8 a
Ah ! c'est que, par de les monts et les rivières, 6+6 b
Habite une autre race, aux instincts sanguinaires, 6+6 b
90 Qui l'outrage et pille ses biens ! 8 a
C'est la race iroquoise, avide et dominante, 6+6 a
Qui veut anéantir cette ville naissante 6+6 a
Et régner sur tout le pays. 8 a
Elle hait les Hurons et les visages pâles 6+6 b
95 Et caresse l'espoir d'ouïr leur derniers râles 6+6 b
Et de mordre à leurs flancs roussis ! 8 a
Champlain s'efforce encor d'apaiser les colères 6+6 a
Des Algonquins qu'il a traités comme des frères. 6+6 a
Mais à sa voix nul n'est soumis. 8 a
100 Les Iroquois d'ailleurs ‒ véritables colosses ‒ 6+6 b
S'avancent, l'arme au poing, l'œil et les traits féroces 6+6 b
Pour attaquer leurs ennemis. 8 a
Un chasseur, survenant, confirme la nouvelle 6+6 a
que deux cents Iroquois, pris d'une ardeur nouvelle, 6+6 a
105 Viennent pour un combat prochain. 8 a
« Alors, répond Champlain, puisqu'ils veulent la guerre, 6+6 b
« Et, par orgueil, rougir de leur sang cette terre, 6+6 b
« Ils seront exaucés demain ! » 8 a
Le soir, notre héros, entouré de ses braves 6+6 a
110 Qui n'ont jamais connu la honte des entraves, 6+6 a
Marche au devant des Iroquois. 8 a
Il les rejoint à l'aube, au milieu de leur danse, 6+6 b
Aux bords du lac Champlain.Assoiffés de vengeance. 6+6 b
Les Hurons vident leurs carquois. 8 a
115 Le soleil, qui se lève, embrase la rae 6+6 a
Où se tiennent Champlain et sa modeste armée 6+6 a
Un ennemi vient de les voir ; 8 a
C'est un chef que distingue un panache de plumes, 6+6 b
Et son accoutrement diffère ses costumes 6+6 b
120 Des autres monstres à l'œil noir. 8 a
Levant son arme, il dit, d'une voix sombre et dure : 6+6 a
« A tous ces gueux il faut ôter la chevelure, 6+6 a
« Et la faire flotter aux vents ! » 8 a
Champlain, sortant du bois, au premier rang se place, 6+6 b
125 Et, d'un coup d'arquebuse, en abat trois sur place, 6+6 b
Le chef et ses premiers suivants ! 8 a
Ce coup fameux inspire aux Iroquois la crainte ; 6+6 a
Ils luttent chaudement, mais leur bravoure est feinte : 6+6 a
La frayeur se lit dans leurs yeux ! 8 a
130 Ils reculent bientôt en cohorte confuse, 6+6 b
Épouvantés qu'ils sont par les coups d'arquebuse 6+6 b
Que Champlain décharge sur eux ! 8 a
Voyez-les déguerpir, ces guerriers si terribles 6+6 a
Qui devaient déchirer de leurs ongles horribles 6+6 a
135 Les cadavres de leurs rivaux ! 8 a
Ils sont lâches, c'est vrai, mais ‒ tigres indomptables ‒ 6+6 b
Ils voudront assouvir leurs haines implacables 6+6 b
Contre Champlain et ses héros. 8 a
Les ans passent. Champlain quitte la colonie 6+6 a
140 Pour aller demander à la France bénie 6+6 a
Les soldats de la vérité. 8 a
Car ce n'est pas, dit-il par la poudre et les balles 6+6 b
Qu'on pourra subjuguer ces bandes cannibales : 6+6 b
Du prêtre il faut la charité ! 8 a
145 Il revient au printemps, le cœur rempli de joie, 6+6 a
Avec de fiers colons que la patrie envoie 6+6 a
Escortés de religieux. 8 a
A sa charge il pourra se livrer sans relâche, 6+6 b
Laissant aux récollets la grande et sainte tâche 6+6 b
150 De gagner des âmes aux cieux ! 8 a
Il fonde, il établit de florissants villages 6+6 a
Où naguère émergeaient des bourgades sauvages 6+6 a
Couvertes d'un maigre gazon ; 8 a
A la brise aujourd'hui le blé d'or s'y balance, 6+6 b
155 Promettant au colon la joie et l'abondance 6+6 b
Pour les jours de l'âpre saison. 8 a
Il instruit l'ignorant, soulage l'infortune 6+6 a
Fait voir aux ennemis l'horreur de la rancune 6+6 a
Et prêche la fraternité ; 8 a
160 Il soutient des combats qui le couvrent de gloire, 6+6 b
Et pose les jalons d'une héroïque histoire 6+6 b
Qu'il lègue à la postérité ! 8 a
Québec n'est plus ce roc à l'aspect morne et sombre 6+6 a
Où venaient autrefois se reposer à l'ombre 6+6 a
165 Le chevreuil, la biche et l'élan. 8 a
La vigne et le noyer sont tombés sous la hache 6+6 b
La nature a je son large et vert panache 6+6 b
Pour se couvrir du drapeau blanc ! 8 a
L'harmonie et l'amour ne sont plus dans les branches 6+6 a
170 Où l'oiseau se cachait, mais dans les maisons blanches 6+6 a
Pleines d'enfants frais et mignons. 8 a
Là vit de ses sueurs un petit peuple brave 6+6 b
Qui peut déjà répondre à l'Anglais qui le brave : 6+6 b
« J'attends l'effet de vos canons ! » 1 8 a
175 Un peuple de héros à la trempe athlétique, 6+6 a
A l'âme généreuse, au cœur patriotique, 6+6 a
Luttant pour la France et ses droits : 8 a
Un peuple qui bénit du prêtre l'influence 6+6 b
Et coule sur ce sol une heureuse existence 6+6 b
180 A l'ombre sainte de la croix !… 8 a
C'est ton œuvre, Champlain, ô gouverneur illustre ! 6+6 a
C'est toi qui fis grandir, en lui donnant ton lustre, 6+6 a
Ce peuple honnête et vigoureux ; 8 a
C'est toi qui le soutins aux heures de l'épreuve ; 6+6 b
185 C'est toi qui l'attachas aux rives de ce fleuve ; 6+6 b
C'est toi qui le rendis heureux ! 8 a
Un quart de siècle et plus, tu manias sans trêve 6+6 a
La charrue ou l'outil, la parole ou le glaive 6+6 a
Pour assurer son avenir. 8 a
190 Et quand la mort parut au seuil de ta demeure, ‒ 6+6 b
Où le peuple assemblé pleurait ta dernière heure, ‒ 6+6 b
Sans trembler tu la vis venir ! 8 a
Bien des ans ont passé depuis que ta grande âme 6+6 a
S'est envolée aux cieux, et la patrie acclame 6+6 a
195 Ton nom toujours retentissant. 8 a
Vois ‒ grain de séne que tu jetas en terre 6+6 b
Ces millions de cœurs te proclament leur père 6+6 b
De ce pays libre et puissant ! 8 a
Ils rêvaient d'ériger sur le haut promontoire 6+6 a
200 Où ton astre brillant se coucha dans sa gloire, 6+6 a
Un bronze digne de renom ; 8 a
Et ce rêve aujourd'hui, Champlain, se réalise : 6+6 b
Le peuple de Québec de zèle rivalise 6+6 b
Pour immortaliser ton nom. 8 a
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