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BUS_1/BUS32
Alfred BUSQUET
POÉSIES
1884
CHANSONS DE TOUS LES PAYS
OMBRE ET LUMIÈRE
SOUVENIR VALAQUE
La vie est ce ruisseau que l’on voit, à sa source, 6+6 a
Mince filet d'argent, babiller dans la mousse. 6+6 a
Puis grossir, puis enfler son cours trop vite accru, 6+6 b
Puis devenir torrent avec rage accouru. 6+6 b
5 Puis fleuve immense et fort, traînant parmi les herbes 6+6 a
Sa tunique éclatante et ses ondes superbes. 6+6 a
Puis décroitre et bientôt, rétrécissant son lit, 6+6 b
A son vêtement bleu retirer plus d’un pli. 6+6 b
Faire taire son flot qui chantait dans les saules. 6+6 a
10 Laisser plus d’un poisson à sec sur ses épaules. 6+6 a
S’enfoncer dans le sable et disparaître aux yeux. 6+6 b
Comme une étoile d’or filant au front des cieux. 6+6 b
C’est encor ce rayon que nous darde l’Aurore, 6+6 a
Linéament douteux qui bientôt se colore. 6+6 a
15 Devient flèche du jour et qui dans le ciel bleu, 6+6 b
Sous nos regards scintille en atome de feu ; 6+6 b
Mais soudain ce rayon, ce prisme, cet atome 6+6 a
Décoloré, blanchit et meurt, pâle fantôme, 6+6 a
Ne laissant rien de lui qu’un triste souvenir 6+6 b
20 Et l’espoir hasardeux de le voir revenir. 6+6 b
Hélas ! telle est la vie… un décroissement sombre. 6+6 a
Le passage fatal de la lumière à l’ombre. 6+6 a
Là-bas, lorsqu’un Valaque a clos ses yeux mourans. 6+6 b
Les amis du défunt, ses proches, ses parens. 6+6 b
25 Abandonnant soudain la journée incomplète. 6+6 a
Près du lit funéraire, en beaux habits de fête. 6+6 a
S’assemblent à la hâte autour du trépassé ; 6+6 b
Puis quand ils ont pleuré, gémi, qu’ils ont assez 6+6 b
Mené le deuil selon les anciennes pratiques. 6+6 a
30 Le cadavre est conduit vers les tombes antiques 6+6 a
Chut ! voici le cortège ; il descend au vallon. 6+6 b
Et trace dans la plaine un sinueux sillon ; 6+6 b
Il approche : à genoux ! Le voilà qui défile. 6+6 a
Toute la vie est là.
Cher trésor si fragile. 6+6 a
35 C’est l’enfant nouveau-né qu’on porte dans les bras. 6+6 b
Si jeune et cependant réclamé du trépas. 6+6 b
Puis l'enfant de cinq ans que ce spectacle étrange 6+6 a
Émerveille à la fois et rend triste, cher ange ! 6+6 a
L’adolescent après marche d’un pas plus sûr, 6+6 b
40 Du ciel dans son regard reflétant tout l’azur ; 6+6 b
Le jouvenceau le suit, gourmandant sa paresse ; 6+6 a
Puis voici le jeune homme au front plein d’allégresse. 6+6 a
L’homme fait, l’homme mûr et la virilité 6+6 b
Offrant un bras plus sûr à la sénilité ; 6+6 b
45 Enfin, derrière eux tous et fermant le cortège. 6+6 a
Le mort dans son linceul, le mort que l’ombre assiège 6+6 a
Et qui va près des siens, ancêtres glorieux. 6+6 b
Reposer loin du bruit au tombeau des aïeux. 6+6 b
Hélas ! telle est la vie… un décroissement sombre. 6+6 a
50 Le passage fatal de la lumière à l’ombre. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 25((aa))
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