Métrique en Ligne
BRS_1/BRS7
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
MESSE DU PASSÉ
I
Elles sont mortes, ses amies, 8 a
Ses amis sont là-bas, là-bas 8 b
Elle s'avance à petits pas 8 b
Parmi des choses endormies. 8 a
5 Son âme se plaint doucement, 8 a
Dans les sous-bois, prés des fontaines, 8 b
Elle voit des formes lointaines 8 b
Qui vont, pleines d'apitoiement. 8 a
Devant sa pauvre âme tremblante 8 a
10 Tous les souvenirs sont passés, 8 b
Le soir, avec leurs dos lassés, 8 b
Et leur démarche nonchalante. 8 a
Dans son calme fauteuil de bois, 8 a
Je vois sa taille qui se penche, 8 b
15 Puis je vois sa figure blanche 8 b
Qui sourit parmi les sous-bois. 8 a
Ses pieds mignons foulent les mousses, 8 a
Les oiseaux ont de petits cris, 8 b
Et ses amours et ses yeux gris 8 b
20 Sont de vieilles histoires douces. 8 a
On eût dit qu'elle allait parler, 8 a
Ses lèvres chuchotaient entre elles, 8 b
Et l'on voyait dans ses mains frêles 8 b
L'habitude de consoler. 8 a
25 Mélancolique et matinale, 8 a
Quand je regarde, je la vois, 8 b
Très vieille avec sa vieille voix, 8 b
Dans les feuilles de soleil pâle. 8 a
Et ce n'est plus le beau soleil ; 8 a
30 C'est le soir, dans le salon tiède : 8 b
Le feu, la lampe… On cause, on cède 8 b
Aux baisers aimants du sommeil. 8 a
Au foyer une flamme rampe, 8 a
Et dans le salon qui s'endort, 8 b
35 Quelques amis qu'éclaire encor 8 b
La lueur faible de la lampe 8 a
Puis, il te faudra les quitter. 8 a
Le jour souffre et revit encore : 8 b
Mais toi, la blancheur de l'aurore 8 b
40 Ne te fera plus grelotter. 8 a
La mort viendra sans te le dire 8 a
Toucher tes lèvres sans couleur, 8 b
Où la joie, et puis la douleur 8 b
Sont mortes dans un lent sourire ; 8 a
45 Puis ton cœur, maison du bon Dieu, 8 a
Où tant d'amis étaient ensemble 8 b
-Et leurs fronts dans la nuit qui tremble 8 b
Se diront vaguement adieu. 8 a
Tes yeux, où les jours sans secousses 8 a
50 Ont mis de la tranquillité, 8 b
Et tes épaules de beauté 8 b
Que la fatigue a faites douces. 8 a
II
La très vieille dame était morte. 8 a
Alors je suis venu vers toi, 8 b
55 Un jour qu'il faisait triste et froid 8 b
Et qu'il pleuvait devant ta porte. 8 a
Je vis tes longs cheveux bouclés 8 a
Et leur or pâle qui frissonne, 8 b
Et ta piété monotone 8 b
60 Dans tes yeux bleus et désolés. 8 a
Tu fus la clarté gracieuse 8 c
Qui m'environnait, et je sais 8 d
Qu'au fond, un peu, tu frémissais 8 d
Avec ton âme sérieuse 8 c
65 Ta robe droite du dimanche 8 a
Laissait à nu ton petit cou. 8 b
Tu ne me parlais pas beaucoup, 8 b
Tu rôdais dans la maison blanche 8 a
… J'entendais rêver des ruisseaux 8 a
70 Sous le repos des saules pâles. 8 b
Dans mes mains tristes et royales 8 b
J'ai tenu leurs âmes d'oiseaux 8 a
Elles ont des rondes d'amour 8 a
Et des yeux de petites filles. 8 b
75 Elles ont des bouches gentilles 8 b
Et des questions ; tout autour 8 a
III
Au pays morne sans saison 8 a
Où je vais seul, lent patriarche, 8 b
Je vois s'ouvrir devant ma marche 8 b
80 Le grand regard de l'horizon. 8 a
Je porte en moi ma vie altière 8 a
Le ciel est gris ; mon cœur se fond 8 b
Dans mon orgueil vide et profond 8 b
Comme un bonheur dans la lumière. 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
schéma : 19(abba) 1(abbacddc)
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