Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRS_1/BRS59
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LE SILENCE DES PAUVRES
LE PROPHÈTE
Il répondit : « Tu viens bien tard. »
Le soir sur l'univers | vague comme un appel, 6+6 a
Je vois des bras confus | près d'un mur clair et sombre ; 6+6 b
Et tout se sacrifie | à la pâleur du ciel. 6+6 a
Le crépuscule veut | la prière qui sombre, 6+6 b
5 Le peu que nous avons | en nous de maternel 6+6 a
À l'heure vague et triste | où l'on se donne à l'ombre. 6+6 b
Tu t'assois sur un banc | comme pour mendier… 6+6 a
Le demi-jour est plein | de foules disparues, 6+6 b
Le silence est un cri | qui ne peut pas crier. 6+6 a
10 Comme l'Autre, Seigneur, | tu verras dans les rues 6+6 b
Les hommes revenir | en pleurs pour oublier, 6+6 a
Et les filles qui rient | pour être secourues ! 6+6 b
Que les vieux jours sont loin, | que tous les jours sont vieux, 6+6 a
Dans ce dernier refuge | où d'année en année, 6+6 b
15 Le soleil a laissé | l'épave de tes yeux ! 6+6 a
Attendri, comme tout | dans l'heure abandonnée, 6+6 b
Tes regards ont cherché | d'abord au fond des cieux 6+6 a
Un peu de la blancheur | où s'en va la journée. 6+6 b
Et rien ne te couronne, | et rien ne t'a chanté, 6+6 a
20 Et nul ne te connaît | des enfants et des hommes 6+6 b
Dans le dernier refuge | où tu t'es arrêté. 6+6 a
Le destin fut amer | au vieux monde où nous sommes ; 6+6 b
Si peu que nous ayons | aimé la vérité, 6+6 c
La vérité peut-être | a moins aimé les hommes ! 6+6 b
25 Et tu tendras les mains | vers le jour épié. 6+6 c
Le soir est inutile | à la ville de pierre 6+6 a
Et l'azur dans le ciel | semble crucifié. 6+6 b
Entr'ouvrant sur ta lèvre | un baiser de prière, 6+6 a
Et redressant un peu | ta joie et ta pitié, 6+6 b
30 Tu sentiras tout seul | l'aumône de lumière. 6+6 a
Oh, c'eût été si vague | et si bon d'être heureux… 6+6 a
Ils n'auraient presque pas | vu changer le soir pâle 6+6 b
Qu'il tombât en silence | ou qu'il tombât pour eux. 6+6 a
Voici que doucement | ta nuit est triomphale, 6+6 b
35 Tu te lèves, baigné | d'un soleil ténébreux, 6+6 a
Et l'ombre se caresse | entre tes doigts d'opale 6+6 b
Demeure, pâle et dur, | dans le silence en chœur, 6+6 a
Si dépouillé, si las, | au fond de ta défaite, 6+6 b
Que l'on voit presque à nu | la clarté de ton cœur. 6+6 a
40 Seigneur, toi que l'on trompe | et qui baisses la tète, 6+6 b
Tu sentiras, brûlé | par le soir de longueur, 6+6 a
La faim qui crie en toi | comme une grande fête. 6+6 b
Laissons les maladroits | et les irrésolus 6+6 a
Qui prêchent d'oublier | tout doucement, sans cause, 6+6 b
45 Et qui croient consolés | ceux qui ne souffrent plus ; 6+6 a
Et le fou méprisant | combien toute âme est close 6+6 b
Qui, de sa foi béate | ivre de plus en plus, 6+6 a
Rêve de consoler | quelqu'un ou quelque chose. 6+6 b
Tous ceux que la douleur | n'a pas faits douloureux, 6+6 a
50 Au milieu du désert, | sans haine, sans envie, 6+6 b
Les pauvres égarés | qui peuvent être heureux ; 6+6 a
Ceux qui croient que l'amour | mérite qu'on l'envie, 6+6 b
Ceux qui peuvent dormir | quand la nuit est sur eux 6+6 a
Et qui nomment le ciel | ce qui manque à la vie. 6+6 b
PRIÈRE
55 Va sans savoir, respire, écoute. 8 a
Dis ta gloire n'importe auquel ; 8 b
Si grand que tu sois sur la route 8 a
L'amour te laisse, comme un ciel. 8 b
Au milieu des cris du théâtre 8 a
60 Et de leurs serments de malheur, 8 b
Écoute, étoilé comme un pâtre, 8 a
Le silence de la douleur. 8 b
Moi qui ne sais pas de prière, 8 a
Toi si bon au-dessus de nous, 8 b
65 Je voudrais sourire à la mère 8 a
Qui t'a tenu sur ses genoux. 8 b
Permets qu'à tes pieds adorables 8 a
On rêve, on rêve aux jours d'avant 8 b
Où, comme les plus misérables 8 a
70 Tu n'étais qu'un petit enfant. 8 b
Tous les nids sont un peu prospères, 8 a
Nous sortons tous d'un vague abri… 8 b
Les dieux et les pauvres sont frères 8 a
Par le peu d'enfance qui rit. 8 b
75 Comme ma dernière tendresse, 8 a
Veux-tu qu'en un soir effacé 8 b
Je sois un peu de la caresse 8 a
Des seuls jours qui t'ont caressé !… 8 b
Au lieu de crier solitaire 8 a
80 Puisse le soir être avec toi ; 8 b
Puisses-tu parfois sur la terre 8 a
Sourire sans savoir pourquoi ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université