Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
BRS_1/BRS50
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LE SILENCE DES PAUVRES
SAINTE MADELEINE INUTILE
à une petite statue
Dans la niche en pierre tranquille…
I
Dans le coin où le soir t'oublie, 8 a
Tu ne sens pas le vieil amour 8 b
Qu'a mis sur ta tête pâlie 8 a
La fête ignorante du jour. 8 b
5 Dans le repos où tu reposes, 8 a
Tu ne sens pas, ô grave sœur, 8 b
Cette clarté des vagues choses 8 a
Qui l'illumine avec douceur… 8 b
Voici le soir. Toujours semblable 8 a
10 Sur le seuil d'or des jours d'été, 8 b
En vain le soleil adorable 8 a
T'a fait un peu de charité. 8 b
Tu n'es pas plus douce — plus sombre, 8 a
Pourtant, beaucoup étaient venus 8 b
15 Pour t'écouter pleurer de l'ombre 8 a
Et se troubler de tes doigts nus. 8 b
Tu n'as même pas sur la pierre, 8 a
Pendant un vague et triste instant, 8 b
Souri comme — un peu de lumière 8 a
20 À ces pauvres voix qu'on entend. 8 b
II
Tu lèves sans douleur, sans joie 8 a
Tes yeux où le soleil se perd, 8 b
Tes mains où notre amour se noie 8 a
Comme un bon frisson dans la mer. 8 b
25 Oh ! pendant que, morne débâcle, 8 a
Nous passons dans un morne bruit, 8 b
Si tu faisais le doux miracle 8 a
D'avoir un peu froid dans la nuit… 8 b
Si trop calme et belle sans trêve 8 a
30 Aux beaux silences étoilés, 8 b
Tes yeux s'appauvrissaient du rêve 8 a
Dont nos regards sont désolés… 8 b
On viendrait te voir, simple et chère, 8 a
Indécise comme un secret, 8 b
35 Avec la robe de prière 8 a
Qu'un humble cierge te ferait. 8 b
Tu serais ce qui fait renaître 8 a
L'âme heureuse, le songe éteint… 8 b
Et ton chemin serait peut-être 8 a
40 La caresse de mon destin. 8 b
Tu serais l'amour, et l'enfance… 8 a
Et pourtant, toi qui ne dis rien, 8 b
Et moi qui souris de souffrance, 8 a
Je sens que ton silence est bien. 8 b
45 Je t'adore dans ton grand règne, 8 a
Et dans l'espace sans amours. 8 b
Tu ne dis rien comme l'on saigne, 8 a
Et te voir, c'est pleurer toujours. 8 b
Oh ! sans raison, sans mal, sans crimes, 8 a
50 Et sans remords au fond de moi, 8 b
Je voudrais à tes pieds sublimes 8 a
Pleurer que la lumière soit ! 8 b
Pleurer que le jour s'irradie 8 a
Que la nuit brûle dans les cieux, 8 b
55 Pleurer tout ce pauvre incendie 8 a
Qui monte humblement dans nos yeux… 8 b
III
Tandis que les vieilles aux « simples » 8 a
Marmonnent un air enchanté, 8 b
Tu regardes de tes yeux simples 8 a
60 Le monde de simplicité. 8 b
Et tandis que sans espérance 8 a
Nous passons et ne parlons pas, 8 b
Tu comprends avec ton silence 8 a
La prière que font nos pas. 8 b
65 Tu regardes, toujours la même, 8 a
Tu souris, comme ton ciel bleu, 8 b
Et quand on crie ou qu'on blasphème, 8 a
Tu laisses dire, comme Dieu. 8 b
mètre profil métrique : 8
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