Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRS_1/BRS49
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LE SILENCE DES PAUVRES
L'ATTENTE
Sans l'éblouissement de la croix…
L'ombre, en s'agrandissant, | pauvre femme qui rêve, 6+6 a
Vient mêler doucement | dans le déclin du jour 6+6 b
Sa paix à ton grand cœur | et son rêve à ton rêve. 6+6 a
Et tu restes bien seule | avec tes yeux d'amour, 6+6 b
5 Indécise, perdue | au silence où s'élève 6+6 c
La triste et vieille voix | qui chante dans la cour. 6+6 b
Oh ! mendier toujours | parmi l'ombre sans digue 6+6 c
Les soleils du passé | pour ce soir sans couleur, 6+6 a
Toute la charité | pour toute la fatigue, 6+6 c
10 Lorsque l'ombre revêt | de calme et de douleur, 6+6 a
Quand le dernier reflet | des vitres se fatigue 6+6 b
Sur tes cheveux divins | et ton front de pâleur. 6+6 a
Écoute, écoute encor, | mendiante d'espace, 6+6 b
Plus loin que le silence | et plus profond que tout… 6+6 c
15 Et c'est l'âme qui pleure | et c'est le temps qui passe. 6+6 b
Le temps, le temps sacré | qui bénit le cœur fou, 6+6 c
La présence qui fait | que l'on parle à voix basse 6+6 a
Dans cette église d'ombre | où s'incline ton cou. 6+6 c
Oh ! rêve à la longueur | de la tristesse humaine, 6+6 a
20 Aux vieux palais où va, | silencieux, le temps, 6+6 b
À la tranquillité | par qui tu devins reine ! 6+6 a
Rêve à la profondeur | du silence où j'attends, 6+6 b
Aux vieux couples qui vont | dans le soleil qui traîne 6+6 c
Et s'aimeront toujours | de s'être aimés longtemps. 6+6 b
25 Ne maudis pas l'attente | et les soirs où tu pleures : 6+6 c
Tous les martyrs ont eu | leurs infinis chemins 6+6 a
Et tous les grands orgueils | sont bénis par les heures 6+6 c
Puisque l'on devient grand | à voir les jours éteints, 6+6 a
Dans la chambre assombrie | il faut que tu demeures, 6+6 b
30 Le crépuscule aux yeux | et la paix dans les mains. 6+6 a
Il faut qu'indifférente | aux radieux passages, 6+6 b
Toujours seule au milieu | de l'ombre et du sommeil, 6+6 c
Tu laisses un à un | tomber les grands soirs sages. 6+6 b
Il faut, toi que baigna | la gloire du soleil, 6+6 c
35 Laisser passer sur toi | l'après-midi sans âges 6+6 a
Et le soir nimber d'or | ton front toujours pareil. 6+6 c
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pauvre femme qui dors | auprès de la fenêtre, 6+6 a
Les mains lasses, le cœur | innocent et lointain 6+6 b
Dans le baiser nocturne | et frais qui vient de naître, 6+6 a
40 Frêle douleur que rien | n'aura jamais atteint, 6+6 b
Toi que veille l'azur | comme un grand dieu sans prêtre, 6+6 c
Repose vaguement | du soir jusqu'au matin. 6+6 b
Repose loin de ceux | qui ne sont pas avides 6+6 c
D'attente inconsolable | et d'azurs décevants, 6+6 a
45 Ceux du bonheur parfait | et de la mer sans rides. 6+6 c
Laissons les prêtres fous | et les amants fervents 6+6 a
Venir béatement | baigner leurs tempes vides 6+6 b
Dans ce fleuve brumeux | chanté par les grands vents ! 6+6 a
Laissons les amoureux | à leurs songes infimes, 6+6 b
50 Laissons la pauvre voix | qui chante dans la cour 6+6 c
Rêver d'un pur bonheur | et d'un cœur sans abîmes ! 6+6 b
Sachons que rien ne vaut | la gravité du jour, 6+6 c
Et cette éternité | qui nous a faits sublimes, 6+6 b
Ne la blasphémons pas | par des serments d'amour. 6+6 c
mètre profil métrique : 6+6
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