Métrique en Ligne
BRS_1/BRS46
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LA HAINE
LA TERRE
… Car mon orgueil n'a pas de mains humaines
Tu fus la femme : faible et forte, 8 a
Et vibrante comme un souhait ; 8 b
Celle qu'on aime et que l'on hait, 8 b
Et maintenant, te voilà morte. 8 a
5 Comme un éclair, comme un signal, 8 a
La mort passa, la mort savante, 8 b
Avec le collier d'épouvante 8 b
Qu'elle a mis sur ton cou royal. 8 a
Oh ! la nuit de fièvre et de larmes, 8 a
10 Quand tu luttais pour le soleil 8 b
Ta tête est pleine de sommeil, 8 b
Tes bras gisent comme des armes. 8 a
Tu ne sais plus ce que je veux ; 8 a
Ton front aveugle me dédaigne, 8 b
15 Vision de pâleur que baigne 8 b
La mer morte de tes cheveux. 8 a
J'ai vu tes deux lèvres de pierre 8 a
Pleines d'un silence hagard, 8 b
Et l'étoile de ton regard 8 b
20 Sous les longs cils de ta paupière, 8 a
Ô toi qui n'as plus d'horizon, 8 a
Qui restes calme et sans colère 8 b
Comme la brume qui m'éclaire 8 b
Quand je reviens dans ma maison ! 8 a
25 Le soir tombe avec sa rosée, 8 a
La paix glisse du firmament, 8 b
Tu t'abandonnes doucement 8 b
À la terre où l'on t'a posée. 8 a
Elle connaît tous les amours ; 8 a
30 Ton corps si frêle est sous sa mousse ; 8 b
Elle a gardé ta mort si douce 8 b
Dans le grand deuil qu'elle a toujours 8 a
Elle est la berceuse des râles, 8 a
La reine et la communion ; 8 b
35 Elle a des gestes d'union 8 b
Plus doux encor que tes bras pâles. 8 a
C'est l'heure auguste des aveux ; 8 a
C'est la nuit, c'est la nuit humide 8 b
Qui caresse ton front placide, 8 b
40 Et qui pleure dans tes cheveux. 8 a
La nuit ! toute ton indolence, 8 a
Toute ton âme et tous tes yeux ! 8 b
Elle a des mots silencieux, 8 b
Et tu ne sais que le silence ! 8 a
45 Sous le ciel glacial et lourd, 8 a
Tu raidis tes membres funèbres, 8 b
Sentant passer dans les vertèbres 8 b
Le grand tourment du grand amour. 8 a
Tu remplis l'ombre sans secousse, 8 a
50 Ses baisers montent sur ta chair, 8 b
Sa caresse est comme la mer, 8 b
Éternelle, tremblante et douce. 8 a
C'est l'amour enfin reposé 8 a
Dans l'éternité de l'ivresse ; 8 b
55 Ton poids seul est une caresse 8 b
Et tout son corps est un baiser ; 8 a
Le baiser sans crainte, et sans leurres 8 a
D'un amour grand comme un oubli ; 8 b
Oh ! sur ton cou, ton front pâli, 8 b
60 Ses yeux vides comme les heures ! 8 a
Ses bras, ses grands bras sans couleur, 8 a
Toute ta beauté solennelle 8 b
Qui se perd largement en elle 8 b
Comme un hymne dans la douleur ! 8 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
65 Ô toi qui viens dans nos prières, 8 a
Pauvre grand cœur naïf et fort, 8 b
Va dans la nuit, va dans la mort 8 b
Chercher les âmes tout entières. 8 a
Toi qui veux l'amour sans adieu, 8 a
70 Et l'âme éternellement pleine, 8 b
Ton cœur est grand comme ta peine. 8 b
Tu seras triste comme un dieu. 8 a
Tu sentiras l'inquiétude 8 a
Des petites mains dans ta main, 8 b
75 Car tu marches dans un chemin 8 b
Où l'on aime ta solitude. 8 a
Très faibles devant ta douleur, 8 a
Tes sœurs mettront pour ton martyre 8 b
Les diamants de leur sourire 8 b
80 Sur ton grand manteau de malheur. 8 a
Mais à toi qui veux tout, qu'importe 8 a
Ce qui n'est pas l'accouplement 8 b
Où l'on tremble éternellement 8 b
Comme la terre et la chair morte ? 8 a
85 Sois grave, pardonne, soumets, 8 a
Trouve un ange ou trouve une femme ; 8 b
Tu sais que tu voudrais une âme, 8 b
Et que tu n'en auras jamais. 8 a
L'union tranquille, sans voiles 8 a
90 Et sans l'angoisse des vainqueurs, 8 b
Elle est trop grande pour leurs cœurs 8 b
Comme une nuit pleine d'étoiles. 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
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