Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
BRS_1/BRS38
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LA LAMPE
LA FATIGUE
Un peu de pitié s'apitoie.
Voici que ta pensée exquise 8 a
S'est fermée à mes doigts amis, 8 b
Et que ton sommeil éternise 8 a
Le sourire où tu t'endormis. 8 b
5 Voici que la lampe agonise, 8 a
Que le rêve entre au salon vieux 8 b
Et que la fatigue indécise 8 a
Vient doucement fermer les yeux… 8 b
Elle dort, la tête posée 8 a
10 Sur le sombre fauteuil profond, 8 b
Et la fatigue est la rosée 8 a
Qui pleure la paix sur mon front. 8 b
Les hommes passent sur la route, 8 a
Et moi, très las et les yeux clos, 8 b
15 Je suis la douceur et j'écoute. 8 a
Toutes les voix sont mes sanglots. 8 b
Ô nuit qui fait que toute flamme 8 a
Attend avec un tremblement, 8 b
Ô foyer tiède, comme une âme 8 a
20 Qui se rapproche lentement. 8 b
Ouvre la veille sans secousse, 8 a
Paix d'azur qui viens m'effleurer… 8 b
La fatigue devient très douce, 8 a
Le vent s'arrête pour pleurer. 8 b
25 Ma lampe est ma sœur de lumière, 8 a
La sœur des instants confondus, 8 b
Et je vois son âme en prière 8 a
À travers mes regards perdus. 8 b
Elle est la sœur d'anciennes fêtes 8 a
30 À demi mortes dans mes yeux, 8 b
L'auréole de chères têtes 8 a
Au fond d'un bal mystérieux. 8 b
Maintenant, puisqu'elle se voile, 8 a
On sent la nuit, sanglot profond, 8 b
35 Et furtivement, les étoiles 8 a
Aux fenêtres du vieux salon. 8 b
Et c'est le matin de décembre 8 a
Brouillé dans l'âme des danseurs… 8 b
Le feu doit mourir dans la chambre, 8 a
40 Mes mains ont froid pour tous les cœurs. 8 b
Et tout près, ma lampe, il me semble. 8 a
S'ébauche avec timidité, 8 b
Et c'est une étoile qui tremble 8 a
Avec son cœur de charité !… 8 b
45 Chastes souvenirs sans demeure 8 a
Vous entrez au foyer d'hiver, 8 b
Vous sanglotez comme cette heure, 8 a
Vous ne dites rien, comme hier. 8 b
Vous venez, vagues, sur la terre, 8 a
50 Vous venez au calme moment, 8 b
Lorsque le grand soir de misère 8 a
Est sur la route infiniment. 8 b
Ma lampe, c'est ma sœur d'opale, 8 a
L'ange qui veille au soir si court, 8 b
55 Lorsque, dressé sur le ciel pâle, 8 a
Le grand vitrage attend le jour. 8 b
Pauvre âme, rêve ton long rêve, 8 a
Tu ne sais rien lorsqu'il est là. 8 b
Et lorsque le matin se lève, 8 a
60 Il est pauvre de tout cela. 8 b
mètre profil métrique : 8
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