Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRS_1/BRS2
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
MESSE DU PASSÉ
TABLEAUX
Chaque parole est un sourire.
I
Au fond du vieux salon où le bal se précise, 6+6 a
Les traînes de satin, couleur de demi-jour, 6+6 b
Suivent avec lenteur la musique indécise. 6+6 a
Au fond du vieux salon, au fond de tant de jours, 6+6 b
5 Sur les danseurs errants et les formes assises, 6+6 a
Tous les reflets du ciel habillent les atours. 6+6 b
L'aile des éventails est prise, et tremble, lasse. 6+6 a
Un doux soleil fleurit, captif jusqu'au matin. 6+6 b
La danse éparpillée affronte en vain l'espace, 6+6 a
10 Elle obéit sans cesse, et retombe sans fin. 6+6 b
Toute la vie enclose entre les feux des glaces 6+6 a
Voudrait s'enfuir, et reste là, comme un jardin. 4+4+4 a
II
J'ouvre les yeux, lassé par la très longue veille ; 6+6 b
C'est la chambre dolente et l'ombre dans le coin, 6+6 a
15 Et la voix de l'horloge à voix toujours pareille. 6+6 b
La fenêtre confuse éclaire par un joint 6+6 c
D'une mince lueur le plafond qui sommeille ; 6+6 b
Dans la rue, une voix se lamente très loin. 6+6 c
La paix des grands rideaux où l'âme tiède est prise 6+6 a
20 Garde ses longs plis morts sur mon repos très lourd, 6+6 b
Et mon demi-sommeil rêve dans l'heure grise… 6+6 a
J'entends des bruits craintifs dans la maison, autour 6+6 b
Elle approche à pas doux pour n'être pas surprise, 6+6 a
Et par la porte blanche elle entre avec le jour. 6+6 b
III
25 Aux sentiers où je vais mon pas triste résonne. 6+6 a
Nous nous sommes quittés ; il fait froid, il a plu ; 6+6 b
Je viens dans le grand parc où ne vient plus personne… 6+6 a
Nous nous sommes quittés, puisque tu l'as voulu. 6+6 b
Ô pauvre cœur désert où trop de vent frissonne, 6+6 a
30 Ô pauvre cœur creu de l'automne, salut ! 6+6 b
Le silence et l'absence ouvrent la forêt nue, 6+6 a
La feuilles gît, légère et lourde, en désarroi, 6+6 b
Je pense aux chemins clairs où ta grâce est venue ! 6+6 a
Et le ciel s'assombrit lentement, il fait froid, 6+6 b
35 Mon âme douloureuse erre dans l'avenue 6+6 a
Et la grande nature est plus triste que moi. 6+6 b
IV
Au bord de la fontaine où je vais à pas lents, 6+6 a
La statue, au milieu de la pénombre, écoute 6+6 b
Le murmure de l'eau qui baigne ses pieds blancs 6+6 a
40 Et l'on perçoit au loin sous l'ombre de la voûte 6+6 b
Et le deuil transpercé des grands rameaux dolents 6+6 a
La fontaine qui tremble et pleure goutte à goutte. 6+6 b
Oh ! tout est plein ici des pudeurs de l'adieu. 6+6 a
Un frisson morne court dans la forêt pâlie… 6+6 b
45 On croit voir en la nuit comme en un jour plus bleu, 6+6 a
La sainte qui venait, si triste et si jolie 6+6 b
Vers la clairière astrale où tout veillait un peu, 6+6 a
Avec son luxe d'ombre et de mélancolie… 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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