Métrique en Ligne
BRS_1/BRS26
Henri BARBUSSE
Les Pleureuses
1895
LES CHOSES
DEUX VIEILLES CHOSES
I
Le Poisson Sec
Parmi la boutique un peu noire, 8 a
Reflet morne demi-caché, 8 b
Tu n'es, pauvre poisson séché, 8 b
Que les lettres de ton histoire. 8 a
5 Te rendrait-on ton cœur amer 8 a
Ta vie âpre et dévoratrice, 8 b
Quand tu sombrais avec délice 8 b
Dans la caresse de la mer ; 8 a
Te rendrait-on ton doux sillage, 8 a
10 Monarque fluide aux yeux d'or, 8 b
Ton rêve assiégeant et sans bord, 8 b
Ta vie, étroit et grand voyage, 8 a
Quand même entre tes petits os 8 a
Tandis que tu gis sur la planche, 8 b
15 On mettrait en poussière blanche 8 b
La grande amertume des eaux !… 8 a
Ce matin, j'ai jeté nos lettres 8 a
Dans le feu, neuf et clair frisson 8 b
Elle n'a rien dit, la chanson 8 b
20 Qui chantonnait auprès des lettres. 8 a
II
Loque
Ta belle âme de ballon…
La félicité n'est qu'un songe 8 a
Qui s'en va comme un chenapan. 8 b
On dirait un peu qu'il y songe, 8 a
Lorsque, mélancolique, il pend. 8 b
25 Les heures d'oubli sont rapides : 8 c
Ivre et tout vague, l'aquilon 8 d
Touche du doigt ses jambes vides. 8 c
Le jour est mort, le soir est long. 8 d
Le vent sans pitié pour son âge 8 a
30 Mêle ses membres ramollis, 8 b
C'est corme un mince personnage 8 a
Qui se glisse dans les vieux plis. 8 b
Et lui, s'éveillant triste et gauche, 8 c
Voudrait rire, malgré son plomb ; 8 d
35 Il essaye une vague ébauche 8 c
Le jour est mort, le soir est long. 8 d
Près d'un habit à longues basques, 8 a
Il esquisse en l'air, accroché, 8 b
Ses pas incohérents et flasques, 8 a
40 Ce vieux qui sait qu'il a marché. 8 b
Le dolman à large carrure 8 c
Dont il bat le triple galon 8 d
Grince avec un bruit de serrure 8 c
Le jour est mort, le soir est long. 8 d
45 Tu danses dans l'or poétique, 8 a
Pauvre orateur tenace et laid, 8 b
Avec ton destin de boutique 8 a
Et tes cauchemars de balai. 8 b
Qu'un jeune, auquel rien ne résiste, 8 c
50 Pince la lyre d'Apollon ; 8 d
Je le regarde d'un air triste. 8 c
Le jour est mort, le soir est long. 8 d
Nous nous en irons, pauvres princes, 8 a
Avec notre tranquillité ; 8 b
55 Je te prendrai dans mes bras minces, 8 a
Ô le seul qui me soit resté ! 8 b
Automne gris qui te recueilles, 8 c
J'entends gémir dans le vallon 8 d
Des souvenirs de vieilles feuilles. 8 c
60 Le jour est mort, le soir est long. 8 d
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
schéma : 5(abba) 5(ababcdcd)
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