Métrique en Ligne
BRJ_1/BRJ3
corpus Pamela Puntel
Jules BARBIER
LE FRANC-TIREUR
1871
LE FRANC-TIREUR
II
TOAST1
Tandis que, souriant aux bouteilles nouvelles, 6+6 a
Un peu de sens encor demeure en vos cervelles. 6+6 a
Et que les noirs flacons, dans la glace endormis. 6+6 b
Gardent en paix l'ivresse, un mot, ô mes amis ! 6+6 b
5 Et toi, Muse indolente, amoureuse des fêtes, 6+6 a
Qui te plais à tresser des roses pour nos têtes, 6+6 a
Et, guidant au plaisir tes pâles nourrissons, 6+6 b
Les allaites de vin et de molles chansons, 6+6 b
Toi qui n'a pas au cœur une mâle pensée, 6+6 a
10 Et de la voix du peuple as l'oreille blessée, 6+6 a
N'arrête pas ici tes regards incertains ; 6+6 b
Baisse ton voile et passe, ô Muse des festins ! 6+6 b
La muse que j'appelle et la Muse que j'aime, 6+6 a
C'est celle à qui la France a donné le baptême ; 6+6 a
15 C'est celle qui s'émeut des cris de ses enfants, 6+6 b
Qui nous porte, orgueilleuse, en ses bras triomphants, 6+6 b
Et nous fait écouter au loin, par intervalles, 6+6 a
Les sonores chansons de la poudre et des balles. 6+6 a
Mes amis, on a dit que nos cœurs abattus 6+6 b
20 Étaient déshérités de toutes les vertus, 6+6 b
Que nous avions perdu le souvenir antique 6+6 a
Des austères devoirs du foyer domestique, 6+6 a
Et que, se renfermant dans son ciel oublié, 6+6 b
Dieu retirait à lui l'amour et l'amitié. 6+6 b
25 Et moi, qui sens encore aux belles destinées 6+6 a
Se diriger l'ardeur de mes jeunes années, 6+6 a
Moi, qui suis riche encor d'espérance et de foi, 6+6 b
Amis, qui crois en vous, amour, qui crois en toi, 6+6 b
J'ai jeté vers les cieux mes hymnes plus ferventes, 6+6 a
30 Et j'ai dit : Non, Seigneur ! nos âmes sont vivantes, 6+6 a
Ta paternelle main n'a pas déshérité 6+6 b
Ceux où réside encor l'ardente charité ; 6+6 b
Et tu ne frapperas, au jour de tes colères, 6+6 a
Que ceux qui te chantaient en maudissant leurs frères ; 6+6 a
35 L'avenir est à nous, et nos pas sont vainqueurs ; 6+6 b
Ton culte est dans leur bouche, il sera dans nos cœurs ! 6+6 b
Oui, nous serons encor dignes fils de nos pères, 6+6 a
Mais non pas de ceux-là dont les vaines prières 6+6 a
Résonnaient tout le jour sans fruit pour les humains, 6+6 b
40 Non, Seigneur, mais de ceux qui priaient de leurs mains, 6+6 b
Des géants qui passaient les mers et les montagnes, 6+6 a
Et, comme un large fleuve aux arides campagnes 6+6 a
Laisse après lui les fleurs et la fécondité, 6+6 b
Laissaient chez. les vaincus la jeûne liberté ! 6+6 b
45 Nous saurons entonner avec idolâtrie 6+6 a
Le chant sublime : « Allons, enfants de la patrie !… » 6+6 a
Partir, les yeux au ciel et le sein haletant, 6+6 b
Vaincre avec une fourche, et mourir en chantant ! 6+6 b
Et j'ai voulu, ce soir, entrechoquant nos verres, 6+6 a
50 Boire un vin généreux aux mânes de nos pères, 6+6 a
Et, mêlant une larme au plaisir insensé, 6+6 b
Que le jeune avenir saluât le passé ! 6+6 b
Ces vers datent de mes vingt ans ; Peut-être leur accent détonne ;
C'est un rayon de mon printemps Dans les brumes de mon automne.
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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