Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRJ_1/BRJ26
corpus Pamela Puntel
Jules BARBIER
LE FRANC-TIREUR
1871
LE FRANC-TIREUR
XXVI
LETTRE A AUGUSTA
Chère amie, au Dieu des armées 8 a
Offrons d'un cœur reconnaissant 8 b
Les victorieuses fumées 8 a
Qui montent de ces flots de sang ! 8 b
5 Il est bon que de notre gloire 8 a
Nous fassions part au saint des saints 8 b
S'il n'absolvait notre victoire, 8 a
Ou nous traiterait d'assassins ! 8 b
Cette victoire est écrasante, 8 a
10 Et jamais ces mêmes Français 8 b
De la fortune complaisante 8 a
N'obtinrent un pareil succès ; 8 b
L'Empire à nos gens est en proie ; 8 a
Mes Hessois, mes Wurtembergeois. 8 b
15 Aies Bavarois et mes Badois 8 b
En ont failli mourir de joie ! 8 a
Oui, ce César aventurier, 8 a
Opprobre du temps où nous sommes, 8 b
Avec ses quatre-vingt mille hommes, 8 b
20 S'est fait lui-même prisonnier ! 8 a
Qui jamais l'aurait osé croire ?… 8 a
Et remarque, pour cette fois, 8 b
Que je n'enfle pas mes exploits, 8 b
Et que la chose est de l'histoire. 8 a
25 Surtout le Times fera bien 8 a
De se taire ; on n'en croirait rien. 8 a
Enfin, disons-le sans grimace, 8 a
Je suis un brave, un conquérant ; 8 b
Encore un peu, je prendrai place 8 a
30 Auprès d'Alexandre le Grand ! 8 b
Hein ? que dis-tu de ton Guillaume ? 8 a
Nous allons en un seul royaume 8 a
Grouper tout le monde Germain ; 8 a
J'aurai l'Europe dans ma main ! 8 a
35 Oui, je l'aurai, coûte que coûte, 8 a
Dût notre Allemagne en travail 8 b
De cadavres semer sa route ! 8 a
Le sang versé n'est qu'un détail. 8 b
Aussi bien j'en suis économe ; 8 a
40 Mes sujets ont tout mon amour ; 8 b
Jusqu'ici je n'en perds, en somme, 8 a
Que neuf ou dix mille par jour. 8 b
Et puis, je t'en fais confidence, 8 a
Je réserve à nos bons voisins, 8 b
45 Frères, amis, parents, cousins, 8 b
L'honneur de conduire la danse, 8 a
Tandis qu'un singulier hasard 8 a
Retient mes Prussiens à l'écart. 8 a
La guerre une fois terminée, 8 a
50 Toute ma suite couronnée 8 a
N'aura plus un soldat debout ; 8 a
Alors, tu comprends, je m'approche 8 b
Et mets les marrons dans ma poche ; 8 b
Il faut savoir penser à tout. 8 a
55 Pour revenir au triste hère 8 a
Dont j'ai fait capture à Sédan, 8 b
Croirais-tu que cet impudent 8 b
M'a. traité de Monsieur son frère ? 8 a
Ces petites gens, sur ma foi, 8 a
60 Vous prennent des façons de roi. 8 a
Franchement, j'avais grande envie 8 a
De le faire un peu fusiller ; 8 b
Je l'aurais fait sans sourciller, 8 b
Mais Fritz a demandé sa vie 8 a
65 Le cher enfant avait dansé 8 a
Chez ce Monsieur, l'hiver passé. 8 a
Tel qu'il est, je te l'expédie ; 8 a
Après tout c'est un potentat ; 8 b
Il faut respecter son état, 8 b
70 Même chez qui le parodie. 8 a
Donnons-lui Cassel pour séjour ; 8 a
Qu'un prestige encor l'environne ; 8 b
Qu'il y garde une ombre de cour, 8 a
Avec une ombre de couronne. 8 b
75 Ses valets ont bon estomac ; 8 a
Toi, sans y mettre de lésine. 8 b
Dépêche-lui pour sa cuisine 8 b
Ton cuisinier… et du tabac ! 8 a
Car il faut que je te le dise, 8 a
80 J'allais faire, sans ce bon Fritz, 8 b
Une impardonnable sottise. 8 a
Je me figurais que Paris 8 b
Avec son monarque était pris ; 8 b
Que c'était comme en Allemagne, 8 a
85 Et que sa chute, d'un seul coup, 8 b
Allait terminer la campagne. 8 a
Eh bien. ma chère, pas du tout ! 8 b
La France est un pays unique : 8 a
On lui souffle son empereur ; 8 b
90 On croit la frapper de terreur ; 8 b
Elle se met en République ! 8 a
Et je te gage encor ceci, 8 c
Que, pour me donner la réplique. 8 a
Volontiers elle eût dit merci ! 8 c
95 Or, c'est là que le bât me blesse ; 8 a
L'esprit de mes bons Allemands, 8 b
Encor que je le tienne en laisse. 8 a
Se prête à ces entraînements. 8 b
La République est une peste 8 a
100 Qu'il faut étouffer avant tout, 8 b
Et contre ce fléau funeste 8 a
Leur empereur est mon va-tout. 8 b
Je le dorlotte, je le choie, 8 a
Je le traite de Majesté, 8 b
105 Je patronne sa lâcheté, 8 b
Et je me donne cette joie 8 a
De le voir, par les siens honni 8 a
Lui, ce fumeur de cigarettes, 8 b
Cet écuyer de Franconi, 8 a
110 S'appuyer sur nos baïonnettes 8 b
Pour reconstruire dans Paris 8 a
Son trône avec tous les mépris ! 8 a
C'est à ce but qu'il nous. faut tendre ; 8 a
Moltke et Bismark ont à leur gré 8 b
115 Contre Paris tout préparé ; 8 b
Il ne reste plus qu'à le prendre. 8 a
On m'a bien proposé la paix ; 8 a
Mais traiter avec un cadavre 8 b
Est le fait d'un esprit épais. 8 a
120 Et puis… Quoi ?… Crémieux, Jules Favre, 8 b
Gambetta, Simon, Arago ! 8 a
Une canaille embrigadée ! 8 b
Des noms dont tu n'as pas idée, 8 b
Venus de Chine ou du Congo ; 8 a
125 Des gens qui, pour jouer des rôles. 8 a
Veulent sauver la France !… Drôles !… 8 a
Sans compter que ces brigands-là 8 a
Me traitent encor d'Attila ! 8 a
C'est bien ! Attila savait mordre. 8 a
130 Comme lui, pardieu ! j'ai mordu. 8 b
Sais-tu ce que j'ai répondu ? — 8 b
« Vous passerez au second ordre 8 a
» Parmi les peuples d'Occident ; 8 a
» J'aurai toutes vos places fortes ; 8 b
135 » Strasbourg nous ouvrira ses portes 8 b
» Metz se rendra comme Sédan. 8 a
» Je veux la Lorraine et l'Alsace, 8 a
» Le mont Valérien !… — J'en passe, 8 a
» Et des meilleurs. — Je veux encor 8 a
140 » Cinq bons milliards en écus d'or ; 8 a
» Tous vos navires à cuirasse, 8 a
» Fusils, canons, et cœtera !… » 8 b
Si l'on ne m'eût quitté la place, 8 a
J'allais demander l'Opera. 8 b
145 Au fait, c'est peut-être une clause 8 a
A laquelle il faudra tenir : 8 b
Pour conclure la paix, j'impose 8 a
La musique de l'avenir. 8 b
Wagner et Louis de Bavière, 8 a
150 De Paris lui frayant l'accès, 8 b
Me vaudront une armée entière 8 a
Pour me venger de ces Français ! 8 b
Si le mot pour rire me gagne, 8 a
Chère Augusta, j'en fais l'aveu, 8 b
155 C'est que j'ai sablé du Champagne !… 8 a
Il faut bien s'égayer un peu ! 8 b
Bref ! une guerre à toute outrance, 8 a
Une lutte à mort !… a tout prix 8 b
Le démembrement de la France, 8 a
160 Et l'écrasement de Paris ! 8 b
Tout va bien !… Hier, à Bazeilles, 8 a
Notre Fritz a fait des merveilles ! 8 a
Les habitants avaient osé 8 a
Se défendre ; on s'est avisé 8 a
165 De les flamber dans leur tanière, 8 a
Comme des lapins au terrier ; 8 b
Et les hommes jusqu'au dernier. 8 b
Les femmes jusqu'à la dernière, 8 a
Les enfants, le village entier, 8 a
170 A coups de crosse, à coups de gaule, 8 b
Étaient rejetés au brasier !… 8 a
C'était raide, mais c'était drôle ! — 8 b
Pour Strasbourg, un cercle de fer 8 a
Vomit sur cette ville infâme 8 a
175 Des flots de pétrole et de flamme ; 8 a
On peut s'en fier à Werder : 8 b
Il n'y restera pas une âme. — 8 a
Tout le pays, brûlé, pillé ! 8 b
Ce qui résiste, fusillé ! 8 b
180 Fusillé, tout ce qui raisonne !… 8 a
Quand nos prisonniers en colonne 8 a
Tombent à moitié morts de faim, 8 a
Pour les relever, on leur donne 8 b
Une balle en guise de pain. 8 a
185 Que si l'Europe s'en étonne, 8 b
Et signale un abus commis, 8 c
Comme tu penses bien, ma bonne. 8 b
Je l'impute à nos ennemis. 8 c
Par exemple, une chose horrible, 8 a
190 — Lui-même Bismark en tremblait, 8 b
C'est Jaumont, ce trou qui hurlait ! 8 b
Tu sais comme je suis sensible ? 8 a
Quand l'odeur m'en revient au né, 8 a
Je crois, après une semaine, 8 b
195 Revoir cette bouillie humaine !… 8 b
Cela me trouble mon dîné ! 8 a
Loin de moi clameurs étouffées. 8 a
Spectres hideux !… Sans vains regrets, 8 b
Gagnons Paris, et buvons frais ! — 8 b
200 Je t'enverrai de l'eau des fées, 8 a
Et des robes de Wortz ; tu sais ? 8 a
Ce tailleur que l'Europe admire ? 8 b
De tant de fastes éclipsés 8 a
C'est tout ce qu'a laissé l'empire ! 8 b
205 Surtout, ma chère, il ton époux 8 a
Épargne les soupçons jaloux ! 8 a
Paris me rendra témoignage ; 8 a
Quand nous y fumes de passage, 8 a
Je suis le seul des souverains, 8 a
210 — Et nous étions une vingtaine, — 8 b
Qui dans les spectacles forains 8 a
Et chez leurs Phrynés à tous crins 8 a
N'ait pas couru la prétantaine ! 8 b
De tout cela rends grâce à Dieu ! 8 a
215 Je te redis ma patenôtre ; 8 b
Autel et trône, a pareil jeu, 8 a
Sont une force l'un pour l'autre. 8 b
Soyons pieux et redouté ! 8 a
Et puisse le Dieu de bonté 8 a
220 Rendre la paix à mon royaume ! 8 a
Je t'aime et te bénis ! — Guillaume. 8 a
mètre profil métrique : 8
logo du CRISCO logo de l'université