Métrique en Ligne
BRI_2/BRI89
Auguste BRIZEUX
LA FLEUR D’OR
1874
LIVRE QUATRIÈME
A FLORENCE
Chants alternés
SANS ce triste hasard, nous nous serions aimés ! 6+6 a
À ses yeux en passant comme à demi fermés, 6+6 a
À sa molle pâleur, à cette douce haleine 6+6 a
Qui sortit de sa bouche et vint jusqu’à la mienne, 6+6 a
5 Tout mon cœur tressaillit, elle aussi (je l’ai vu) 6+6 a
Sentit à mon approche un frisson imprévu ; 6+6 a
Son beau front se tourna ; — mais, au seuil de l’église, 6+6 a
Entre elle et moi déjà la foule s’était mise ; 6+6 a
Et de loin vers l’Arno la regardant marcher, 6+6 a
10 Timide voyageur, je n’osais approcher. 6+6 a
Un prince de Léon (Léon en Armorique) 6+6 a
Vers le monde enchanté sur un char s’envola ; 6+6 b
Puis, les yeux éblouis par ce monde féerique. 6+6 a
Muet d’amour, il se troubla. 8 b
15 Je t’ai promis des vers, brune enfant de Florence, 6+6 a
Mais pour te bien louer, les muses de la France 6+6 a
Ont une voix amère ; et nul ne m’a doué 6+6 a
Du grand art que chez toi retrouva Cimabué. 6+6 a
De son art tout divin si j’avais le mystère, 6+6 a
20 Tu serais un bel ange ; et comme au baptistère 6+6 a
Sur la porte de bronze on voit un séraphin 6+6 a
Qui chante vers le ciel son cantique sans fin, 6+6 a
Ainsi tu chanterais rayonnante de gloire. 6+6 a
Et tu tiendrais en main un long archet d’ivoire. 6+6 a
25 « Las ! disait dans son cœur le prince de Léon, 6+6 a
Que ne suis-je saint Luc ou que ne suis-je Orphée ! 6+6 b
Comment poindre le ciel avec notre limon, 6+6 a
Et comment chanter une fée ? » 8 b
Dans un enclos voisin du grand palais Pitti, 6+6 a
30 Vous, mon âme, restez quand je serai parti ; 6+6 a
Ou qu’après moi, du moins, une part de vous-même, 6+6 a
Mon âme, reste encor dans cet enclos que j’aime ! 6+6 a
Errez, errez sans fin à l’ombre des grands murs, 6+6 a
Passez devant la grille et parmi les blés mûrs ; 6+6 a
35 Le soir, n’oubliez pas les vaches dans l’étable. 6+6 a
Vous y boirez du lait qui fume sur la table ; 6+6 a
Et parfois vous viendrez vers mon pale horizon 6+6 a
Me dire ce qu’on fait dans la chère maison. 6+6 a
Globes, ciel éthéré, régions sans égales 6+6 a
40 Où plane comme un dieu l’héritier d’Occismor, 6+6 b
Durement retombé des sphères idéales, 6+6 a
Pourra-t-il respirer encor ? 8 b
Le long du Mugnoné, de Florence à Fiésole 6+6 a
je m’en vais, attachant mes yeux sur chaque saule ; 6+6 a
45 Je passe le torrent, sur son lit desséché 6+6 a
Je m’incline, et sans voir je reste ainsi penché ; 6+6 a
J’aspire autour de moi les parfums de la route ; 6+6 a
Si la voix d’un oiseau sort des buissons, j’écoute ; 6+6 a
Me voici dans Fiésole ; et le soir, au retour, 6+6 a
50 Mon cœur qui se souvient s’emplit encor d’amour : 6+6 a
Longtemps il reviendra, dans ses jours de souffrance, 6+6 a
Le long du Mugnoné, de Fiésole à Florence. 6+6 a
« On revient sans ennui par un si doux chemin, 6+6 a
Disait le prince, errant sous des berceaux de roses ; 6+6 b
55 Et les choses d’hier plairont encor demain, 6+6 a
Si le cœur se mêle à ces choses. » 8 b
J’ai dit : « Tu vas la voir pour la dernière fois, 6+6 a
Regarde bien ses traits pendant que tu les vois ! 6+6 a
Hélas ! regarde bien ses tempes florentines, 6+6 a
60 Ses yeux bruns, son sourire, et sous ses lèvres fines 6+6 a
Toutes ses belles dents ; regarde bien encor 6+6 a
Ses cheveux sur son front couleur de miel et d’or ; 6+6 a
Retiens ! si tu le peux, son accent, ses manières, 6+6 a
Et garde dans ton cœur ses paroles dernières ; 6+6 a
65 Et puis, en t’en allant, attendris ton regard, 6+6 a
Afin qu’on se souvienne un peu de ton départ. » 6+6 a
Quels furent les adieux du prince de la fée ? 6+6 a
Elle écarta les plis de son voile d’azur ; 6+6 b
Et lui, comme un parfum pour son âme étouffée, 6+6 a
70 S’enivra de son souffle pur 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 25[aa] 5[abab]
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