Métrique en Ligne
BRI_1/BRI3
Auguste BRIZEUX
Marie
1831
À MA MÈRE
Je crois l'entendre encor, quand, sa main sur mon bras, 6+6 a
Autour des verts remparts nous allions pas à pas : 6+6 a
« Oui, quand tu pars, mon fils, oui, c'est un vide immense, 6+6 b
Un morne et froid désert où la nuit recommence ; 6+6 b
5 Ma fidèle maison, le jardin, mes amours, 6+6 a
Tout cela n'est plus rien ; et j'en ai pour huit jours, 6+6 a
J'en ai pour tous ces mois d'octobre et de novembre, 6+6 b
Mon fils, à te chercher partout de chambre en chambre, 6+6 b
— Songe à mes longs ennuis ! — et, lasse enfin d'errer, 6+6 a
10 Je tombe sur ma chaise et me mets à pleurer. 6+6 a
Ah ! Souvent je l'ai dit : « dans une humble cabane, 6+6 b
Plutôt filer son chanvre, obscure paysanne ! 6+6 b
Du moins on est ensemble, et le jour, dans les champs, 6+6 a
Quand on lève la tête, on peut voir ses enfants. 6+6 a
15 Mais le savoir, l'orgueil, mille folles chimères 6+6 b
Vous rendent tous ingrats, et vous quittez vos mères. 6+6 b
Que nous sert, ô mon dieu ! Notre fécondité, 6+6 a
Si le toit paternel est par eux déserté ; 6+6 a
Si, quand nous viendra l'âge (et bientôt j'en vois l'heure), 6+6 b
20 Parents abandonnés, veufs dans notre demeure, 6+6 b
Tournant languissamment les yeux autour de nous, 6+6 a
Seuls nous nous retrouvons, tristes et vieux époux ? » 6+6 a
Alors elle se tut. Sentant mon cœur se fondre, 6+6 b
J'essuyais à l'écart mes pleurs pour lui répondre ; 6+6 b
25 Muets, nous poursuivions ainsi notre chemin, 6+6 a
Quand cette pauvre mère, en me serrant la main : 6+6 a
« Je t'afflige, mon fils, je t'afflige ! … pardonne ! 6+6 b
C'est qu'avec toi, vois-tu, l'avenir m'abandonne. 6+6 b
En toi j'ai plus qu'un fils ; oui, je retrouve en toi 6+6 a
30 Un frère, un autre époux, un cœur fait comme moi, 6+6 a
À qui l'on peut s'ouvrir, ouvrir toute son âme ; 6+6 b
Pensif, tu comprends bien les chagrins d'une femme : 6+6 b
Tous m'aiment tendrement, mais ta bouche et tes yeux, 6+6 a
Mon fils, au fond du cœur vont chercher les aveux. 6+6 a
35 Pour notre sort commun, demande à ton aïeule, 6+6 b
J'avais fait bien des plans, — mais il faut rester seule ; 6+6 b
Nous avions toutes deux bien rêvé, — mais tu pars. 6+6 a
Pour la dernière fois, le long de ces remparts, 6+6 a
L'un sur l'autre appuyés, nous causons, ô misère ! 6+6 b
40 C'est bien, ne gronde pas… chez ta bonne grand'mère 6+6 b
Rentrons. Tu sais son âge : en faisant tes adieux, 6+6 a
Embrasse-la longtemps… ah ! Nous espérions mieux ! » 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 21((aa))
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