Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRI_1/BRI33
Auguste BRIZEUX
Marie
1831
L'ÉLÉGIE DE LE BRAZ
Si vous laissez encor | les beaux genêts fleuris 6+6 a
Et les champs de blé noir | pour aller à Paris, 6+6 a
Quand vous aurez tout vu | dans cette grande ville, 6+6 b
Combien elle est superbe | et combien elle est vile, 6+6 b
5 Regrettant le pays, | informez-vous alors 6+6 a
Où du pauvre Le Brâz | on a jeté le corps. 6+6 a
(son nom serait Ar-Brâz, | mais nous, lâches et traîtres, 6+6 b
Nous avons oublié | les noms de nos ancêtres.) 6+6 b
Et puis devant ce corps | brûlé par le charbon 6+6 a
10 Songez comme il mourut, | lui simple, honnête et bon. 6+6 a
C'est qu'il avait aussi | quitté son coin de terre, 6+6 b
Sur le bord du chemin | sa maison solitaire, 6+6 b
Le pré de Ker-Végan, | Ar-Ros, sombres coteaux : 6+6 a
Là, rencontrant la mer, | le Scorf brise ses flots ; 6+6 a
15 Dans le fond, le moulin | fait mugir son écluse, 6+6 b
Et dès que le meunier | enfle sa cornemuse, 6+6 b
Au tomber de la nuit, | les esprits des talus, 6+6 a
Les noirs corriganed | dansent sur le palus. 6+6 a
— Je dirai : si la mort, | dans la ville muette 6+6 b
20 Et les tristes faubourgs, | passe sur sa charrette, 6+6 b
Prenez entre vos mains | un des pans du linceul, 6+6 a
Car le malheur de tous | est le malheur d'un seul ; 6+6 a
Mais, ô bardes pieux ! | Vous qui parmi la mousse 6+6 b
Retrouverez un jour | la harpe antique et douce, 6+6 b
25 Et dont le lai savant | répétera dans l'air 6+6 a
Les soupirs de la lande | et les cris de la mer, 6+6 a
Quand avec ses faubourgs | la ville est ivre et folle, 6+6 b
Criez qu'un malheureux | en secret se désole ; 6+6 b
Si vos cœurs sont souffrants, | vous-mêmes plaignez-vous, 6+6 a
30 Car le malheur d'un seul | est le malheur de tous. 6+6 a
Chantres de mon pays, | plaignez celui qui souffre ! 6+6 b
Paris roula Le Brâz | bien longtemps dans son gouffre ; 6+6 b
Un ami le suivait | durant ces jours hideux : 6+6 a
Tous deux, pour en finir, | s'étouffèrent tous deux. — 6+6 a
35 Non, ce n'est pas ainsi | que l'on meurt en Bretagne ! 6+6 b
La vie a tout son cours ; | ou, si le froid vous gagne, 6+6 b
Comme une jeune plante | encor loin de juillet, 6+6 a
Celle qui vous nourrit | autrefois de son lait 6+6 a
S'assied à votre lit ; | pleurant sur son ouvrage, 6+6 b
40 De la voix cependant | elle vous encourage ; 6+6 b
Et lorsqu'enfin le corps | reste seul sur le lit, 6+6 a
De ses tremblantes mains | elle l'ensevelit ; 6+6 a
La foule, vers le soir, | l'emporte et l'accompagne 6+6 b
Jusques au cimetière | ouvert dans la campagne. — 6+6 b
45 Si Le Brâz eût aimé | le pré de Ker-Végan, 6+6 a
Les taillis d'alentour, | le Scorf et son étang, 6+6 a
Il chanterait encor | sur le Ros ; ou sa mère, 6+6 b
Mourant, l'aurait soigné | comme, depuis, son frère. 6+6 b
Son corps reposerait | dans le bourg de Kéven, 6+6 a
50 Près du mur de l'église | et sous un tertre fin ; 6+6 a
Ses parents y viendraient | prier avant la messe, 6+6 b
Tous les petits enfants | y lutteraient sans cesse. 6+6 b
Étendu dans sa fosse, | il entendrait leur bruit, 6+6 a
Et les corriganed | y danseraient la nuit. 6+6 a
55 Oh ! Ne quittez jamais | le seuil de votre porte ! 6+6 b
Mourez dans la maison | où votre mère est morte ! 6+6 b
Voilà ce qu'à Paris | avait déjà chanté 6+6 a
Un poète inconnu | qu'on n'a pas écouté. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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