Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRI_1/BRI1
Auguste BRIZEUX
Marie
1831
MARIE (1)
Rien ne trouble ta paix, ô doux Léta ! Le monde 6+6 a
En vain s'agite et pousse une plainte profonde, 6+6 a
Tu n'as pas entendu ce long gémissement, 6+6 b
Et ton eau vers la mer coule aussi mollement ; 6+6 b
5 Sur l'herbe de tes prés les joyeuses cavales 6+6 a
Luttent chaque matin, et ces belles rivales 6+6 a
Toujours d'un bord à l'autre appellent leurs époux, 6+6 b
Qui plongent dans tes flots, hennissants et jaloux : 6+6 b
Il m'en souvient ici, comme en cette soirée 6+6 a
10 Où de bœufs, de chevaux notre barque entourée 6+6 a
Sous leurs pieds s'abîmait, quand nous, hardis marins, 6+6 b
Nous gagnâmes le bord, suspendus à leurs crins, 6+6 b
Excitant par nos voix et suivant à la nage 6+6 a
Ce troupeau qui montait pêle-mêle au rivage. 6+6 a
15 J'irai, j'irai revoir les saules du Létâ, 6+6 b
Et toi qu'en ses beaux jours mon enfance habita, 6+6 b
Paroisse bien-aimée, humble coin de la terre 6+6 a
Où l'on peut vivre encore et mourir solitaire ! 6+6 a
Aujourd'hui que tout cœur est triste et que chacun 6+6 b
20 Doit gémir sur lui-même et sur le mal commun ; 6+6 b
Que le monde, épuisé par une ardente fièvre, 6+6 a
N'a plus un souffle pur pour rafraîchir sa lèvre ; 6+6 a
Qu'après un si long temps de périls et d'efforts, 6+6 b
Dans l'ardeur du combat succombent les plus forts ; 6+6 b
25 Que d'autres, haletants, rendus de lassitude, 6+6 a
Sont près de défaillir, alors la solitude 6+6 a
Vers son riant lointain nous attire, et nos voix 6+6 b
Se prennent à chanter l'eau, les fleurs et les bois ; 6+6 b
Alors c'est un bonheur, quand tout meurt ou chancelle, 6+6 a
30 De se mêler à l'âme immense, universelle, 6+6 a
D'oublier ce qui fuit, les peuples et les jours, 6+6 b
Pour vivre avec Dieu seul, et partout et toujours. 6+6 b
Ainsi, lorsque la flamme au milieu d'une ville 6+6 a
Éclate, et qu'il n'est plus contre elle un sûr asile, 6+6 a
35 Hommes, femmes, chargés de leurs petits enfants, 6+6 b
Se sauvent demi-nus, et, couchés dans les champs, 6+6 b
Ils regardent de loin, dans un morne silence, 6+6 a
L'incendie en fureur qui mugit et s'élance ; 6+6 a
Cependant la nature est calme, dans les cieux 6+6 b
40 Chaque étoile poursuit son cours mystérieux, 6+6 b
Nul anneau n'est brisé dans la chaîne infinie, 6+6 a
Et l'univers entier roule avec harmonie. 6+6 a
Immuable nature, apparais aujourd'hui ! 6+6 b
Que chacun dans ton sein dépose son ennui ! 6+6 b
45 Tâche de nous séduire à tes beautés suprêmes, 6+6 a
Car nous sommes bien las du monde et de nous-mêmes : 6+6 a
Si tu veux dévoiler ton front jeune et divin, 6+6 b
Peut-être, heureux vieillards, nous sourirons enfin ! 6+6 b
Celle pour qui j'écris avec amour ce livre 6+6 a
50 Ne le lira jamais ; quand le soir la délivre 6+6 a
Des longs travaux du jour, des soins de la maison, 6+6 b
C'est assez à son fils de dire une chanson ; 6+6 b
D'ailleurs, en parcourant chaque feuille légère, 6+6 a
Ses yeux n'y trouveraient qu'une langue étrangère, 6+6 a
55 Elle qui n'a rien vu que ses champs, ses taillis, 6+6 b
Et parle seulement la langue du pays. 6+6 b
Pourtant je veux poursuivre ; et quelque ami peut-être, 6+6 a
Resté dans nos forêts et venant à connaître 6+6 a
Ce livre où son beau temps tout joyeux renaîtra, 6+6 b
60 Dans une fête, un jour, en dansant lui dira 6+6 b
Cette histoire qu'ici j'ai commencé d'écrire, 6+6 a
Et qu'en son ignorance elle ne doit pas lire ; 6+6 a
Un sourire incrédule, un regard curieux, 6+6 b
À ce récit naïf, passeront dans ses yeux ; 6+6 b
65 Puis, de nouveau mêlée à la foule qui gronde, 6+6 a
Tout entière au plaisir elle suivra la ronde. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université