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| = césure
BRB_1/BRB9
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
VARSOVIE
I
LA GUERRE
Mère ! Il était une ville fameuse : 4+6 a
Avec le hun, j'ai franchi ses détours, 4+6 b
J'ai démoli son enceinte fumeuse, 4+6 a
Sous le boulet j'ai fait crouler ses tours, 4+6 b
5 J'ai prome mes chevaux par les rues, 4+6 a
Et sous le fer de leurs rudes sabots 4+6 b
J'ai labou le corps des femmes nues 4+6 a
Et des enfants couchés dans les ruisseaux ; 4+6 b
J'ai sur la borne, au plus fort du carnage, 4+6 a
10 Brutalement et le front tout en nage, 4+6 a
Le corps frotté de suif et de saindoux, 4+6 a
Sur un sein vierge essuyé mon poil roux ; 4+6 a
Puis j'ai tr sur mes pas l'incendie, 4+6 a
Et le géant hurlant matin et soir, 4+6 b
15 A netto de sa langue hardie 4+6 a
Les vieux moellons inondés de sang noir. 4+6 b
Houra ! Houra ! J'ai courbé la rebelle, 4+6 a
J'ai largement lavé mon vieil affront, 4+6 b
J'ai vu des morts à hauteur de ma selle, 4+6 a
20 Houra ! J'ai mis les deux pieds sur son front. 4+6 b
Tout est fini, maintenant, et ma lame 4+6 a
Pend inutile à côté de mon flanc, 4+6 b
Tout a passé par le fer et la flamme, 4+6 a
Toute muraille a sa tache de sang : 4+6 b
25 Les chiens vaguant sur leurs maigres échines, 4+6 a
Dans les ruisseaux n'ont plus rien à lécher, 4+6 b
Tout est désert, l'herbe pousse aux ruines ; 4+6 a
Ô mort ! ô mort ! Je n'ai rien à faucher. 4+6 b
II
LE CHOLÉRA-MORBUS
Mère ! Il était un peuple plein de vie, 4+6 a
30 Un peuple ardent et fou de liberté… 4+6 b
Eh bien ! Soudain des champs de Moscovie 4+6 a
Je l'ai frappé de mon souffle empesté 4+6 b
Alors, alors, dans les plaines humides 4+6 a
Le fossoyeur a levé ses grands bras, 4+6 b
35 Et par milliers les cadavres livides 4+6 a
Comme de l'herbe ont encombré ses pas. 4+6 b
Mieux que la balle et les larges mitrailles, 4+6 a
Mieux que la flamme et l'implacable faim, 4+6 b
J'ai déchi les mortelles entrailles, 4+6 a
40 J'ai souillé l'air et corrompu le pain ; 4+6 b
J'ai tout noirci de mon haleine errante, 4+6 a
De mon contact j'ai tout empoisonné, 4+6 b
Sur le téton de sa mère expirante 4+6 a
Tout endormi j'ai pris le nouveau-né. 4+6 b
45 J'ai dévo même au sein de la guerre 4+6 a
Des camps entiers de carnage fumants, 4+6 b
J'ai frappé l'homme au bruit de son tonnerre, 4+6 a
J'ai fait combattre entre eux des ossements ; 4+6 b
Enfin, partout l'humaine créature 4+6 a
50 Sur un sol nu, sanglant et crevassé, 4+6 b
Gît maintenant pleine de pourriture, 4+6 a
Comme un chien mort au revers d'un fossé ; 4+6 b
Partout, partout, le noir corbeau béquète, 4+6 a
Partout les vers ont des corps à manger ; 4+6 b
55 Pas un vivant, et partout un squelette… 4+6 a
Ô mort ! ô mort ! Je n'ai rien à ronger. 4+6 b
III
LA MORT
Tristes fléaux, créatures hideuses, 4+6 a
Oh ! Mes enfants, de moi que voulez-vous ? 4+6 b
Cessez, cessez vos plaintes hasardeuses, 4+6 a
60 Et sur la pierre étendez vos genoux. 4+6 b
Le sang toujours ne peut rougir la terre, 4+6 a
Les chiens toujours ne peuvent pas lécher, 4+6 b
Il est un temps où la peste et la guerre 4+6 a
Ne trouvent plus de vivants à faucher ; 4+6 b
65 Il est un jour où la chair manque au monde : 4+6 a
Où, sur le sol, le mal toujours ardent, 4+6 b
Comme sur l'os d'une charogne immonde 4+6 a
Ne trouve plus à repaître sa dent. 4+6 b
Enfants hideux, couchez-vous dans mon ombre, 4+6 a
70 Et sur la pierre étendez vos genoux, 4+6 b
Dormez, dormez ! Sur notre globe sombre 4+6 a
Tristes fléaux, je veillerai pour vous. 4+6 b
Dormez, dormez ! Je prêterai l'oreille 4+6 a
Au moindre bruit par le vent apporté, 4+6 b
75 Et quand de loin, comme un vol de corneille, 4+6 a
S'élèveront des cris de liberté ; 4+6 b
Quand j'entendrai de pâles multitudes, 4+6 a
Des peuples nus, des milliers de proscrits, 4+6 b
Jeter à bas leurs vieilles servitudes, 4+6 a
80 En maudissant leurs tyrans abrutis ; 4+6 b
Enfants hideux, pour finir votre somme 4+6 a
Comptez sur moi, car j'ai l'œil vide et creux, 4+6 b
Je ne dors pas, et ma bouche aime l'homme 4+6 a
Comme la fièvre aime le malheureux. 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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