Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BRB_1/BRB7
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
LA POPULARITÉ
I
Dans le pays de Franceaujourd'hui que personne 6+6 a
 Ne peut chez soi rester en paix, 8 b
Et que de toutes partsl'ambition bourgeonne 6+6 a
 Sur les crânes les plus épais, 8 b
5 Tout est en mouvementsur la place publique ; 6+6 a
 La voix bruyante et le cœur vain, 8 b
Chacun bourdonne autourde l'œuvre politique, 6+6 a
 Chacun y veut mettre la main. 8 b
Là, courent tous les gensde bras et de parole, 6+6 a
10  Poète, orateur et soldat, 8 b
Tout ce qui veut partreet jouer quelque rôle 6+6 a
 Dans le grand drame de l'état ; 8 b
Tout, des hauts carrefoursabonde sur la place, 6+6 a
 Et haletant, pressant le pas, 8 b
15 Sur le pavé fangeuxse précipite en masse, 6+6 a
 Et vers le peuple tend les bras. 8 b
II
Certes le peuple est grand,maintenant que sa tête 6+6 a
 A secoué ses mille freins, 8 b
Que, l'ouvrage fini,comme un robuste athlète 6+6 a
20  Il peut s'appuyer sur ses reins ; 8 b
Il est beau ce colosseà la mâle carrure, 6+6 a
 Ce vigoureux porte-haillons, 8 b
Ce sublime manœuvreà la veste de bure 6+6 a
 Teinte du sang des bataillons ; 8 b
25 Ce maçon qui d'un coupvous démolit des trônes 6+6 a
 Et qui, par un ciel étouffant, 8 b
Sur les larges pavésfait bondir les couronnes 6+6 a
 Comme le cerceau d'un enfant. 8 b
Mais c'est pitié de voir,avec sa tête rase, 6+6 a
30  Son corps sans pourpre et sans atour, 8 b
Ce peuple demi-nu,comme ceux qu'il écrase, 6+6 a
 Comme les rois avoir sa cour ; 8 b
Oui, c'est pitié de voir,à genoux sur sa trace, 6+6 a
 Un troupeau de tristes humains 8 b
35 Lui jeter chaque jourtous leurs noms à la face, 6+6 a
 Et ne jamais lâcher ses mains ; 8 b
D'entendre autour de luimille bouches mielleuses, 6+6 a
 Souillant le nom de citoyen, 8 b
Lui dire que le sangorne des mains calleuses, 6+6 a
40  Et que le rouge lui va bien ; 8 b
Que l'inflexible loin'est que son vain caprice, 6+6 a
 Que la justice est dans son bras, 8 b
Sans craindre qu'en ses mainsl'arme de la justice 6+6 a
 Ne soit l'arme des scélérats. 8 b
III
45 Est-ce donc un besoinde la nature humaine 6+6 a
 Que de toujours courber le dos ? 8 b
Faut-il du peuple aussifaire une idole vaine, 6+6 a
 Pour l'encenser de vains propos ? 8 b
À peine relevéfaut-il qu'on se rabaisse ? 6+6 a
50  Faut-il oublier avant tout, 8 b
Que la liberté sainteest la seule déesse 6+6 a
 Que l'on n'adore que debout ? 8 b
Hélas ! Nous vivons tousdans un temps de misère, 6+6 a
 Un temps à nul autre pareil, 8 b
55 la corruptionmange et ronge sur terre 6+6 a
 Tout ce qu'en tire le soleil ; 8 b
dans le cœur humainl'égoïsme déborde, 6+6 a
  rien de bon n'y fait séjour ; 8 b
partout la vertumontre bientôt la corde, 6+6 a
60   le héros ne l'est qu'un jour ; 8 b
Un temps les sermentset la foi politique 6+6 a
 Ne soulèvent plus que des ris ; 8 b
le sublime autelde la pudeur publique 6+6 a
 Jonche le sol de ses débris ; 8 b
65 Un vrai siècle de boue, plongés que nous sommes, 6+6 a
 Chacun se vautre et se salit ; 8 b
comme en un linceul,dans le mépris des hommes, 6+6 a
 Le monde entier s'ensevelit ! 8 b
IV
Pourtant, si quelques joursde ces sombres abîmes 6+6 a
70   nous roulons aveuglément, 8 b
De ce chaos immense les âmes sublimes 6+6 a
 Apparaissent si rarement, 8 b
Tout d'un coup, par hasard,il en surgissait une 6+6 a
 Au large front, au bras charnu : 8 b
75 Une âme toute en fer,sans peur à la tribune, 6+6 a
 Sans peur devant un glaive nu ; 8 b
Si cette âme splendide,étonnant le vulgaire 6+6 a
 Et le frappant de son éclat, 8 b
Montait, avec l'appuide la main populaire, 6+6 a
80  S'asseoir au timon de l'état ; 8 b
Alors je lui crieraisde ma voix de poète 6+6 a
 Et de mon cœur de citoyen : 8 b
Homme placé si haut,ne baisse pas la tête, 6+6 a
 Marche, marche et n'écoute rien ! 8 b
85 Laisse le peuple en basapplaudir à ton rôle 6+6 a
 Et se reptre de ton nom ; 8 b
Laisse-le te promettreun jour même l'épaule 6+6 a
 Pour te porter au Panthéon ! 8 b
Marche ! Et ne pense pasà son temple de pierre ; 6+6 a
90  Souviens-toi que, changeant de gt, 8 b
Sa main du Panthéonpeut chasser ta poussière, 6+6 a
 Et la balayer dans l'égout ! 8 b
Marche pour la patrieet sans qu'il nous en cte, 6+6 a
 Marche en ta force et le front haut ; 8 b
95 Et dût ton pied heurterà la fin de ta route 6+6 a
 Le seuil sanglant d'un échafaud, 8 b
Dût ta tête royale,ô nouvelle victime, 6+6 a
 Tomber au bruit d'un vil tambour ; 8 b
Du peuple quel qu'il soitne cherche que l'estime, 6+6 a
100  Ne redoute que son amour ! … 8 b
V
La popularité !— c'est la grande impudique 6+6 a
 Qui tient dans ses bras l'univers, 8 b
Qui, le ventre au soleilcomme la nymphe antique, 6+6 a
 Livre à qui veut ses flancs ouverts ! 8 b
105 C'est la mer ! C'est la mer !— d'abord calme et sereine, 6+6 a
 La mer, aux premiers feux du jour, 8 b
Chantant et souriantcomme une jeune reine, 6+6 a
 La mer blonde et pleine d'amour ; 8 b
La mer baisant le sable,et parfumant la rive 6+6 a
110  Du baume enivrant de ses flots, 8 b
Et beant sur sa gorgeondoyante et lascive 6+6 a
 Son peuple brun de matelots ; 8 b
Puis la mer furieuseet tombée en démence, 6+6 a
 Et de son lit silencieux 8 b
115 Se redressant géanteavec sa tête immense, 6+6 a
 Et tordant ses bras dans les cieux ; 8 b
Puis courant çà et là,hurlante, échevelée ; 6+6 a
 Et sous la foudre et ses carreaux, 8 b
Bondissant, mugissantdans sa plaine salée, 6+6 a
120  Comme un combat de cent taureaux, 8 b
Puis, le corps tout blanchid'écume et de colère, 6+6 a
 La bouche torse et l'œil errant, 8 b
Se roulant sur le sableet déchirant la terre 6+6 a
 Avec le râle d'un mourant ; 8 b
125 Et, comme la bacchante,enfin lasse de rage, 6+6 a
 N'en pouvant plus, et sur le flanc, 8 b
Retombant dans sa couche,et jetant à la plage 6+6 a
 Des têtes d'hommes et du sang ! … 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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