Métrique en Ligne
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C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
BRB_1/BRB50
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
LAZARE
SHAKSPEARE
Hélas ! Hélas ! Faut-il qu'une haleine glacée 6+6 a
Ternisse le front pur des maîtres glorieux, 6+6 b
Et faut-il qu'ici-bas les dieux de la pensée, 6+6 a
S'en aillent tristement comme les autres dieux ! 6+6 b
5 De Shakspeare aujourd'hui les sublimes merveilles 6+6 a
Vont frapper sans émoi les humaines oreilles ; 6+6 a
Dans ses temples déserts et vides de clameurs, 6+6 b
À peine trouve-t-on quelques adorateurs. 6+6 b
Albion perd le goût de ses divins symboles, 6+6 a
10 Hors du vrai par l'ennui les esprits égarés 6+6 b
Tombent dans le barbare, et les choses frivoles 6+6 a
Parlent plus haut aux cœurs que les chants inspirés. 6+6 b
Et pourtant quel titan à la céleste flamme 6+6 a
Alluma comme lui plus de limons divers ? 6+6 b
15 Quel plongeur, entr'ouvrant du sein les flots amers, 6+6 b
Descendit plus avant dans les gouffres de l'âme ? 6+6 a
Quel poëte vit mieux au fond du cœur humain 6+6 a
Les sombres passions, ces reptiles énormes, 6+6 b
Dragons impétueux, monstres de mille formes, 6+6 b
20 Se tordre et s'agiter ? Quel homme de sa main 6+6 a
Sut, comme lui, les prendre au fort de leurs ténèbres, 6+6 a
Et, découvrant leur face à la pure clarté, 6+6 b
Faire comme un Hercule au monde épouvanté 6+6 b
Entendre le concert de leurs plaintes funèbres ? 6+6 a
25 Ah ! Toujours verra-t-on, d'un pied lourd et brutal, 6+6 a
Sur son trône bondir la stupide matière, 6+6 b
Et l'anglais préférer une fausse lumière 6+6 b
Aux sublimes reflets de l'astre impérial ? 6+6 a
C'en est-il fait du beau sur cette terre sombre, 6+6 a
30 Et doit-il sous la nuit se perdre entièrement ? 6+6 b
Non, non, la nuit peut bien jeter au ciel son ombre, 6+6 a
Elle n'éteindra pas les feux du firmament. 6+6 b
Ô toi qui fus l'enfant de la grande nature, 6+6 a
Robuste nourrisson dans ses deux bras porté ; 6+6 b
35 Toi qui, mordant le bout de sa mamelle pure, 6+6 a
D'une lèvre puissante y bus la vérité ; 6+6 b
Tout ce que ta pensée a touché de son aile, 6+6 a
Tout ce que ton regard a fait naître ici-bas, 6+6 b
Tout ce qu'il a paré d'une forme nouvelle 6+6 a
40 Croîtra dans l'avenir sans crainte du trépas. 6+6 b
Shakspeare ! Vainement sous les voûtes suprêmes 6+6 a
Passe le vil troupeau des mortels inconstants, 6+6 b
Comme du sable, en vain sur l'abîme des temps 6+6 b
L'un par l'autre écrasés s'entassent les systèmes ; 6+6 a
45 Ton génie est pareil au soleil radieux 6+6 a
Qui, toujours immobile au haut de l'empyrée, 6+6 b
Verse tranquillement sa lumière sacrée 6+6 b
Sur la folle rumeur des flots tumultueux. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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