Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRB_1/BRB48
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
LAZARE
MENACE ET CORRUPTION
I
Les hustings sont dressés | et le sabbat commence : 6+6 a
Vieille corruption ! | Entends-tu le pays 6+6 b
Frémir et s'agiter | comme une mer immense 6+6 a
Au vent des passions | qui soulèvent ses fils ? 6+6 b
5 As-tu bien élargi | l'antique conscience ? 6+6 a
II
Ô fille à l'œil sanglant, | aux entrailles d'airain, 6+6 a
Ô ma digne compagne, | ô puissante menace ! 6+6 b
Pour corrompre le cœur | du peuple souverain 6+6 a
Avec toi j'ai lutté | d'impudeur et d'audace, 6+6 b
10 Et je pense, ma sœur, | que ce n'est pas en vain. 6+6 a
I
Moi, sous le vent du nord, | au fond de sa chaumière 6+6 a
J'ai couru visiter | plus d'un pauvre électeur : 6+6 b
Et là j'ai fait entendre | au pâle censitaire 6+6 a
Qu'il serait dépouillé | de son toit protecteur, 6+6 b
15 S'il refusait son vote | au seigneur de sa terre. 6+6 a
II
Moi, de mes larges mains | l'or a fui par torrents ; 6+6 a
Le fleuve ardent partout | s'est ouvert une issue, 6+6 b
Irrésistible, il a | franchi le seuil des grands, 6+6 a
Et retombant en pluie | au milieu de la rue, 6+6 b
20 Pénétré sans effort | jusques aux derniers rangs. 6+6 a
I
Souvent j'ai rencontré | dans les pauvres familles 6+6 a
Des hommes vertueux ; | mais d'un air furibond 6+6 b
Devant eux j'ai levé | tant de sombres guenilles, 6+6 a
J'ai tant crié la faim, | qu'ils ont baissé le front 6+6 b
25 Pour ne point voir mourir | leurs femmes et leurs filles. 6+6 a
II
Quelquefois j'ai vu l'or | épouvanter les yeux ; 6+6 a
Alors aux ouvriers | sans travaux ni commandes, 6+6 b
J'ai promis tant de brocs | de porter écumeux, 6+6 a
Tant de poissons salés | et tant de rouges viandes, 6+6 b
30 Que le ventre a dompté | les cœurs consciencieux. 6+6 a
I
Il est vrai que toujours | de généreuses âmes 6+6 a
Tonneront contre nous | dans le temple des lois, 6+6 b
Que l'on nous flétrira | des noms les plus infâmes : 6+6 a
Mais qu'importe, après tout, | le bruit de quelques voix 6+6 b
35 Contre le fort tissu | de nos puissantes trames ? 6+6 a
II
Ah ! Depuis cinq cents ans | n'est-ce point notre sort ? 6+6 a
Tout nouveau parlement, | comme bêtes sauvages, 6+6 b
Nous traque avec ardeur | et toujours à grand tort ; 6+6 a
Car l'amour du pouvoir | croissant d'âges en âges, 6+6 b
40 Notre couple vaincu | renaît toujours plus fort. 6+6 a
I
En vain chaque parti | nous chasse à coups de pierres ; 6+6 a
Vieux partisans du pape, | austères protestants, 6+6 b
Lorsque vient le moment | d'étaler les bannières, 6+6 a
Pour obtenir l'empire, | ah ! Tous en même temps 6+6 b
45 Nous tendent en secret | leurs mains rudes et fières. 6+6 a
II
Pour nous anéantir | il faudrait ici-bas 6+6 a
Du riche à tout jamais | déraciner l'engeance ; 6+6 b
Mais ce germe doré | ne s'extirpera pas ; 6+6 a
La richesse toujours | obtiendra la puissance, 6+6 b
50 Toujours le malheureux | lui cédera le pas. 6+6 a
I
Ah ! Nous sommes vraiment | d'une forte nature, 6+6 a
Nous sommes les enfants | du pouvoir infernal, 6+6 b
De ce pouvoir caché | dans toute créature, 6+6 a
Qui mène toute chose | à son terme fatal, 6+6 b
55 Et fait que rien de beau | dans ce monde ne dure. 6+6 a
II
Ô menace ! Ma sœur, | à grands pas avançons ; 6+6 a
Déjà la foule ardente, | au bruit de la fanfare, 6+6 b
Roule autour des hustings | en épais tourbillons : 6+6 a
Pour emporter d'assaut | le scrutin qu'on prépare, 6+6 b
60 Fais jaillir la terreur | du fond de tes poumons. 6+6 a
I
Et toi, corruption ! | Répands l'or à main pleine, 6+6 a
Verse le flot impur | sur l'immense troupeau ; 6+6 b
Qu'il envahisse tout, | les hustings et l'arène, 6+6 a
Et que la liberté, | présente à ce tableau, 6+6 b
65 Voile son front divin | de sa toge romaine. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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