Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BRB_1/BRB46
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
LAZARE
LES MINEURS DE NEWCASTLE
Que d'autres sur les monts boivent à gorge pleine 6+6 a
Des vents impétueux la bienfaisante haleine, 6+6 a
Et s'inondent le front d'un air suave et pur ; 6+6 b
Que d'autres, emportés par des voiles légères, 6+6 c
5 Passent comme les vents sur les ondes amères, 6+6 c
Et sillonnent sans fin leur magnifique azur ; 6+6 b
Que d'autres, chaque jour, emplissent leur paupière 6+6 a
Des rayons colorés de la chaude lumière, 6+6 a
Et contemplent le ciel dans ses feux les plus beaux ; 6+6 b
10 Que d'autres, près d'un toit festonné de verdure, 6+6 c
Travaillent tout le jour au sein de la nature, 6+6 c
Et s'endorment le soir au doux chant des oiseaux ; 6+6 b
Ils ont reçu du ciel un regard favorable ; 6+6 a
Ils sont nés, ces mortels, sous une étoile aimable, 6+6 a
15 Et sous le signe heureux d'un mois splendide et chaud ; 6+6 b
Et la main du seigneur, qui sur terre dispense 6+6 c
La peine et le plaisir, la mort et l'existence, 6+6 c
Leur a fait large part et donné le bon lot. 6+6 b
Quant à nous, prisonniers comme de vils esclaves, 6+6 a
20 Nous sommes pour la vie enfermés dans des caves, 6+6 a
Non pour avoir des lois souillé la majesté, 6+6 b
Mais parce que, du jour où nous vînmes au monde, 6+6 c
La misère au cœur dur, notre nourrice immonde, 6+6 c
Nous marqua pour la peine et pour l'obscurité. 6+6 b
25 Nous sommes les mineurs de la vieille Angleterre ; 6+6 a
Nous vivons comme taupe, à six cents pieds sous terre ; 6+6 a
Et là, le fer en main, tristement nous fouillons, 6+6 b
Nous arrachons la houille à la terre fangeuse ; 6+6 c
La nuit couvre nos reins de sa mante brumeuse, 6+6 c
30 Et la mort, vieux hibou, vole autour de nos fronts. 6+6 b
Malheur à l'apprenti qui dans un jour d'ivresse 6+6 a
Pose un pied chancelant sur la pierre trtresse ! 6+6 a
Au plus creux de l'abîme il roule pour toujours ! 6+6 b
Malheur au pauvre vieux dont la jambe est inerte ! 6+6 c
35 Lorsque l'onde, en courroux de se voir découverte, 6+6 c
Envahit tout le gouffre, il périt sans secours ! 6+6 b
Malheur à l'imprudent, malheur au téméraire 6+6 a
Qui descend sans avoir la lampe salutaire 6+6 a
Qu'un ami des humains fit pour le noir mineur ! 6+6 b
40 Car le mauvais esprit qui dans l'ombre le guette, 6+6 c
La bleuâtre vapeur, sur lui soudain se jette, 6+6 c
Et l'étend sur le sol sans pouls et sans chaleur ! 6+6 b
Malheur, malheur à tous ! Car même sans reproche 6+6 a
Lorsque chacun de nous fait sa tâche, une roche 6+6 a
45 Se détache souvent au bruit seul du marteau ; 6+6 b
Et plus d'un qui rêvait dans le fond de son âme 6+6 c
Aux douceurs du logis, à l'œil bleu de sa femme, 6+6 c
Trouve au ventre du gouffre un éternel tombeau. 6+6 b
Et cependant c'est nous, pauvres ombres muettes, 6+6 a
50 Qui faisons circuler au-dessus de nos têtes 6+6 a
Le mouvement humain avec tant de fracas ; 6+6 b
C'est avec le trésor qu'au risque de la vie 6+6 c
Nous tirons de la terre, ô puissante industrie ! 6+6 c
Que nous mettons en jeu tes gigantesques bras. 6+6 b
55 C'est la houille qui fait bouillonner les chaudières, 6+6 a
Rugir les hauts fourneaux tout chargés de matières, 6+6 a
Et rouler sur le fer l'impétueux wagon ; 6+6 b
C'est la houille qui fait par tous les coins du monde, 6+6 c
Sur le sein écumant de la vague profonde, 6+6 c
60 Bondir en souverains les vaisseaux d'Albion. 6+6 b
C'est l'œuvre de nos bras qui donne au diadème 6+6 a
Cet éclat merveilleux, cette beauté suprême 6+6 a
Qu'on ne voit nulle part ; enfin c'est notre main 6+6 b
Qui produit à foison les richesses énormes 6+6 c
65 De ces quatre cents lords aux insolentes formes, 6+6 c
Qui souvent sans pitié nous voient mourir de faim. 6+6 b
Ô dieu ! Dieu tout-puissant ! Pour les plus justes causes 6+6 a
Nous ne demandons pas le tumulte des choses, 6+6 a
Et le renversement de l'ordre d'ici-bas ; 6+6 b
70 Nous ne te prions pas de nous mettre à la place 6+6 c
Des hommes de savoir et des hommes de race, 6+6 c
Et de gorger nos mains de l'or des potentats : 6+6 b
Ce dont nous te prions, enfants de la misère, 6+6 a
C'est d'amollir le cœur des puissants de la terre, 6+6 a
75 Et d'en faire pour nous un plus solide appui ; 6+6 b
C'est de leur rappeler sans cesse, par exemple, 6+6 c
Qu'en laissant dépérir les fondements du temple, 6+6 c
Le monument s'écroule et tout tombe avec lui. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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