Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BRB_1/BRB18
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
LA CUVE
Il est, il est sur terre une infernale cuve, 6+6 a
On la nomme Paris ; c'est une large étuve, 6+6 a
Une fosse de pierre aux immenses contours 6+6 b
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours ; 6+6 b
5 C'est un volcan fumeux et toujours en haleine 6+6 a
Qui remue à longs flots de la matière humaine ; 6+6 a
Un précipice ouvert à la corruption 6+6 b
Où la fange descend de toute nation, 6+6 b
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde, 6+6 a
10 Soulevant ses bouillons déborde sur le monde. 6+6 a
Là, dans ce trou boueux, le timide soleil 6+6 b
Vient poser rarement un pied blanc et vermeil ; 6+6 b
Là les bourdonnements nuit et jour dans la brume 6+6 a
Montent sur la cité comme une vaste écume ; 6+6 a
15 Là personne ne dort, là toujours le cerveau 6+6 b
Travaille, et, comme l'arc, tend son rude cordeau. 6+6 b
On y vit un sur trois, on y meurt de débauche ; 6+6 a
Jamais, le front huilé, la mort ne vous y fauche, 6+6 a
Car les saints monuments ne restent dans ce lieu 6+6 b
20 Que pour dire : autrefois il existait un Dieu. 6+6 b
Là tant d'autels debout ont roulé de leurs bases, 6+6 a
Tant d'astres ont pâli sans achever leurs phases, 6+6 a
Tant de cultes naissants sont tombés sans mûrir, 6+6 b
Tant de grandes vertus là s'en vinrent pourrir, 6+6 b
25 Tant de chars meurtriers creusèrent leur ornière, 6+6 a
Tant de pouvoirs honteux rougirent la poussière, 6+6 a
De révolutions au vol sombre et puissant 6+6 b
Crevèrent coup sur coup leurs nuages de sang, 6+6 b
Que l'homme, ne sachant où rattacher sa vie, 6+6 a
30 Au seul amour de l'or se livre avec furie. 6+6 a
Misère ! Après mille ans de bouleversements, 6+6 b
De secousses sans nombre et de vains errements, 6+6 b
De cultes abolis et de trônes superbes 6+6 a
Dans les sables perdus, et couchés dans les herbes, 6+6 a
35 Le temps, ce vieux coureur, ce vieillard sans pitié, 6+6 b
Qui va par toute terre écrasant sous le pié 6+6 b
Les immenses cités regorgeantes de vices, 6+6 a
Le temps, qui balaya Rome et ses immondices, 6+6 a
Retrouve encore, après deux mille ans de chemin, 6+6 b
40 Un abîme aussi noir que le cuvier romain. 6+6 b
Toujours même fracas, toujours même délire, 6+6 a
Même foule de mains à partager l'empire, 6+6 a
Toujours même troupeau de pâles sénateurs, 6+6 b
Même flots d'intrigants et de vils corrupteurs, 6+6 b
45 Même dérision du prêtre et des oracles, 6+6 a
Même appétit des jeux, même soif des spectacles, 6+6 a
Toujours même impudeur, même luxe effronté, 6+6 b
En chair vive et en os même immoralité ; 6+6 b
Mêmes débordements, mêmes crimes énormes, 6+6 a
50 Moins l'air de l'Italie et la beauté des formes. 6+6 a
La race de Paris, c'est le pâle voyou 6+6 b
Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou ; 6+6 b
C'est cet enfant criard que l'on voit à toute heure 6+6 a
Paresseux et flanant, et loin de sa demeure 6+6 a
55 Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs 6+6 b
Charbonnant en sifflant mille croquis impurs ; 6+6 b
Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère, 6+6 a
Le nom du ciel pour lui n'est qu'une farce amère ; 6+6 a
C'est le libertinage enfin en raccourci ; 6+6 b
60 Sur un front de quinze ans c'est le vice endurci. 6+6 b
Et pourtant il est brave, il affronte la foudre, 6+6 a
Comme un vieux grenadier il mange de la poudre, 6+6 a
Il se jette au canon en criant : liberté ! 6+6 b
Sous la balle et le fer il tombe avec beauté. 6+6 b
65 Mais que l'émeute aussi passe devant sa porte, 6+6 a
Soudain l'instinct du mal le saisit et l'emporte, 6+6 a
Le voilà grossissant les bandes de vauriens, 6+6 b
Molestant le repos des tremblants citoyens, 6+6 b
Et hurlant, et le front barbouillé de poussière, 6+6 a
70 Prêt à jeter à Dieu le blasphème et la pierre. 6+6 a
Ô race de Paris, race au cœur dépravé, 6+6 b
Race ardente à mouvoir du fer ou du pavé ! 6+6 b
Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes 6+6 a
Ainsi que des fiévreux tous les porte-couronnes ! 6+6 a
75 Flot hardi qui trois jours s'en va battre les cieux, 6+6 b
Et qui retombe après, plat et silencieux ! 6+6 b
Race unique en ce monde ! Effrayant assemblage 6+6 a
Des élans du jeune homme et des crimes de l'âge 6+6 a
Race qui joue avec le mal et le trépas ; 6+6 b
80 Le monde entier t'admire et ne te comprend pas ! 6+6 b
Il est, il est sur terre une infernale cuve, 6+6 a
On la nomme Paris ; c'est une large étuve, 6+6 a
Une fosse de pierre aux immenses contours 6+6 b
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triple tours ; 6+6 b
85 C'est un volcan fumeux et toujours en haleine 6+6 a
Qui remue à longs flots de la matière humaine ; 6+6 a
Un précipice ouvert à la corruption 6+6 b
Où la fange descend de toute nation, 6+6 b
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde, 6+6 a
90 Soulevant ses bouillons déborde sur le monde. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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