Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BRB_1/BRB17
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
LE RIRE
Nous avons tout perdu, tout, jusqu'à ce gros rire 6+6 a
Gonflé de gaîté franche et de bonne satire, 6+6 a
Ce rire d'autrefois, ce rire des aïeux 6+6 b
Qui jaillissait du cœur comme un flot de vin vieux 6+6 b
5 Le rire sans envie et sans haine profonde, 6+6 a
Pour n'y plus revenir est parti de ce monde. 6+6 a
Quel compère joyeux que le rire autrefois ! 6+6 b
Maintenant il est triste, il chante à demi-voix, 6+6 b
Il incline la tête et se pince la lèvre ; 6+6 a
10 Chaque pli de sa bouche est creusé par la fièvre : 6+6 a
Adieu le vin, l'amour, et les folles chansons ! 6+6 b
Adieu les grands éclats, les longues pamoisons ! 6+6 b
Plus de garçon joufflu, bien frais, et dans sa gloire 6+6 a
Chantant à plein gosier les belles après boire ; 6+6 a
15 Près d'un jambon fumé plus de baisers d'époux, 6+6 b
Plus de bruyants transports, plus de danse de fous, 6+6 b
Plus de boutons rompus, plus de bouffonnerie : 6+6 a
Mais du cynisme à force et de l'effronterie, 6+6 a
De la bile à longs flots, des traits froids et mordants, 6+6 b
20 Comme au fond de l'enfer des grincements de dents, 6+6 b
Et puis la lâcheté, l'insulte à la misère, 6+6 a
Et des coups au vaincu, des coups à l'homme à terre… 6+6 a
Ah ! Pour venir à nous le front morne et glacé, 6+6 b
Par quels affreux chemins, vieux rire, as-tu passé ? 6+6 b
25 Les éclats de ta voix, comme hurlements sombres, 6+6 a
Ont retenti longtemps à travers des décombres ; 6+6 a
Dans les villes en pleurs, sur le blé des sillons, 6+6 b
Ils ont réglé longtemps les pas des bataillons ; 6+6 b
Longtemps ils ont mêlé leurs notes infernales 6+6 a
30 Au bruit du fer tombant sur les têtes royales, 6+6 a
Et, suivant dans Paris le fatal tombereau, 6+6 b
Mené plus d'un grand homme au panier du bourreau : 6+6 b
Rire ! Tu fus l'adieu qu'en délaissant la terre 6+6 a
De son lit de douleur laissa tomber Voltaire ; 6+6 a
35 Rire de singe assis sur la destruction, 6+6 b
Marteau toujours brûlant de démolition, 6+6 b
Depuis ce jour, Paris te remue à toute heure, 6+6 a
Et sous tes coups puissants rien de grand ne demeure. 6+6 a
Ah ! Malheur au talent plein de vie et d'amour 6+6 b
40 Qui veut se faire place et paraître au grand jour ! 6+6 b
Malheur, malheur cent fois à la muse choisie 6+6 a
Qui veut livrer son aile au vent de poésie ! 6+6 a
En vain elle essaîra, dédaigneuse du sol, 6+6 b
Sur le bruit des cités de prendre son beau vol, 6+6 b
45 Le rire à l'œil stupide est là, qui la regarde, 6+6 a
Et qui, jaloux des lieux où son pied se hasarde, 6+6 a
Comme miasmes brûlants, ou comme plomb mortel, 6+6 b
Montera la frapper aux campagnes du ciel ; 6+6 b
Et cette âme perdue aux voûtes éternelles, 6+6 a
50 Qui, devant le soleil ouvrant ses larges ailes, 6+6 a
Allait, dans son transport, chez la divinité 6+6 b
Exhaler quelque chant plein d'immortalité ; 6+6 b
Pauvre âme, atteinte encore au bord de la carrière, 6+6 a
Triste, penchant la tête et fermant la paupière, 6+6 a
55 Elle retombera dans son cloaque impur, 6+6 b
Et s'en ira bien loin vers quelque coin obscur, 6+6 b
Gémissante, traînant l'aile et perdant sa plume, 6+6 a
Mourir avant le temps, le cœur gros d'amertume. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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