Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BRB_1/BRB13
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
L'AMOUR DE LA MORT
Hélas ! Qui le croirait ?Ce fantôme hideux, 6+6 a
Ce monstre à l'œil éteintdans son orbite creux, 6+6 a
Au crâne sans cheveuxet souillé de poussière, 6+6 b
Aux membres allongéset froids comme la pierre, 6+6 b
5 À la teinte jaunâtre,à cette fade odeur 6+6 a
Qui vous met malgré vousle trouble dans le cœur ; 6+6 a
Tout ce je ne sais quoiqui n'est plus de la vie, 6+6 b
Que ne peut expliquernulle philosophie, 6+6 b
Et dont l'entier silenceet l'immobilité 6+6 a
10 Révèlent le néantdans sa difformité, 6+6 a
La mort, ce laid produitde la vieille nature, 6+6 b
La mort, le vaste effroide toute créature, 6+6 b
La mort a rencontrésur terre un amoureux, 6+6 a
Un être qui l'adore,un amant vigoureux 6+6 a
15 Qui la serre en ses brasd'une étreinte profane, 6+6 b
L'asseoit sur ses genouxcomme une courtisane, 6+6 b
L'entrne avec ivresseà sa table, à son lit, 6+6 a
Et comme un vieux satyreavec elle s'unit ! 6+6 a
Hideux accouplement !Aussi de préférence 6+6 b
20 À tout autre paysla mort aime la France, 6+6 b
Et depuis cinquante ansdevant ses yeux ont tort 6+6 a
Les barbares excèsdes peuplades du nord. 6+6 a
Que lui font les baisersde la vieille Angleterre ? 6+6 b
Il est vrai qu'elle saitauprès d'un pot de bière 6+6 b
25 Tranquillement s'ouvrirune veine du front, 6+6 a
Ou se faire sauterla tête avec du plomb ; 6+6 a
Mais la France vaut mieuxet lui plt davantage. 6+6 b
C'est là qu'au suicide,au duel on s'encourage ; 6+6 b
C'est là, malgré Gilbertet son vers immortel, 6+6 a
30 Que l'on court voir encormourir un criminel ; 6+6 a
Là que la politiqueaux sanglantes chimères 6+6 b
Vient sans peur essayerses formes éphémères ; 6+6 b
Là que l'on a dressél'abattoir social ; 6+6 a
Enfin le sol chéridu meurtrier brutal, 6+6 a
35 Et le seul lieu sur terre peut-être sans haine 6+6 b
On attente en riantà toute vie humaine ; 6+6 b
Comme si ce qu'on souffleavec légèreté 6+6 a
Pouvait se rallumerà notre volonté, 6+6 a
Et comme si les forts,les puissants de ce monde, 6+6 b
40 Tous les bras musculeuxde la planète immonde, 6+6 b
Pouvaient dans leur vigueurrefaire le tissu 6+6 a
Que le doigt de la mortune fois a rompu ! 6+6 a
Ah ! N'est-ce pas assezque l'avare nature 6+6 b
Nous redemande à tousune dette si dure, 6+6 b
45 La vie, à tous la vie ?Et faut-il donc encor 6+6 a
Nous-mêmes dans le gouffreenfouir le trésor ? 6+6 a
Oh ! N'est-ce pas assezde la pâle vieillesse, 6+6 b
De tous les rongementsde la vie en faiblesse, 6+6 b
Du venin dévorantdes soucis destructeurs, 6+6 a
50 Et de la maladieaux plaintives douleurs ? 6+6 a
N'est-on pas sûr enfin,au bruit des chants funèbres, 6+6 b
De faire tôt ou tardle saut dans les ténèbres, 6+6 b
D'avoir trois pieds de terreaprès soi sur le flanc ? 6+6 a
Ne doit-on pas mourir ?— s'il faut que notre sang 6+6 a
55 S'épanche, il est toujoursdes cas en cette vie 6+6 b
l'on peut le verseravec quelque énergie : 6+6 b
Alors que l'étranger,tout cuirassé de fer, 6+6 a
Passe à travers nos champscomme un dieu de l'enfer, 6+6 a
Foulant d'un pied sanglantl'herbe de nos campagnes, 6+6 b
60 Et chargeant sur son dosles fils de nos compagnes ; 6+6 b
Quand le bouclier d'orqui doit tous nous couvrir, 6+6 a
L'honneur de notre nomest près de se ternir ; 6+6 a
Ou bien lorsque la loi,violée et maudite, 6+6 b
Répand des flots de pleurspar la ville interdite. 6+6 b
65 Ah ! Voilà le moment !Et le sang qui se perd 6+6 a
À toute la citédu moins profite et sert. 6+6 a
Mais tel n'est pas le trainordinaire des choses ; 6+6 b
Ce n'est point pour le justeet pour de belles causes 6+6 b
Que la mort violenteaime à faire ses coups : 6+6 a
70 C'est pour de vils hochets,des rêves d'hommes sls, 6+6 a
Une vaine piqûre,une raison folâtre, 6+6 b
Une affaire souventde luxe ou de théâtre, 6+6 b
Une froide parade,et, sans savoir pourquoi, 6+6 a
Le désir d'occuperles langues après soi. 6+6 a
75 Vanité, vanité,je connais ton empire, 6+6 b
Et je retrouve en toitoute notre satire. 6+6 b
Ô fille de l'orgueil !ô terrible fléau 6+6 a
D'un peuple au cœur sans fiel,mais au faible cerveau ! 6+6 a
Toujours ton noir venindistillé sur ma race, 6+6 b
80 Du haut jusques en bas,en corrompra la masse ; 6+6 b
Toujours, nous ramenantdans un cercle fatal, 6+6 a
Ton souffle changeral'œuvre du bien en mal. 6+6 a
Triomphe donc, ô monstre !Oui, de nos pauvres femmes 6+6 b
Comme un bouquet de fleursfane les pures âmes ; 6+6 b
85 Fais de leur douce vieun cordeau mal filé ; 6+6 a
Au vice dégtantvends leur corps maculé ; 6+6 a
Jusqu'au dernier degréde l'impure misère 6+6 b
Tu soutiendras l'éclatde leurs yeux, ô mégère ! 6+6 b
Puis, verse au cœur de l'hommeun désir insensé 6+6 a
90 De dominer le mondeet d'en être encensé ; 6+6 a
Pour briller à tout prix,lance-le dans le crime ; 6+6 b
Mets devant lui l'étatau penchant de l'abîme ; 6+6 b
Invente des forfaitsinouis et sans noms : 6+6 a
Qu'importe que le sangruisselle à gros bouillons, 6+6 a
95 Que le soleil se voileet la terre frémisse, 6+6 b
Que la tombe en un jourdans son ventre engloutisse 6+6 b
Femmes, enfants, vieillardsfrappés d'un plomb soudain ? 6+6 a
Qu'importe tant de mortsà l'infâme assassin ? 6+6 a
Il entendra les crisde toute la nature, 6+6 b
100 Sans trembler un instantou changer de figure ; 6+6 b
Car sur le champ du meurtreet même à l'échafaud, 6+6 a
Ô vanité, c'est toiqui lui tiens le front haut, 6+6 a
Et lui donnes, grand dieu !Souvent plus de puissance 6+6 b
Que n'en donne au cœur purla sainte conscience ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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