Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BRB_1/BRB12
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
TERPSICHORE
À M A Royer :
I
Lorsque la foi brûlantea déserté les âmes, 6+6 a
Quand le pur alimentde toutes chastes flammes, 6+6 a
Le nom puissant de Dieudes cœurs s'est effacé, 6+6 b
Et quand le pied du vicea partout repassé, 6+6 b
5 La vie à tous les dosest chose fatigante ; 6+6 a
C'est une draperie,une robe trnante, 6+6 a
Que chacun à son tourrevêt avec dégt, 6+6 b
Et dont le pan bientôtva flotter dans l'égout. 6+6 b
Quand l'on ne croit à rien,que faire de la vie ? 6+6 a
10 Que faire de ce bienque la vieillesse envie, 6+6 a
Si l'on ne peut, hélas !L'envoyer vers le ciel, 6+6 b
Comme un encensoir d'orfumant devant l'autel ; 6+6 b
La remplir d'harmonie,et, dans un beau délire, 6+6 a
Des âmes avec Dieuse partager l'empire, 6+6 a
15 Ou la teindre de sang,comme un fer redouté, 6+6 b
Aux mains de la patrieet de la liberté ; 6+6 b
Quand le cœur est sans foi,que faire de la vie ? 6+6 a
Alors, alors il fautla barbouiller de lie, 6+6 a
La masquer de haillons,la couvrir d'oripeaux, 6+6 b
20 Comme un ivrogne mortl'enfouir dans les pots ; 6+6 b
Il faut l'user enfinà force de luxure, 6+6 a
Jusqu'au jour la mort,passant par aventure, 6+6 a
Et la trouvant courbéeet vaincue à moitié, 6+6 b
Dans le fossé communla poussera du pié. 6+6 b
II
25 Ainsi, du haut des toursles cloches ébranlées, 6+6 a
Battant l'air sourdementde leurs pleines volées, 6+6 a
Sur la ville frivoleet sans dévotion 6+6 b
Ont beau répandre encorde la religion ; 6+6 b
Les cierges allumésont beau luire à l'église, 6+6 a
30 Et sur l'autel de pierreet sur la dalle grise 6+6 a
Le prêtre a beau frapperde son front pénitent : 6+6 b
Au culte des chrétienson vit indifférent, 6+6 b
Mais non pas à l'ennui.Toute face tournée 6+6 a
Vers ce triste démonà la main décharnée 6+6 a
35 Craint toujours de sentirson fade embrassement, 6+6 b
Son baiser glacial ;et chacun lestement 6+6 b
De le fuir aussitôt,et de suivre à la trace 6+6 a
La moindre occasionqui traverse et qui passe, 6+6 a
Le tumulte en la rue,et le rire banal 6+6 b
40 De l'antique Saturneaux jours du carnaval. 6+6 b
Le carnaval ! Jadiscette courte folie 6+6 a
Était de la misèreavec un peu de lie, 6+6 a
Des malheureux payés,le long des boulevards, 6+6 b
Poussant des hurlementssous des masques blafards ; 6+6 b
45 Mais les gueux aujourd'huine sont plus seuls en scène : 6+6 a
Les beaux noms du paysdescendent dans l'arène, 6+6 a
Et, le gosier bardédes plus sales propos, 6+6 b
Des porteurs de la halleils se font les échos. 6+6 b
Puis viennent après euxles hommes de pensée ; 6+6 a
50 Et tous ces curieuxde la joie insensée, 6+6 a
Le soir, vont au théâtre,et, sans chaleur, sans rût, 6+6 b
Apprennent là du peupleà danser le chahut. 6+6 b
Quelle danse et quel nom !D'abord c'est une lutte : 6+6 a
Les accents du clairon,les soupirs de la flûte, 6+6 a
55 Les violons aiguset les tambours ronflants, 6+6 b
Irritent tous les corps,agitent tous les flancs ; 6+6 b
Puis, le signal donné,les haleines fumeuses 6+6 a
Versent de tous côtésdes paroles vineuses. 6+6 a
Bientôt le masque tombe,ainsi que la pudeur ; 6+6 b
60 La femme ne craint pasde tendre avec ardeur 6+6 b
Au vin de la débaucheune lèvre altérée, 6+6 a
Et là nulle ne faitla longue et la sucrée. 6+6 a
L'homme attaque la femme,et la femme répond. 6+6 b
La joue en feux, les yeuxluisant à chaque bond, 6+6 b
65 Et la jambe en avant,elle court sur les planches ; 6+6 a
Elle arrive sur l'hommeen remuant des hanches ; 6+6 a
Et l'homme, l'animantdu geste et de la voix, 6+6 b
Par ses beaux tordionsla met toute aux abois, 6+6 b
Comme un triton fougueuxprend une nymphe impure, 6+6 a
70 Il la saisit au corps,et, foant la nature, 6+6 a
Simule à tous les yeuxce que les animaux 6+6 b
N'ont jamais inventédans leurs plaisirs brutaux. 6+6 b
Horreur ! Cette luxureest partout applaudie, 6+6 a
Et l'imitationcourt comme l'incendie. 6+6 a
75 Puis la salle chancelle,et d'un élan soudain 6+6 b
Le bal entier se lève,une main dans la main ; 6+6 b
Les corps joignent les corps ;comme un torrent qui roule 6+6 a
Sur le plancher criants'éparpille la foule. 6+6 a
Alors une poussièreimmonde, en longs anneaux, 6+6 b
80 Enveloppe la salleet ternit les flambeaux ; 6+6 b
Le plafond tourne aux yeuxainsi que dans l'ivresse ; 6+6 a
La chair a tout vaincu,l'âme n'est plus mtresse, 6+6 a
Et l'homme n'est plus froiden cet emportement, 6+6 b
Car c'est la mer qui grondeen son lit écumant, 6+6 b
85 C'est le vent qui tournoieen hurlantes rafales, 6+6 a
C'est un troupeau fumantde bouillantes cavales, 6+6 a
C'est la fosse aux lions.— malheur, hélas ! Malheur 6+6 b
Au pied de l'apprentiqui n'a pas de vigueur ! 6+6 b
Malheur au faible brasqui délaisse une taille ! 6+6 a
90 Ah ! C'en est fait icicomme au champ de bataille 6+6 a
Du maladroit qui tombe !aux clameurs du plaignant 6+6 b
Tout est sourd, et le père,et la mère, et l'enfant ; 6+6 b
Personne n'a d'entrailleen ce moment terrible, 6+6 a
Et la ronde aux cent pieds,impitoyable, horrible, 6+6 a
95 Passera sur le corps,et sous ses bonds vivants 6+6 b
Meurtrira sans effroides membres palpitants. 6+6 b
III
Ô pudeur ! ô vertu !Douce et belle pensée ! 6+6 a
Ô chevelure d'Èveà longs flots dispersée ! 6+6 a
Pudeur, voile de pourpre,adorable manteau, 6+6 b
100 Déchire-toi devantcet ignoble tableau ! 6+6 b
Et vous, de Terpsichoreô compagnes fidèles ! 6+6 a
Ô filles d'Apollon !Danseuses immortelles, 6+6 a
N'abaissez pas vos piedssur nos planchers mesquins, 6+6 b
se ternirait l'orde vos beaux brodequins ; 6+6 b
105 Muses, restez aux cieux,car la plus grande peine 6+6 a
Qui pourrait affligervotre âme surhumaine 6+6 a
Serait de voir encoreà ces débordements 6+6 b
Se mêler le flot purde vos nobles amants ; 6+6 b
Oui, ce serait de voir,sans respect pour soi-même, 6+6 a
110 L'artiste profanersa dignité suprême, 6+6 a
D'avance dépouillerses œuvres de grandeur 6+6 b
En faisant de leur pèreun grotesque sauteur ; 6+6 b
L'artiste devenirle jouet du vulgaire, 6+6 a
Un singe balladantdevant le populaire, 6+6 a
115 Lui, dont la grande voixet les chants rebutés 6+6 b
Percent si rarementl'air pesant des cités, 6+6 b
Pour lequel notre tempsest un siècle pénible, 6+6 a
Et pour qui l'avenirsemble encor plus horrible ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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