Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BRB_1/BRB11
Auguste BARBIER
Ïambes et poèmes
1831
ÏAMBES
MELPOMÈNE
À M Alfred De Vigny :
I
Ô fille d'Euripide,ô belle fille antique, 6+6 a
Ô muse, qu'as-tu faitde ta blanche tunique ? 6+6 a
Prêtresse du saint temple,oh ! Que sont devenus 6+6 b
Les ornements sacrésqui couvraient tes pieds nus ! 6+6 b
5 Et les cheveux dorésrelevés sur ta tête, 6+6 a
Et le grave cothurne,et la lyre poëte, 6+6 a
Et les voiles de lin,en ta marche à longs plis 6+6 b
Flottant et balayantles dalles du parvis, 6+6 b
Et le fleuve éternelde tes larmes pieuses, 6+6 a
10 Et tes sanglots divins,douleurs harmonieuses ? 6+6 a
Ô belle fille antique !ô toi qu'on adorait ! 6+6 b
De tes chastes habits,prêtresse, qu'as-tu fait ? 6+6 b
Tu les as échangéscontre des haillons sales ; 6+6 a
Ton beau corps est tombédans la fange des halles, 6+6 a
15 Et ta bouche oubliantl'idiome de miel 6+6 b
Qu'elle semblait puiserdans les concerts du ciel, 6+6 b
Ta bouche, aux passionsdu peuple descendue, 6+6 a
S'est ouverte aux juronsde la fille perdue. 6+6 a
II
C'en est fait aujourd'huide la beauté de l'art ! 6+6 b
20 Car l'immoralitélevant un œil hagard 6+6 b
Se montre hardimentdans les jeux populaires ; 6+6 a
Les théâtres partoutsont d'infâmes repaires, 6+6 a
Des temples de débauche, le vice éhonté 6+6 b
Donne pour tous les prixleçon d'impureté. 6+6 b
25 C'est à qui chaque soirsur leurs planches banales 6+6 a
Étalera le plusde honte et de scandales, 6+6 a
À qui dérouleradans un roman piteux 6+6 b
Des plus grossières mœursles traits les plus honteux, 6+6 b
Et sans respect aucunpour la femme et pour l'âge, 6+6 a
30 Fera monter le plusde rougeur au visage. 6+6 a
Allez, homme au cœur pur,allez en curieux 6+6 b
Heurter vos pieds, le soir,à tous ces mauvais lieux ; 6+6 b
Dans ces antres infectsdescendez quand la brume 6+6 a
Sur la grande citécomme un fallot s'allume ; 6+6 a
35 Vous verrez au milieud'un fleuve de sueur 6+6 b
Sous un pâle soleilet sa jaune lueur, 6+6 b
Sans haleine, sans pouls,et les lèvres muettes, 6+6 a
Tout un peuple accroupisur de noires banquettes, 6+6 a
Écoutant à plaisirla langue des bourreaux, 6+6 b
40 Apprivoiser ses yeuxau sang des échafauds. 6+6 b
Vous y verrez sous l'œildu père de famille, 6+6 a
De lubriques tableauxenseigner à sa fille, 6+6 a
Comment sur un sopha,sans remords et sans peur, 6+6 b
On ouvre à tout venantet sa jambe et son cœur ; 6+6 b
45 Comment font les deux mainsd'un homme qui viole ; 6+6 a
Comment à ses transportsune femme s'immole ; 6+6 a
Et les femmes, au boutde ces drames impurs, 6+6 b
Haletantes encor,l'œil en feu, les seins durs, 6+6 b
D'un pied lent désertantla salle solitaire, 6+6 a
50 Regagner leur foyeren rêvant l'adultère. 6+6 a
Voilà, voilà pourtantl'air fétide, empesté, 6+6 b
Que l'art de ses rameauxverse sur la cité ; 6+6 b
L'air malsain que Paris,comme une odeur divine, 6+6 a
Vient humer chaque soirde toute sa poitrine ! 6+6 a
55 Arbre impur ! On diraitque ton front dégarni 6+6 b
Ne porte plus au cielqu'un feuillage jauni ; 6+6 b
Et que les fruits tombésde ta branche sonore, 6+6 a
Comme ceux qui poussaientaux arbres de Gomorrhe, 6+6 a
Sous la lèvre du peupleamers et tout flétris 6+6 b
60 Ne sont que cendre sècheet que germes pourris ! 6+6 b
III
Ah ! Dans ces temps maudits,les citoyens iniques 6+6 a
Ne sont pas tous errantssur les places publiques ; 6+6 a
Ce ne sont pas toujoursces rudes affamés 6+6 b
Aux seins poilus, aux braspéniblement armés, 6+6 b
65 Ces pauvres ouvriershurlant comme une meute, 6+6 a
Et que le ventre seulmène et pousse à l'émeute ; 6+6 a
Ces hommes de ruineet de destruction 6+6 b
Ne soufflent pas le ventde la corruption, 6+6 b
Leur bras n'atteint jamaisque l'aride matière ; 6+6 a
70 Ils ébranlent le marbre,ils attaquent la pierre ; 6+6 a
Et quand le mur battutombe sur le côté, 6+6 b
Leur torrent passe et fuitcomme un torrent d'été. 6+6 b
Mais les hommes pervers,mais les hommes coupables, 6+6 a
Dont le pied grave au soldes traces plus durables, 6+6 a
75 Ce sont tous ces auteurs,qui, le scalpel en main, 6+6 b
Cherchent, les yeux ardents,au fond du cœur humain, 6+6 b
La fibre la moins pureet la plus sale veine 6+6 a
Pour en faire jaillirdes flots d'or à main pleine. 6+6 a
Les uns vont calculantdu fond du cabinet, 6+6 b
80 D'un spectacle hideuxle produit brut et net ; 6+6 b
D'autres aux ris du peuple,aux brocards de l'école, 6+6 a
Promènent sans pitiél'encensoir et l'étole ; 6+6 a
D'autres déshabillantla céleste pudeur, 6+6 b
Ne laissent pas un voileà l'humaine candeur. 6+6 b
85 Puis viennent les maçonsde la littérature, 6+6 a
Qui, portant le marteausur toute sépulture, 6+6 a
Courent de siècle en sièclearracher par lambeaux 6+6 b
Les crimes inouisqui dorment aux tombeaux. 6+6 b
Sombres profanateursavides de dépouilles, 6+6 a
90 Ils n'attendant pas mêmeau milieu de leurs fouilles 6+6 a
Que la terre qui tombeait refroidi les morts ; 6+6 b
De la fosse encor frcheils retirent les corps, 6+6 b
Et sans crainte de Dieu,leur bras, leur bras obscène 6+6 a
Les livre encor tout chaudsaux clameurs de la scène. 6+6 a
IV
95 Ils ne savent donc pas,ces vulgaires rimeurs, 6+6 b
Quelle force ont les artspour démolir les mœurs ; 6+6 b
Que l'encre dégouttantde leurs plumes grossières 6+6 a
Renoircit tous les cœursblanchis par les lumières ; 6+6 a
Combien il est affreuxd'empoisonner le bien, 6+6 b
100 Et de porter le nomde mauvais citoyen ! 6+6 b
Ils ne savent donc pasla sanglante torture, 6+6 a
De se dire, à part soi :j'ai fait une œuvre impure ; 6+6 a
Et de voir ses enfantsà la face du ciel 6+6 b
Baisser l'œil et rougirdu renom paternel ! 6+6 b
105 Non, le gain les exciteet l'argent les enfièvre, 6+6 a
L'argent leur clôt les yeuxet leur salit la lèvre, 6+6 a
L'argent, l'argent fatal,dernier dieu des humains, 6+6 b
Les prend par les cheveux,les secoue à deux mains, 6+6 b
Les pousse dans le mal,et pour un vil salaire 6+6 a
110 Leur mettrait les deux piedssur le corps de leur père. 6+6 a
Honte à eux ! Car trop loinde l'atteinte des lois, 6+6 b
L'honnête homme peut seulles flétrir de sa voix ! 6+6 b
Honte à eux ! Car leur mainjamais ne s'est lassée 6+6 a
À couvrir de laideurl'immortelle pensée ! 6+6 a
115 De l'art, de l'art divin,ce bel enfant des cieux, 6+6 b
Créé pour enseignerla parole des dieux, 6+6 b
Ils ont fait sur la terreun affreux cul-de-jatte, 6+6 a
Tronçon d'homme manqué,marchant à quatre pattes, 6+6 a
Et montrant aux passansdes moignons tout sanglants, 6+6 b
120 Et l'ulcère honteuxqui lui ronge les flancs ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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