Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BOU_2/BOU9
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
LES ROIS DU MONDE
A ALFRED GUÉRARD
I
Et le cèdre, deboutsur le mont solitaire, 6+6 a
Disait : — Béni soit Dieu,qui du sein de la terre 6+6 a
Fait monter comme un flotla sève dans mes flancs ; 6+6 b
Béni soit le Seigneurqui, pour moi seul au monde, 6+6 c
5 Garde dans ses trésorset la frcheur féconde, 6+6 c
 Et les rayons étincelants ! 8 b
Je suis le fils néde la nature immense ! 6+6 a
Les germes des humainsdormaient dans le silence, 6+6 a
Que déjà j'étendaismes bras audacieux ; 6+6 b
10 Les forêts d'aucun crine tressaillaient encore, 6+6 c
Et la brise, agitantmon feuillage sonore, 6+6 c
Fut le seul bruit, un jour,qui monta jusqu'aux cieux ! 6+6 b
Dès que l'homme créésortit de la poussière, 6+6 a
Devant ma majestépuissante et séculaire 6+6 a
15 Il inclina la tète,apprit à me bénir, 6+6 b
Et cachant tous ses dieuxsous mon écorce dure, 6+6 c
Il fit de mes rameaux,durant la nuit obscure, 6+6 c
 Tomber les voix de l'avenir ! 8 b
Sous mes pieds immortels,les familles humaines 6+6 a
20 Ont vécu leur saison,comme l'herbe des plaines ! 6+6 a
Du temps qui détruit tout,seul j'ai bravé l'affront ; 6+6 b
Et quand l'orage passe,en ébranlant les villes, 6+6 c
Les siècles, plus nombreuxque mes feuilles mobiles, 6+6 c
Tremblent confusément,suspendus à mon front ! 6+6 b
25 Gloire à Dieu ! gloire à Dieu !… je suis le roi du monde ! 6+6 a
La vie, à mon flanc noir,glisse lente et profonde ; 6+6 a
Dans le granit des montsj'enfonce mes cent piés ! 6+6 b
Le nuage, en passant,se déchire à ma cime, 6+6 c
Et je reste, ici-bas,comme un pilier sublime 6+6 c
30  Sur qui les cieux sont appuyés ! 8 b
II
Et l'homme, sur son frontposant le diadème, 6+6 a
Disait : — Béni soit Dieudont la bonté suprême 6+6 a
 Mit tant de force en moi ! 6 b
Mon génie à toute heureallonge mes domaines ; 6+6 c
35 Sur tous les océanset par toutes les plaines, 6+6 c
 Je suis, je suis le roi ! 6 b
Les saisons, dépouillantles campagnes vermeilles, 6+6 a
Pour ma soif et ma faimrépandent leurs corbeilles 6+6 a
 Sous mes plafonds sculptés ! 6 b
40 Pour moi fermente l'oraux veines de la mine, 6+6 c
Pour moi le flot salépolit la perle fine 6+6 c
 Dans les immensités ! 6 b
A chacun des désirsdont mon âme tressaille, 6+6 a
Esclave obéissanttout un monde travaille 6+6 a
45  Et ne s'arrête pas ! 6 b
Et comme des lionsqu'a muselés le mtre, 6+6 c
Les éléments soumis,en me voyant partre, 6+6 c
 Bondissent sur mes pas ! 6 b
Les fleuves murmurantsfont tourner mes machines, 6+6 a
50 Le feu grince et se torddans mes noires usines, 6+6 a
 L'air se plie à ma loi ! 6 b
Et quand je veux, un jour,visiter mon empire, 6+6 c
Je dis aux vastes mers :« Soulevez mon navire ! » 6+6 c
 Aux vents : « Emportez-moi ! » 6 b
55 Gloire à Dieu ! gloire à Dieu !ma volonté féconde 6+6 a
Est un moule puissant je jette le monde 6+6 a
 Pour qu'il garde mon pli ! 6 b
Et quand je passe, calmeet portant mon idée, 6+6 c
La montagne se range,et la mer débordée 6+6 c
60  Se refoule en son lit ! 6 b
III
Le cèdre au front superbeest couché dans la plaine, 6+6 a
L'homme s'est endormidans son tombeau glacé. 6+6 b
Sur leurs débris sans forme, le ver se promène, 6+6 a
Un bruit mystérieuxlentement a passé : 6+6 b
65 « A nous, à nous ! les tempset l'avenir sans bornes ! 6+6 a
A nous, fils de la mortet frères du destin ! 6+6 b
Nous peuplons du néantles solitudes mornes, 6+6 a
Et Dieu, de l'univers,nous fait un grand festin ! 6+6 b
La mort, la mort nous aime :au sein de la nuit sombre 6+6 a
70 Elle ouvre les cercueilsavec sa froide main ; 6+6 b
Elle nous dit : « Mes fils,que faites-vous dans l'ombre ? 6+6 a
La tombe est-elle vide,et n'avez-vous pas faim ? 6+6 b
Je vous apporteraide belles jeunes filles, 6+6 a
Pâles comme des lis,et des enfants tout blonds ! 6+6 b
75 Car c'est pour vous, ô vers,que croissent les familles, 6+6 a
Ainsi que des troupeauxparqués dans les vallons ! » 6+6 b
Et puis, la mort nous quitteet s'en va par la terre ; 6+6 a
Elle franchit les montset passe les grands flots, 6+6 b
Trnant, comme un butin,le cèdre centenaire, 6+6 a
80 Ou prenant le navireavec les matelots ! 6+6 b
Gloire, gloire au Seigneur !il fit du ciel immense 6+6 a
Un dais d'azur et d'orà notre royauté ! 6+6 b
le monde finit,notre empire commence, 6+6 a
Solitaire et profondcomme l'éternité ! 6+6 b
85 Toujours retentirala chute monotone 6+6 a
Des siècles, l 'un sur l'autre,en la nuit emportés ! 6+6 b
Et tomberont, sans cesse,au souffle de l'automne, 6+6 a
La feuille des forêts,et l'homme des cités ! 6+6 b
Jusqu'à ces jours lointainsde pâle solitude 6+6 a
90 , sur la terre morteétalant notre orgueil, 6+6 b
Nous rongerons le mondeen sa décrépitude, 6+6 a
Comme un cadavre froidqui n'a pas de cercueil ! 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6
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