Métrique en Ligne
BOU_2/BOU65
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
CEUX QUI VIENNENT
A CHARLES D'OSMOY
A l'heure où le sommeil commence, 8 a
J'ai fait un rêve, et j'ai cru voir 8 b
S'allonger une plaine immense 8 a
Que terminait un grand trou noir. 8 b
5 Vers le gouffre qui les appelle, 8 a
Chassés par un destin de fer, 8 b
Hommes et femmes, pèle-mêle, 8 a
Roulaient, comme un fleuve à la mer. 8 b
Et derrière le troupeau sombre, 8 a
10 Mes yeux cherchaient, avec effort, 8 b
Ta vieille faux qui luit dans l'ombre, 8 a
O vieux squelette de la mort ! 8 b
Je ne t'aperçus point, camarde !… 8 a
Mais ce que je vis devant moi 8 b
15 S'agiter, dans la nuit blafarde, 8 a
M'a paru plus affreux que toi ! 8 b
C'était une bruyante armée 8 a
De petits hommes incomplets : 8 b
Monde exigu, peuple pygmée, 8 a
20 Portant au front des bourrelets. 8 b
Les uns jetaient des clameurs grêles, 8 a
Et, des deux mains, ramant dans l'air, 8 b
Chancelaient sur leurs jambes frêles, 8 a
Comme des barques sur la mer. 8 b
25 D'autres, la bouche de lait pleine, 8 a
Avec des gestes menaçants, 8 b
Lançaient dans la mêlée humaine 8 a
Leurs chariots retentissants. 8 b
Les derniers, plus faibles encore, 8 a
30 Se traînant de tous les côtés, 8 b
Semblaient des larves près d'éclore, 8 a
Dans leurs langes emmaillotés. 8 b
Ils criaient : « Notre heure est venue ! 8 a
A nous la terre des vivants !… » 8 b
35 Et tous les hochets, sous la nue, 8 a
Secouaient leurs grelots mouvants ; 8 b
Et les voix exterminatrices 8 a
Frappant du ciel les noirs arceaux, 8 b
Entonnaient, sur l'air des nourrices, 8 a
40 La Marseillaise des berceaux. 8 b
Pourtant, ô tendresse profonde ! 8 a
La foule, un pied dans le cercueil, 8 b
Vers les bandits à tète blonde 8 a
Se retournait ivre d'orgueil ; 8 b
45 Et les familles insensées, 8 a
Avec des rires triomphants, 8 b
S'en allaient au tombeau, poussées 8 a
Par le bras rose des enfants ! 8 b
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite périodique
schéma : 12(abab)
logo du CRISCO logo de l'université