Métrique en Ligne
BOU_2/BOU29
Louis BOUILHET
POÉSIES. FESTONS ET ASTRAGALES
1859
A PRADIER
I
Pradier, ta tombe est close, et la foule écoulée 6+6 a
A quitté le gazon des morts silencieux ; 6+6 b
La muse maintenant de sa douleur voilée, 6+6 a
Va commencer pour toi l'hymne religieux ! 6+6 b
5 D'autres ont mis leur nom sur la strophe légère, 6+6 c
D'autres ont la couleur, ou la note au son pur, 6+6 d
Mais ta pensée, ô maître, est de bronze ou de pierre, 6+6 c
Et, comme un corps vivant, jette son ombre au mur. 6+6 d
Le bloc âpre et rugueux, sous ta main souveraine, 6+6 a
10 Ondulait comme un dos de léopard dompté ; 6+6 b
Et la forme, à ta voix, touchant le socle à peine, 6+6 a
S'élançait dans sa grâce et sa virginité. 6+6 b
Quand les marteaux sonnaient en cadence rapide, 6+6 c
Quand l'atelier vivait, fourmillant et joyeux, 6+6 d
15 Et que, couvrant les murs de sa neige solide, 6+6 c
La poussière du marbre étincelait aux yeux, 6+6 d
C'était ton heure à toi ! ta passion ! ta vie ! 6+6 a
A ton front élargi le sang battait plus fort, 6+6 b
Et ton âme flottait, dans l'idéal ravie, 6+6 a
20 Comme un vaisseau qui chante en s'éloignant du port ! 6+6 b
Tu t'exilais du monde au milieu des déesses, 6+6 c
Chœur immobile et blanc qui souriait toujours, 6+6 d
Bacchantes au sein nu, Dianes chasseresses, 6+6 c
Et nymphes dans le bain tordant leurs cheveux lourds ! 6+6 d
25 La beauté qui périt, le sentiment qui passe, 6+6 a
S'arrêtaient dans ton œuvre immortels, radieux 6+6 b
Car tu sors, ô Pradier ! de cette forte race 6+6 a
Qui peupla le ciel vide et nous tailla des dieux ! 6+6 b
II
Amis ; ne pleurons pas ! au pays bleu des âmes, 6+6 a
30 Il est, il est peut-être un asile écarté 6+6 b
Où les maîtres divins qu'ici-bas nous aimâmes 6+6 a
Vivent pleins de jeunesse et de sérénité. 6+6 b
Leur front calme est orné de guirlandes fleuries, 6+6 c
Le soleil de l'idée inonde leur regard. 6+6 d
35 Ils suivent lentement de longues galeries, 6+6 c
Et vont causant entre eux, de la forme et de l'art ! 6+6 d
Sculpteurs, musiciens, et peintres et poëtes,. 6+6 a
Ils sont là tous, rêvant au passé glorieux ; 6+6 b
L'œuvre de leur génie a peuplé ces retraites, 6+6 a
40 Et leurs créations s'agitent autour d'eux. 6+6 b
Polyclète y sourit près de Junon la belle ; 6+6 a
A tes pieds, ô Vénus ! Cléomène est assis ; 6+6 b
Le satyre, échappé des mains de Praxitèle, 6+6 a
Ouvre sa bouche avide aux raisins de Zeuxis ; 6+6 b
45 Stasicrate, en sueur, sculpte au loin sa montagne, 6+6 a
Mu'on suit, dans les prés, ses génisses d'airain, 6+6 b
Et le vieil Amphion, chantant par la campagne, 6+6 a
Fait danser les rochers sur le mode thébain ! 6+6 b
C'est là qu'il est monté parmi les statuaires ; 6+6 a
50 Il habite un beau temple, aux murs étincelants, 6+6 b
Et, timides encor, près des déesses fières, 6+6 a
Nissia, puis Sapho, s'avancent à pas lents ! 6+6 b
Entrez !… vous qui mêlez aux lignes solennelles 6+6 a
Les langueurs du contour et le pli gracieux, 6+6 b
55 Filles des temps nouveaux, vous êtes immortelles, 6+6 a
A côté des. Vénus Pradier vous place aux cieux ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
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