Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BOU_1/BOU2
Louis BOUILHET
Melænis
conte romain
1857
CHANT DEUXIÈME
Aux jardins de César,non loin du Tibre jaune, 6+6 a
Parfois un chêne antiqueaux beaux feuillages verts 6+6 b
Se dresse ; chaque branche,escaladant les airs, 6+6 b
De degrés en degrésautour de lui frissonne, 6+6 a
5 Et sur son front superbe,ainsi qu'une couronne, 6+6 a
Tremblent les astres d'oret glissent les éclairs. 6+6 b
Ce chêne monstrueux,titan aux larges hanches, 6+6 a
C'est l'empire deboutdans toute sa hauteur. 6+6 b
Du peuple, tronc rugueux,partent, comme des branches, 6+6 a
10 Prêtres aux bandeaux saints,consuls aux robes blanches, 6+6 a
L'édile, le tribun,le grave sénateur, 6+6 b
Jusqu'au fte sublime plane l'empereur. 6+6 b
Mais la racine obscureà la sève fertile 6+6 a
Qui serpente sous Romeet qu'on semble oublier, 6+6 b
15 C'est plus que le tribun,le consul ou l'édile, 6+6 a
Plus que le sénateuret que le chevalier ; 6+6 b
Ô muse, prends ton luth,et sous l'archet habile, 6+6 a
Fais redire aux échosle nom du cuisinier. 6+6 b
Le consul, en un jour,peut sortir d'un suffrage, 6+6 a
20 Le caprice des campsforge les empereurs ! 6+6 b
Mais, outre l'art divinqu'il reçut en partage, 6+6 a
Il faut au cuisinierles pénibles labeurs, 6+6 b
La science profonde,et que, dès son jeune âge, 6+6 a
Il ait, comme un savant,pâli sur les auteurs. 6+6 b
25 Pour régler des festinsla belle symétrie, 6+6 a
Il lui faut le calculet la géométrie, 6+6 a
La sculpture, qui tailleen dômes merveilleux 6+6 b
La neige étincelanteet les gâteaux mielleux, 6+6 b
L'histoire, qui du gtdonne la théorie, 6+6 a
30 L'étude des saisons,des hommes et des lieux ; 6+6 b
Il sait, il sait quels flotsvont roulant sur la plage 6+6 a
Le crabe aux doigts crochuset le blanc coquillage, 6+6 a
Quel vent jusqu'à nos merspousse les esturgeons, 6+6 b
D' partent les faisans,les grives, les plongeons, 6+6 b
35 Et quand la mûre est bonne,et pourquoi l'homme sage, 6+6 a
Dans les prés seulement,cueille les champignons 6+6 b
Aussi bien qu'Hippocrate,il discute et critique 6+6 a
De toute herbe qu'il voitl'effet et la saveur ; 6+6 b
Aussi bien que Platonil a sondé le cœur, 6+6 b
40 Connt des passionsl'origine authentique ; 6+6 a
Et, d'arguments choisisbardant sa rhétorique, 6+6 a
Plus loin que Tulliusemporte l'auditeur. 6+6 b
La squille réjouitl'homme qui désespère ; 6+6 a
L'escargot africainréveille l'esprit lourd ; 6+6 b
45 Mêlée au vin de Cos,l'oseille est salutaire 6+6 a
Pour dissiper le soirles tristesses du jour ; 6+6 b
Le massique aux flots lentsprovoque la colère ; 6+6 a
Le falerne fumeuxaiguillonne à l'amour ! 6+6 b
Il voit et prévoit tout,l'effet avec la cause ; 6+6 a
50 Mais en ce siècle l'orachète les serments, 6+6 b
Quand dans un coffre-forttoute gloire est éclose 6+6 a
Et qu'en foule s'en vontles nobles sentiments, 6+6 b
Le cuisinier parfaitsait, avant toute chose, 6+6 a
L'art de la politiqueet des gouvernements. 6+6 b
55 Dans le tricliniumplus que sous le portique, 6+6 a
La noblesse aujourd'huis'étale ; ‒ vous riez, 6+6 b
Fils de Cincinnatus ;mais venez ! Qu'on m'explique 6+6 a
La sportule, l'édileaux dons multipliés, 6+6 b
Et les banquets dresséssur la place publique, 6+6 a
60 Et dans le vin crétoisles plébéiens noyés ! 6+6 b
C'est lui, c'est lui toujours !Calme, avec un sourire, 6+6 a
Près des fourneaux ardents,sur les rouges tisons, 6+6 b
Il prépare le voteet les élections ; 6+6 b
Sa faveur, tour à tourse donne ou se retire ; 6+6 a
65 Un mulet trop brûléfait osciller l'empire ; 6+6 a
Plus ou moins de gingembreimporte aux nations ! 6+6 b
Et tandis que le frontdu candidat ruisselle, 6+6 a
Qu'il s'agite inquiet,que le peuple aux abois 6+6 b
Descend au champ de marsdes carrefours étroits, 6+6 b
70 Lui, gardant comme un dieusa pose solennelle, 6+6 a
Enferme les destinsde la ville éternelle 6+6 a
Dans le ventre béantd'un sanglier gaulois. 6+6 b
Cigognes, rossignols,pintades bigarrées, 6+6 a
Murènes et turbotsnourris de sang humain, 6+6 b
75 Sur les broches de fer,dans les vases d'airain, 6+6 b
Bruissent ; près des thonset des carpes dorées 6+6 a
Bâille dans les grands platsl'huître aux lèvres nacrées 6+6 a
Évohé ! Lucullussera consul demain ! 6+6 b
Or, il n'était dans Romeartiste plus habile 6+6 a
80 Que Bacca, cuisinierde Marcius l'édile ; 6+6 a
Et ma lyre apprendraità nos petits-neveux 6+6 b
Son pays, sa cité,le nom de ses aïeux, 6+6 b
Si l'oubli, ce linceulde toute gloire utile, 6+6 a
Ne couvrait son berceaud'un voile injurieux. 6+6 b
85 Qu'on descende, après tout,de Caton ou de Dave, 6+6 a
Qu'importe ! Envoi du cielou présent du hasard, 6+6 b
Le génie est sans pèreet le talent bâtard ! 6+6 b
Pour moi, sans préjugercette question grave, 6+6 a
J'aime le plat bien cuitque m'apprête un esclave, 6+6 a
90 Mieux qu'un ragt manquépar le fils de César. 6+6 b
Au reste, si Baccafut le premier dans Rome 6+6 a
Pour orner de ses donsles fêtes du dieu Côme, 6+6 a
L'édile Marciusétait, de son côté, 6+6 b
Le plus docte mangeurque la terre t porté, 6+6 b
95 Et, depuis l'âge d'or,on n'avait pas vu d'homme 6+6 a
Qui digérât si bien,Lucullus excepté. 6+6 b
Si l'on ne mange pas,que faire dans la vie ? 6+6 a
‒ Boire ! Dira quelqu'un.‒ l'édile en question 6+6 b
Faisait les deux ensembleavec distinction. 6+6 b
100 Toute chose frivoleest d'un retour suivie, 6+6 a
L'amour, de la douleur ;la gloire, de l'envie ; 6+6 a
Il soupait, et je croisqu'il avait bien raison. 6+6 b
Hélas ! Fils d'Apollon,chantre au léger bagage, 6+6 a
Que de fois j'ai rêvé,la nuit, sur le rivage, 6+6 a
105 Les banquets ruisselants,la flûte au mol accord, 6+6 b
Le vin qui monte à l'urneet couronne le bord, 6+6 b
Et l'huile parfumée la lumière nage, 6+6 a
Comme un cygne d'argentsur un lac au flot d'or ! 6+6 b
Que de fois, dans l'agateaux veines purpurines, 6+6 a
110 Comme pour Cléopâtre,esclaves gracieux, 6+6 b
Mes songes m'ont tenduce breuvage des dieux 6+6 b
Qui, sous ses flots mordants,roulait des perles fines ! 6+6 a
Oh ! Les larges repas,oh ! Les fêtes divines, 6+6 a
D' je me réveillaispâle et le ventre creux ! 6+6 b
115 Donc il soupait en roi,ce qui sans doute explique 6+6 a
Son amour pour les artset les discours latins ; 6+6 b
Là Vénus, à traversles vapeurs du massique, 6+6 a
Fait mieux flotter à l'œilses contours incertains ; 6+6 b
Avec l'onguent de Perseet la rose d'Afrique, 6+6 a
120 Poëtes et rhéteurscomplètent les festins. 6+6 b
Veuf, un bon estomac,une tête à l'épreuve : 6+6 a
C'était, je vous le jure,un citoyen heureux ; 6+6 b
Solon, qui de Crésusa dessillé les yeux, 6+6 b
N't pu lui présenterd'argument qui l'émeuve ; 6+6 a
125 Notre homme aurait jetésa bague dans le fleuve, 6+6 a
Qu'au ventre des poissonsil en t trouvé deux. 6+6 b
Comme il vide avec artla coupe ciselée ! 6+6 a
Comme il s'étale biensur la pourpre des lits ! 6+6 b
Il a, pour le banquet,mis la robe aux longs plis, 6+6 b
130 Du cothurne montantsa jambe est dépouillée, 6+6 a
Et la feuille du myrteen guirlande roulée 6+6 a
Tremble dans ses cheveuxque l'ivoire a polis. 6+6 b
À leurs chnons d'argentles lampes suspendues 6+6 a
Semblent verser la vieau marbre des statues ; 6+6 a
135 Du safran syrienflotte la vague odeur, 6+6 b
Et dans des roseaux creuxsoufflant avec ardeur, 6+6 b
Deux mimes africains,aux danses inconnues, 6+6 a
Frappent de leur pied noirles pavés de couleur. 6+6 b
Les lambris de la salle,en des peintures vives, 6+6 a
140 Étalent aux regards,sous le pampre joyeux, 6+6 b
Des satyres velus,des nymphes fugitives, 6+6 a
Et Paphos, et l'olympe,et la table des dieux ; 6+6 b
Hébé penche l'amphoreaux lèvres des convives, 6+6 a
Svelte et dans le nectartrempant ses blonds cheveux. 6+6 b
145 Une chasse plus hautbrille au plafond superbe : 6+6 a
Près d'un cythise en fleurs,la chèvre au front cornu 6+6 b
Se dresse sur ses pieds ;un beau chasseur tout nu 6+6 b
Détache de son dosses dards liés en gerbe, 6+6 a
Et deux chiens d’Étrurie,avec leur cou tendu, 6+6 b
150 Maigres, la langue aux dents,semblent nager dans l'herbe. 6+6 a
De viande et de ragtsle souper dégarni 6+6 a
Finissait ; car à l'heure ma scène s'engage, 6+6 b
Marcius en étaitaux figues de Carthage ; 6+6 b
La grenade sanglanteentr'ouvrait à demi 6+6 a
155 Ses lobes parfumés,et, d'étage en étage, 6+6 b
Montaient l'amande verteet le raisin jauni. 6+6 a
Au front des conviésle vin jetait sa flamme ; 6+6 a
Stellio, parasite,approuvait de la voix 6+6 b
Deux philosophes grecsqui disputaient sur l'âme, 6+6 a
160 Des chevaliers causaientde leurs limiers crétois, 6+6 b
Et, près d'un histrionfardé comme une femme, 6+6 a
Faisaient étincelerles bagues de leurs doigts. 6+6 b
On entendait au loinle jet d'une fontaine 6+6 a
Mêlant sa note humideaux lyres de Lesbos ; 6+6 b
165 Un poëte chantaitcouronné de verveine, 6+6 a
Et la strophe indécisearrivait par lambeaux ; 6+6 b
C'étaient les vers dansantsdu vieillard de Téos, 6+6 b
Joyeux comme un baiser,légers comme une haleine : 6+6 a
 Oh ! Moi, tout ce que je veux, 7 a
170  C'est une mtresse aimée, 7 b
 C'est ma barbe parfumée, 7 b
 Et des fleurs dans mes cheveux ! 7 a
 Le jour présent seul m'importe, 7 a
 Demain, c'est un inconnu ! 7 b
175  C'est un hôte mal venu 7 b
 Qu'on doit laisser à la porte ! 7 a
 Le jour qu'on a sous la main, 7 a
 Il faut le passer à boire ! 7 b
 Buvons donc, chantons victoire 7 b
180  À Bacchus, au dieu du vin ! 7 a
 De peur que la mort avide, 7 a
 Sourde à mes cris superflus, 7 b
 Ne dise : « la coupe est vide, 7 a
 « Ami, tu ne boiras plus !… » 7 b
185 Puis, glissant à traversles rumeurs incertaines, 6+6 a
Les propos se heurtaientavec les urnes pleines, 6+6 a
Sentences, questions,aphorismes joyeux : 6+6 b
‒ Qu'un nombre impair convientaux buveurs comme aux dieux ; 6+6 b
‒ Que le sage, à ses pieds,met les choses humaines ; 6+6 a
190 Et que le lièvre pousseaux rêves amoureux. 6+6 b
« Et, d'ailleurs, s'écriaitun grec à barbe grise, 6+6 a
« L'homme est un composéde principes divers, 6+6 b
« L'idée une harmonie,et, quand le corps se brise, 6+6 a
« L'âme, d'après Platon,se mêle à l'univers. 6+6 b
195 « ‒ Par le chien ! Dit Paulus,c'était une sottise 6+6 a
« Qu’Épicurus faisait,de la jeter aux vers !… » 6+6 b
Avant d'aller plus loin,je m'arrête, et pour cause, 6+6 a
Sans régler le trajet,j'ai mis ma barque à flot, 6+6 b
Paulus arrive là,pour le bien de la chose, 6+6 a
200 Mais le bon gt voulaitqu'on le nommât plus tôt ; 6+6 b
Les savants en riront ;quant à moi, je suppose 6+6 a
Qu'il était du festin,puisqu'il y dit son mot. 6+6 b
Il hantait volontiersles soupers sans entraves, 6+6 a
l'esprit, en jouant,se mêle aux choses graves ; 6+6 a
205 Philosophe acéré,convive ingénieux, 6+6 b
C'était lui qu'en son cœurl'édile aimait le mieux 6+6 b
Après un morse noirqu'il nourrissait d'esclaves, 6+6 a
Et Coracoïdès,son bouffon aux gros yeux. 6+6 b
Cela dit, de la fêteécoutons le murmure, 6+6 a
210 Doux bruit que Marciusdu geste et de la voix 6+6 b
Excite tour à touret contient et mesure, 6+6 a
Pareil au vieux Nestor,dans le conseil des rois ; 6+6 b
C'était un hôte aimableet discret par nature, 6+6 a
Qui de l'urbanitésuivait toutes les lois ; 6+6 b
215 Il savait des talentsfaire la différence, 6+6 a
Interrogeant son mondeavec discernement, 6+6 b
Le rhéteur sur les mots,l'histrion sur la danse, 6+6 a
Le stoïque aux pieds nuspour le raisonnement, 6+6 b
Et disait au chasseursurpris de sa science, 6+6 a
220 Le nom des chiens de raceet leur tempérament. 6+6 b
Cependant, roulant l'œilet gonflant sa narine, 6+6 a
L'élève de Platonétalait sa doctrine : 6+6 a
« Tout se divise en trois,dans le monde animé, 6+6 b
« Les dieux supérieursont l'olympe enflammé, 6+6 b
225 « L'homme, empruntant au solsa première origine, 6+6 a
« Cache un souffle divindans le corps enfermé. 6+6 b
« Entre eux sont les démons,sans corps et sans figures, 6+6 a
« De la chne éternelleinvisibles anneaux, 6+6 b
« Ils vont de l'homme aux dieux,fendant les vagues pures 6+6 a
230 « De l'éther, messagersdes biens comme des maux, 6+6 b
« Ils dirigent la foudre,inspirent les augures, 6+6 a
« Et tracent dans le ciella route des oiseaux. 6+6 b
« D'autres, plus près de nous,pénates ou fantômes, 6+6 a
« Protègent la familleet le foyer joyeux, 6+6 b
235 « De là nt le grand ordre,en ce monde nous sommes, 6+6 a
« Et le sage prévoitle but mystérieux… 6+6 b
« ‒ Prévoir, dit Stellio,c'est l'affaire des dieux ! 6+6 b
« ‒ Buvons, dit Marcius,c'est l'affaire des hommes ! 6+6 a
« ‒ Discutons, » dit Paulus ;et, la main droite en l'air, 6+6 a
240 De l'autre il ramenasa tunique. à vrai dire, 6+6 b
Il se peut qu'on empêcheun fleuve de couler, 6+6 a
L'usurier d'aimer l'or,la femme de séduire, 6+6 b
Mon lecteur de bâillerquand il vient de me lire, 6+6 b
Mais on n'empêche pasun rhéteur de parler. 6+6 a
245 Il se leva tout droit,dans une pose antique, 6+6 a
Rejetant ses cheveux,comme un lion d'Afrique 6+6 a
Sa crinière, et la voixmodulée avec art : 6+6 b
« Dans mon sujet, dit-il,je me lance au hasard ; 6+6 b
« Le genre ne veut pasd'exorde magnifique, 6+6 a
250 « J'aurais l'insinuant,s'il n'était pas si tard. 6+6 b
« ‒ Passons ! » dit Marcius,en buvant l'eau glacée 6+6 a
Dans une coupe d'ambreaux perles de corail. 6+6 b
« Il faut, reprit Paulus,disposer mon travail : 6+6 b
« En deux points capitauxla thèse est divisée, 6+6 a
255 « D'abord que la disputeéclaire une pensée, 6+6 a
« Puis que le vieux Platonpèche par maint détail. » 6+6 b
Le philosophe grecdevint bleu de colère, 6+6 a
Il serra ses deux poingsen murmurant tout bas ; 6+6 b
Mais Paulus était loin,Paulus n'entendit pas ; 6+6 b
260 Comme un torrent des montsqui brise sa barrière, 6+6 a
Comme la lave chaudeau sortir du cratère, 6+6 a
Comme la foudre aux cieux,bondissant, à grands pas, 6+6 b
Il allait, il roulaitses effluves sonores, 6+6 a
Jetant à pleines mainslitotes, métaphores, 6+6 a
265 Synecdoche, antiptose,euphémismes polis, 6+6 b
Dilemme au double dard,sorite aux longs replis, 6+6 b
Et tout ce qu'au rhéteurversent de leurs amphores 6+6 a
Le bon gt, la scienceet les mtres vieillis. 6+6 b
Puis il adoucissaitl'hyperbole trop vive 6+6 a
270 Par des preuves sans nombreet des citations : 6+6 b
« Devait-on isolerla force intellective 6+6 a
« Du cliquetis des mots,du choc des passions ? 6+6 b
« Le fucus noir s'attacheà la carène oisive, 6+6 a
« La rouille au fer, le douteà nos opinions… 6+6 b
275 « ‒ Et Platon ? Dit le grec.‒ m'y voici. ‒ point d'ambages ! 6+6 a
« ‒ Je cherchais, dit Paulus,une transition ; 6+6 b
« Et d'abord, je feraicette concession 6+6 b
« Que d'un style sublimeil orna ses ouvrages, 6+6 a
« Mais son esprit rêveurse perd dans les nuages, 6+6 a
280 « Et trop loin de ce mondeemporte la raison. 6+6 b
« Moi, je reste sur terre,et la métempsycose 6+6 a
« Me part quelquefoisune admirable chose ; 6+6 a
« J'aime la vie éparseau sein de l'univers, 6+6 b
« Et l'âme qui s'agiteen ses états divers, 6+6 b
285 « Exhalant ses parfumsdans la fleur demi-close, 6+6 a
« Volant avec l'oiseau,rampant avec les vers. 6+6 b
« Ainsi l'être montantcette échelle mobile, 6+6 a
« De degrés en degrésarrive jusqu'en haut ; 6+6 b
« Mais il reste lui-même,et quel que soit son lot, 6+6 b
290 « Conserve du passéla trace indélébile 6+6 a
« ‒ Vous étiez, dit le grec,un âne ? ‒ et vous un sot ! 6+6 b
« Par Pollux ! ‒ par Hercule !arrêtez, fi l'édile, 6+6 a
« Je respecte Épicureet j'adore Platon ! 6+6 a
« ‒ Que les sages sont fous !» dit une voix flûtée ; 6+6 b
295 Et Coracoïdès,armé d'un long bâton, 6+6 a
Vint tomber au milieude la table agitée : 6+6 b
C'était un nain fort drôle,à la mine effrontée, 6+6 b
Dont le nez comme un beccaressait le menton. 6+6 a
« Ohé ! Ne vidons pasl'étable d’Épicure ! 6+6 a
300 « À quoi bon sur les motssans fin nous quereller ? 6+6 b
« Laissons Platon dormiret le bon vin couler ! 6+6 b
« Je m'embarrasse peudes démons sans figure, 6+6 a
« Et j'estime, à proposdes lois de la nature, 6+6 a
« Que toute la sagesseest de les violer ! 6+6 b
305 « La vie est comme un marbreà l'écorce rugueuse, 6+6 a
« Le sage est le sculpteurqui taille l'univers, 6+6 b
« Il caresse le blocsous sa main amoureuse, 6+6 a
« Il façonne, il polit,en mille endroits divers ; 6+6 b
« Et la forme s'asseoitsur la pierre anguleuse, 6+6 a
310 « Comme Vénus la blonde,au dos houleux des mers ! 6+6 b
« ‒ Fort beau ! Fit Marcius.‒ pour couper ma tirade 6+6 a
« Je veux ta bague d'or,dit le nain en courroux. 6+6 b
« ‒ Prends ! ‒ je l'ai ! Maintenant, donc en étions-nous ? 6+6 b
« Je vous disais, je crois,que la nature est fade ; 6+6 a
315 « Pour que la perle éclose,il faut l'huître malade, 6+6 a
« Et l'arbre mutilépour que les fruits soient doux ! 6+6 b
« Je suis le fruit, je suisla perle ! La nature 6+6 a
« Avait l'intentionde me former géant, 6+6 b
« Elle faisait son coupet j'allais m'allongeant. 6+6 b
320 « C'est l'art qui m'a sauvéd'une telle envergure, 6+6 a
« Et si je suis mignond'esprit et de tournure, 6+6 a
« C'est qu'en un moule étroiton me mit tout enfant : 6+6 b
« Je suis le nain joyeuxqui danse sur les roses, 6+6 a
« J'aime le vin de Crèteet les faisans rôtis ; 6+6 b
325 « Si le bon Marciusn't arrangé les choses, 6+6 a
« J'étais un fort bel homme,et mangeais des pois frits ! » 6+6 b
Puis le drôle en parlantprenait de telles poses 6+6 a
Que tous les conviésse tordaient sur leurs lits. 6+6 b
Il tendait fièrementsa jambe de pygmée, 6+6 a
330 Il balançait la tête,en clignotant des yeux, 6+6 b
Et l'on applaudissait,et de l'urne embaumée 6+6 a
L'esclave, à larges flots,versait les vins mielleux, 6+6 b
Et les doctes soupeursà la face animée, 6+6 a
La patère à la main,buvaient comme des dieux. 6+6 b
335 Or, tandis qu'alentourchacun faisait merveille, 6+6 a
Jusqu'au lit du rhéteur,le bouffon se glissa, 6+6 b
Furtif et l'œil au guet ;puis tout bas, à l'oreille : 6+6 a
« Dans les jardins, dit-il,j'ai laissé Marcia, 6+6 b
« Pars vite, sans qu'un douteà la table s'éveille !… » 6+6 a
340 Entre Paulus et luila chose se passa ; 6+6 b
Puis le nain glapissantd'une façon bizarre, 6+6 a
De tous les animauxsut imiter la voix, 6+6 b
Le bêlement fêléde la chèvre aux abois ‒ 6+6 b
Le grognement du porc ‒l'âne avec sa fanfare 6+6 a
345 La mouche qui bruit ‒le matou qui s'effare 6+6 a
La chouette aux yeux vertsqui pleure dans les bois. 6+6 b
Le rhéteur profitade cette conjoncture, 6+6 a
Et du tricliniumse retira sans bruit ; 6+6 b
Le clepshydre de verre, le temps se mesure, 6+6 a
350 Dans l'ombre, goutte à goutte,avait versé minuit, 6+6 b
De façon que Paulus,par l'avenue obscure, 6+6 a
Ne vit pas Stellioqui rampait après lui. 6+6 b
Il nous faut maintenantdéplacer cette histoire, 6+6 a
Notre héros se pousseà de nouveaux destins ; 6+6 b
355 Adieu la lyre grecqueaux accords argentins ! 6+6 b
Adieu les paons trufféssur les tables d'ivoire ! 6+6 a
Ô muse paresseuse,amante des festins, 6+6 b
Il est un temps d'agir,ainsi qu'un temps de boire ! 6+6 a
Dépose ton sourireet tes bandeaux de fleurs ; 6+6 a
360 L'action ! L'action !Bondissante et rapide ! 6+6 b
‒ Pourtant on soupe encor,la coupe n'est pas vide, 6+6 b
Le banquet nage au seindes suaves odeurs ; 6+6 a
Laissons courir Paulus son amour le guide, 6+6 b
Puisqu'on est bien ici,pourquoi chercher ailleurs ? 6+6 a
365 ‒ L'amour, me direz-vous,est chose délectable ; 6+6 a
Mais un repas d'édilea bien son beau côté ; 6+6 b
Épicure, le soir,trouve l'amour blâmable 6+6 a
Et déduit ses raisonsavec sagacité. 6+6 b
Ô doutes de mon cœur !Lutte ! Perplexité ! 6+6 b
370 Faut-il suivre Paulus ?‒ faut-il rester à table ? 6+6 a
Les cailles, pour combattre,ont déjà pris l'essor, 6+6 a
L'esclave les agaceet du doigt les attire 6+6 b
Restons ! L'histrion nuva danser la satyre ; 6+6 b
Pour fuir en pareil casPaulus est jeune encor ! 6+6 a
375 Quand est-il bon d'aimer ?‒ quand tu veux être pire ! 6+6 b
C'est le mot de Thalès,et je l'approuve fort. 6+6 a
À quelque extrémitéque mon héros m'entrne, 6+6 a
Je jure par les dieuxque je cède à regret ; 6+6 b
Paulus, dans les jardins,marche d'un pied discret, 6+6 b
380 La brise, autour de lui,souffle sa tiède haleine, 6+6 a
Tandis qu'au bord des cieuxla lune se promène 6+6 a
Pâle, et dans les rameauxse montre et dispart. 6+6 b
Sous les myrtes courbésen arcades superbes, 6+6 a
Les jets d'eau frémissantsmontent comme des gerbes ; 6+6 a
385 Le lierre, en noirs festons,pend aux vases sculptés, 6+6 b
Et les pas du rhéteur,par l'écho répétés, 6+6 b
Font lever en criant,parmi les hautes herbes, 6+6 a
De beaux oiseaux, de pourpreet d'azur tachetés. 6+6 b
Les clameurs du banquetarrivent presque éteintes ; 6+6 a
390 Il va. De doux parfumstombent des térébinthes 6+6 a
Et l'on entend au loin,mystérieux accord, 6+6 b
Respirer lentementla nature qui dort. 6+6 b
C'est l'heure , succombantà de molles étreintes, 6+6 a
Diane, aux buissons verts,suspend son carquois d'or ; 6+6 b
395 C'est l'heure des baisers,sous le feuillage humide, 6+6 a
Les dieux aux pieds de boucs'éveillent dans les bois. 6+6 b
Paulus s'est arrêté,son cœur bat ; une voix 6+6 b
L'appelle par son nom,caressante et timide 6+6 a
Il regarde et, dans l'ombre,une blanche chlamyde 6+6 a
400 Se glisse, en ondulant,par les sentiers étroits. 6+6 b
Le rhéteur aussitôtcomposa sa tournure, 6+6 a
Et, jusque sous les bras,remontant sa ceinture : 6+6 a
« Heureux, s'écria-t-il,l'homme ici-bas jeté, 6+6 b
« Qui sut gagner l'amourd'une divinité ! 6+6 b
405 « Quelque chose de grandse mêle à sa nature, 6+6 a
« Le temple au serviteurprête sa majesté ! 6+6 b
« ‒ Ami, tu le sais bien,je ne suis pas déesse, 6+6 a
« Reprit la douce voixaux sons harmonieux, 6+6 b
« Tant de trouble sied-ilaux habitants des cieux ? 6+6 b
410 « Je ne suis qu'une femmeet j'en ai la faiblesse ! 6+6 a
« Un mot me fait pâlir,un seul regard me blesse, 6+6 a
« Ami, tu le sais bien,quand il part de tes yeux ! » 6+6 b
Et des mains écartantun beau rosier punique, 6+6 a
Marcia vint bondirà côté du rhéteur ; 6+6 b
415 Son œil aux cils d'ébèneétincelait d'ardeur. 6+6 b
Le vent des nuits claquaitdans sa longue tunique. 6+6 a
Je songe qu'il est tempsd'avertir le lecteur 6+6 b
Que du vieux Marciusc'était la fille unique : 6+6 a
Elle avait au bras gaucheun bracelet d'argent, 6+6 a
420 Sa brune chevelure,à des rubans tressée, 6+6 b
Blondissait vers le bout,sa poitrine oppressée 6+6 b
Soulevait dans ses bondsle strophium changeant ; 6+6 a
Et la bottine rouge,à pointe retroussée, 6+6 b
D'un croissant d'émeraudeornait son pied charmant. 6+6 a
425 Phébé, du fond des cieux,donnait en plein sur elle : 6+6 a
« Marcia, dit Paulus,en lui baisant les mains, 6+6 b
« Les dieux se sont trompésen te faisant si belle, 6+6 a
« Puisqu'ils te laissent vivreau milieu des humains ! » 6+6 b
Et roulant dans ses doigtsle collier qui ruisselle, 6+6 a
430 De la gorge pudiqueil cherchait les chemins. 6+6 b
Il allait, indécis,de merveille en merveille, 6+6 a
S'enivrant aux parfumsqu'exhalaient ses cheveux, 6+6 b
Frôlant les fins tissus,et promenant ses yeux 6+6 b
De la simarre blancheà la toge vermeille, 6+6 a
435 Puis faisait, en jouant,sur son cou gracieux 6+6 b
Sonner les bleus saphirsde ses pendants d'oreilles. 6+6 a
« Verse, sur ton beau sein,des perles et de l'or ! 6+6 a
« Marcia ! Marcia !Garde ces riches voiles 6+6 b
« Que prendrait Arachnépour une de ses toiles ! 6+6 b
440 « Le luxe à ta beauténe saurait faire tort, 6+6 a
« Uranus, à ton front,suspendrait ses étoiles, 6+6 b
« Que tes yeux en éclatles passeraient encor ! » 6+6 a
Marcia l'écoutaitrieuse et confiante : 6+6 a
« Paulus, quand je te vispour la première fois, 6+6 b
445 « Ce n'était point ainsi,dans le calme des bois, 6+6 b
« C'était sur le forum ;ta parole puissante 6+6 a
« Remuait à longs flotsla foule frémissante, 6+6 a
« Et je battais des mains,suspendue à ta voix ! 6+6 b
« Un pouvoir inconnum'enchnait sur la place, 6+6 a
450 « Avide, je buvaista parole qui passe, 6+6 a
« Et, contemplant au lointout ce peuple arrêté, 6+6 b
« Je rêvais le triomphe,assise à ton côté ! 6+6 b
« Puis je te voulais seul,à l'ombre, face à face, 6+6 a
« Cachant dans mon amourta popularité ! 6+6 b
455 « Car il me faut, vois-tu,pour que mon cœur chancelle, 6+6 a
« Celui qu'un peuple adoreet qu'il montre du doigt ! 6+6 b
« L'homme qu'on applauditet qui, bien mieux qu'un roi, 6+6 b
« De toutes les beautéspeut choisir la plus belle ! » 6+6 a
Elle étreignit Paulusen palpitant d'émoi ; 6+6 b
460 « D'ailleurs, je t'aime encorpour tes grands yeux, » dit-elle. 6+6 a
Pâle et le sein brûlantd'ardente volupté, 6+6 a
Paulus, autour de lui,sonda les noirs feuillages ; 6+6 b
Le jardin frissonnaitmollement agité, 6+6 a
Les étoiles sans bruitglissaient dans les nuages… 6+6 b
465 Ô dogmes vertueux !ô préceptes des sages ! 6+6 b
Vous n'avez pas prévules brises de l'été ! 6+6 a
Ils sont là tous les deux,sous la vte étoilée, 6+6 a
Leurs regards dans la nuitse cherchent, leurs cheveux 6+6 b
Se mêlent dans le vent ;ainsi qu'au bord des cieux 6+6 b
470 Deux arbres l'un vers l'autreinclinant leur feuillée, 6+6 a
Ou comme deux oiseaux,voyageurs amoureux, 6+6 b
Qui se touchent de l'aile,en prenant leur volée ! 6+6 a
Mais… un murmure au loins'élève par instants. 6+6 a
Le rhéteur inquietpresse la jeune fille 6+6 b
475 Là-bas !… dans le cheminsous les rameaux flottants, 6+6 a
Un bruit de pas résonne,une lumière brille 6+6 b
Qui vint à point nommésurprendre nos amants ? 6+6 a
Ce fut ‒ ah ! Quel tableau !‒ le père de famille ! 6+6 b
Marcius écumantapparut devant eux, 6+6 a
480 Un esclave à côtél'éclairait immobile : 6+6 b
« Par le Styx ! S'écriale père furieux, 6+6 a
« Trtre ! Pendard ! Voleur !outrage indélébile !… 6+6 b
« Chez moi… dans ma maisonla fille d'un édile !… 6+6 b
« Un histrion pour elle !ô sang de mes aïeux ! » 6+6 a
485 Le vieux patricienfrappait du pied la terre ; 6+6 a
Il soufflait comme un phoque,il se mordait les doigts, 6+6 b
Haletant, hérissé,terrible ; la colère 6+6 a
Lui montait à la gorgeet lui coupait la voix ; 6+6 b
Puis, quand il put parler,ce fut comme un cratère, 6+6 a
490 Tout ensemble éclata,tout partit à la fois ! 6+6 b
Les conviés, la faceencore épanouie, 6+6 a
Accourent en tumulteà ce rugissement ; 6+6 b
Sondant avec terreursa disgrâce inouïe, 6+6 a
Paulus est devant eux,sans voix, sans mouvement ; 6+6 b
495 Marcia, je suppose,était évanouie, 6+6 a
C'est ce qui reste à faireen un pareil moment. 6+6 b
« Je vous prends pour témoins !On m'insulte, on m'outrage ! » 6+6 a
Et Marcius, tournantcomme un loup dans sa cage, 6+6 a
Allait de l'un à l'autre.» oh ! Le crime est flagrant ; 6+6 b
500 « On boit mon vin de Crète,et, pour dessert, on prend 6+6 b
« Ma fille ! Et l'on se ritdu bonhomme, je gage, 6+6 a
« Qui chante fleurs en tête,et soupe en conquérant !… 6+6 b
« Tu ne m'attendais pas,infâme, à cette fête ! 6+6 a
« Plus d'excuse à présent,plus de mots superflus, 6+6 b
505 « Je te tiens ! » dit l'édile,en marchant sur Paulus. 6+6 b
Mais ses bras étendusretombèrent, sa tête 6+6 a
S'injecta ; car Paulus,pendant cette tempête, 6+6 a
Avait pris les devantset ne l'écoutait plus. 6+6 b
Nous l'avons dit déjà :c'était un homme habile ; 6+6 a
510 Outre son éloquence,il franchissait les murs 6+6 b
D'un bond, comme Rémus,quand il fondait sa ville. 6+6 a
L'ombre le protégeales nuages obscurs 6+6 b
Sont à Vénus ‒ qu'un dieule sauve ! Car l'édile 6+6 a
Cherche, pour l'arrêter,les moyens les plus sûrs. 6+6 b
515 « Au mur ! Courez au mur !Il n'est pas loin encore, 6+6 a
« Qu'on le prenne ! Au voleur !Mes esclaves ! Mes chiens ! 6+6 b
« Mes convives, holà !C'est vous qu'on déshonore, 6+6 a
« Quand on touche à votre hôte,ô mes dignes soutiens ! 6+6 b
« Des torches ! Mais partez !La rage me dévore !… 6+6 a
520 « Par Bacchus ! Qu'attend-on ?Seriez-vous pas des siens ? » 6+6 b
La foule, en un moment,dans l'ombre s'éparpille ; 6+6 a
On se hâte ; on se heurte ;on se roule en criant ; 6+6 b
Le bruit des pas ‒ la voixdu père de famille, 6+6 a
C'est une scène étrangeun vacarme effrayant ! 6+6 b
525 D'esclaves effaréstout le jardin fourmille, 6+6 a
Et les rouges flambeauxse croisent en fuyant ! 6+6 b
« Le voici ! ‒ non ! ‒ plus loin !‒ c'est Chrysale ! ‒ c'est Dave 6+6 a
« ‒ Finirez-vous ? » hurlal'édile frémissant ; 6+6 b
Il eut beau s'emporter,Paulus était absent ‒ 6+6 b
530 Sa colère dès lorsne connut plus d'entrave, 6+6 a
Il saisit un épieu,sur le sable gisant : 6+6 b
« Je suis trompé, dit-il,et je vois qu'on me brave ! 6+6 a
« Mais je me vengeraide toute la maison ; 6+6 a
« La croix à ces valetsqui trahissent le mtre ! 6+6 b
535 « Les tenailles de fer !Le feu ! La question ! 6+6 a
« S'il en est un de vousque je rencontre ! Ah ! Trtre, 6+6 b
« Ah ! Furcifer, tu vasapprendre à me conntre !… » 6+6 b
Et soudain au discoursil joignit l'action. 6+6 a
Un esclave tomba,les yeux sanglants, la tête 6+6 a
540 Ouverte. Marciusbondissait furieux, 6+6 b
Frappant de droite à gauche,et parcourant les lieux 6+6 b
Au hasard ! La dérouteen somme fut complète ; 6+6 a
Je reconnais pourtant,véridique poëte, 6+6 a
Qu'il en blessa beaucoup ‒mais n'en tua que deux ! 6+6 b
545 Comment on l'entrna,ce n'est point notre affaire ; 6+6 a
La nuit reprit son calmeet sa sérénité, 6+6 b
Et la lune entourade son voile argenté 6+6 b
Les deux cadavres froids,étendus sur la terre : 6+6 a
« Dormez ! » dit le bouffon,sortant avec mystère 6+6 a
550 D'un bosquet , par crainte,il s'était arrêté : 6+6 b
« Dormez ! La nuit est belleet la brise embaumée ! 6+6 a
« Un bon lit vous attend,sur le mont Esquilin ! 6+6 b
« Vous ne porterez plusla chne accoutumée, 6+6 a
« Vous ne tournerez plusla meule du moulin ! 6+6 b
555 « À toutes vos douleursla barrière est fermée, 6+6 a
« Citoyens de la tombe,affranchis du destin ! » 6+6 b
Après ce beau discours,le nain tourna la tête, 6+6 a
Sans plus se soucierdu fatum inconstant ; 6+6 b
Il sortit du jardin ;nous en ferons autant ; 6+6 b
560 Ma muse, abeille folle,à tout buisson s'arrête ; 6+6 a
Mais du sort de Paulusle lecteur s'inquiète, 6+6 a
Et son salut, pour nous,est le point important. 6+6 b
Quand Paulus eut touchéle haut de la muraille, 6+6 a
Il vit, ou pensa voir,dans l'ombre, à quelques pas, 6+6 b
565 Deux formes s'agiter,qu'il ne reconnut pas. 6+6 b
Déjà derrière luigrouillait la valetaille, 6+6 a
‒ La place n'était pointde celles l'on bâille, 6+6 a
Et, s'accrochant aux mains,il atteignit le bas. 6+6 b
Comme il s'applaudissaitde sa vigueur agile, 6+6 a
570 Un cri léger partitdans le chemin obscur ; 6+6 b
Notre homme, en s'effaçant,rampa le long du mur, 6+6 b
Et, sans se retourner,courut jusqu'à la ville ; 6+6 a
Car le bon Marcius,comme un honnête édile, 6+6 a
Avait, pour le temps chaud,sa villa de Tibur. 6+6 b
575 Or, le groupe inconnuqui s'agitait dans l'ombre 6+6 a
Se composait d'un hommeau corps sec, au front bas, 6+6 b
Qu'on voyait en parlantremuer ses grands bras ; 6+6 b
Puis d'une jeune femme,à la tunique sombre, 6+6 a
Dont l'œil, comme un éclair,lançait des feux sans nombre, 6+6 a
580 Quand le vent apportaitle bruit lointain des pas. 6+6 b
Ses longs regards suivaientla route Tiburtine : 6+6 a
« Stellio, prends ton or ;il triomphe aujourd'hui ! 6+6 b
« Je n'ai pas vu ses traits,mais je sens que c'est lui, 6+6 b
« Dit-elle, aux battementsqui brisent ma poitrine ! 6+6 a
585 « Stellio, prends ton or !Et que nul ne devine 6+6 a
« D' l'orage est venuqui gronda cette nuit ! » 6+6 b
Le parasite au bondsaisit la récompense, 6+6 a
Jura d'être discretet s'éloigna soudain ; 6+6 b
Gaiement les pièces d'orlui sonnaient dans la main. 6+6 b
590 Melænis à l'écartse tenait en silence ; 6+6 a
Chacun, sans qu'on la nomme,t reconnu, je pense, 6+6 a
Celle qu'un soir Paulustrouva sur son chemin ; 6+6 b
La fille qui logeaitaux bouges de Suburre, 6+6 a
Et, par les nuits d'été,chantait aux carrefours ; 6+6 b
595 Pâle, elle frémissait,puis levant ses yeux lourds 6+6 b
Au ciel : « je laveraicette mortelle injure ! 6+6 a
« Paulus, tu peux aller,souriant et parjure, 6+6 a
« Je te suivrai partout,je t'atteindrai toujours ! 6+6 b
« Je te suivrai si près,qu'en marchant, mon haleine 6+6 a
600 « Ira dans tes cheveux,de parfums ruisselants, 6+6 b
« Toujours derrière toi,par la ville ou la plaine, 6+6 a
« Mon pas retentira ;mes yeux étincelants 6+6 b
« Te verront dans la nuit,ô Paulus ; et ma haine 6+6 a
« Étreindra ta jeunesse,en ses réseaux brûlants ! 6+6 b
605 « Comme la tombe aux mortsje te serai fidèle ! 6+6 a
« Je suis à toi ! Je suiston génie envieux ; 6+6 b
« Je ne te cherchais pas,quand tu vins, curieux, 6+6 b
« Me trouver dans cette ombre mon passé m'appelle 6+6 a
« Je dansais dans la rue,insouciante et belle, 6+6 a
610 « Et j'avais, chaque soir,des fleurs dans mes cheveux ! 6+6 b
« Comme un ruisseau chantantqui court par les prairies, 6+6 a
« Mon cœur se répandaiten ses bonds incertains ; 6+6 b
« Regarde, maintenant,j'ai mes lèvres flétries, 6+6 a
« Mon visage a pâli,mes yeux se sont éteints, 6+6 b
615 « Et tu jurais d'aimer,à ces heures chéries 6+6 a
« pour un seul baiserj'ai livré mes destins ! 6+6 b
« Ah ! Ah ! Tu croyais doncm'échapper ? Cette idée 6+6 a
« Te vint de me laisser,ton désir assouvi, 6+6 b
« Comme on jette aux bouffonsune coupe vidée, 6+6 a
620 « Comme on brise un hochetaprès qu'il a servi ! 6+6 b
« La chose, par Hercule !était bien décidée ! 6+6 a
« Et peut-être, en effet,que la matrone a ri !… 6+6 b
« Insensés ! J'étais là,seule, dans l'ombre obscure, 6+6 a
« Je comptais vos soupirset vos joyeux serments ; 6+6 b
625 « Le piège était tout prêt,j'attendis sans murmure, 6+6 a
« La trahison veillaitsur vos embrassements ; 6+6 b
« J'ai ramassé cet oraux fanges de Suburre ; 6+6 a
« J'avais la haine au cœur,et j'ai dansé longtemps ! 6+6 b
« Maintenant, tout reposeau loin dans les campagnes ; 6+6 a
630 « La louve aux yeux brillantsse cache au fond des bois ; 6+6 b
« Les grands pins chevelustremblent sur les montagnes ; 6+6 a
« Des oiseaux bigarréson n'entend plus la voix : 6+6 b
« Ô nuit au front d'ébène !Et vous, blanches compagnes, 6+6 a
« Étoiles qui roulezpar d'éternelles lois !… 6+6 b
635 « Flots du lac stygien,puissances solitaires, 6+6 a
« Mânes qui vous levezla nuit sur les tombeaux ! 6+6 b
« Qu'il soit comme une proieà mes longues colères, 6+6 a
« Et qu'il paye à l'amourses dédains et mes maux ; 6+6 b
« Pareil à ce chanteurqui troubla les mystères, 6+6 a
640 « Et dont l’Hébrus neigeuxa reçu les lambeaux ! 6+6 b
mètre profils métriques : 7, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université