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Pétrus BOREL
Rapsodies
1832
RAPSODIES
La Corse
À NAPOLÉON THOM, peintre.
C'est tout simplement un peintre, Monseigneur, qui
se nomme Romano, qui vit de larcins faits à la nature,
qui n'a d'autres armoiries que ses pinceaux…
SCHILLER, Fiesque, act. II.
Le maëstral soufflait : la voûte purpurine 6+6 a
Brillait de mille feux comme une aventurine ; 6+6 a
Sur le bord expirait le chant des gondoliers ; 6+6 b
Un silence de mort planait sur ces campagnes. 6+6 c
5 Parfois, on entendait bien loin, dans les montagnes, 6+6 c
Les sifflements des bandouliers. 8 b
La mer était houleuse ; et la vague plaintive 6+6 a
Se berçait, et rampait, et saluait la rive, 6+6 a
Comme ces flots de rois, tous abreuvés de fiel, 6+6 b
10 Saluaient le soldat fils de ce roc sauvage. 6+6 c
— Un barde aurait pu dire au repos de la plage : 6+6 c
Que la terre écoutait le ciel ! 8 b
L'horizon s'appuyait sur l'immense muraille 6+6 a
De colline, de mont, de rocher, de rocaille, 6+6 a
15 Qui sur la Corse au loin s'étend comme un géant, 6+6 b
Depuis Bonifacio veillant sur la Sardaigne 6+6 c
Jusques à la Bastia qui dans la mer se baigne, 6+6 c
Et lève aux cieux un front d'argent. 8 b
Tout dormait, se taisait : assis sur une pierre, 6+6 a
20 Auprès du seuil étroit de sa basse chaumière, 6+6 a
Un vigoureux chasseur, Viterbi le vieillard, 6+6 b
Homme doux dont le bras ne poignarda personne 6+6 c
Et dont la chevelure en blanchissant rayonne 6+6 c
Sous son bonnet de montagnard. 8 b
25 Avant d'entrer au lit, en ce lieu solitaire, 6+6 a
Courbé sur son mousquet, les yeux fichés eu terre, 6+6 a
Il aspirait du soir l'air pur vivifiant ; 6+6 b
Quand un éclair lointain jetait su large flamme, 6+6 c
Comme un enfant à Dieu recommandant son âme, 6+6 c
30 Il signait son front suppliant. 8 b
Tout à coup, il entend, se lève, écoute encore : 6+6 a
C'était un bruit de pas sur le chemin sonore. 6+6 a
— Qui vive ! garde à vous ! répondez ! — Un Français ! 6+6 b
Un ami ! — Malheureux ! si tard en cette gorge, 6+6 c
35 Sans armes ! l'étranger, veux-tu que l'on t'égorge ? 6+6 c
Est-ce la mort que tu cherchais ? — ! 8 b
— Je suis un jeune peintre, et, sans inquiétude, 6+6 a
Je revenais du val où je fais une étude ; 6+6 a
Signer, je suis Français et non point étranger, 6+6 b
40 Je revenais sans peur ; la nuit rien ne m'arrête ; 6+6 c
Portant sous mon manteau pour tout bien ma palette, 6+6 c
Mon escarcelle est sans danger ! — ! 8 b
— Sais-tu bien que le Corse a soif de la vengeance, 6+6 a
Et non pas soif de l'or ? Malheur à qui l'offense ! 6+6 a
45 Si ta mort est jurée, il comptera tes pas ; 6+6 b
S'il le faut dans les bois, ainsi qu'une hyène, 6+6 c
Un mois il attendra que sa victime vienne 6+6 c
Pour se ruer sur son trépas. 8 b
Puisque sans armes, seul, par cette route sombre 6+6 a
50 Tu marches, chante au moins, car peut-être dans l'ombre 6+6 a
Tu pourrais pour un autre être pris des brigands ; 6+6 b
Marche enchantant ces airs que mon âme aguerrie 6+6 c
A ton âge aimait tant, ces airs de ta patrie, 6+6 c
Hymnes funèbres des tyrans ? — ! 8 b
55 Jeune, on ne saurait craindre, on rit de la prudence ; 6+6 a
Les avis d'un vieillard sont traités de démence : 6+6 a
Le cœur bouillant de vie est si peu soucieux ! 6+6 b
Aussi ce jeune peintre, à ce que l'on raconte, 6+6 c
En souriait tout bas, n'en tenant aucun compte, 6+6 c
60 Et s'éloigna silencieux. 8 b
Mais tout près d'Oletta sa peur est éveillée : 6+6 a
Il entend quelque bruit. C'est, dit-il, la feuillée. 6+6 a
Mais une lame a lui parmi les oliviers ?… 6+6 b
Suis-je enfant de trembler ! c'est un follet qui passe, 6+6 c
65 Et ce long frôlement, et ce bruit de voix basse, 6+6 c
C'est le murmure des viviers. — ! 8 b
A peine replongé dans quelque rêverie, 6+6 a
Il tomba sous le plomb d'une mousqueterie. 6+6 a
A son cri déchirant répond un rire affreux ; 6+6 b
70 Puis un homme accouru l'achève avec furie. 6+6 a
Enfer ! qu'ai-je donc fait ? je me trompe de vie ! 6+6 a
Ce n'est pas Viterbi le vieux ! — ! 8 b
La rage dans le cœur, il brise son épée, 6+6 a
Et disparaît soudain sous la roche escarpée 6+6 a
75 Le passant matinal ne vit le lendemain, 6+6 b
Qu'un manteau teint de sang, des lambeaux de peinture, 6+6 c
Des ossements rongés, effroyable pâture ! 6+6 c
Un crâne épars sur le chemin. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite périodique
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