Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BOI_2/BOI13
Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX
SATIRES
1666-1716
SATIRE XII
Du langage français bizarre hermaphrodite, 6+6 a
De quel genre te faire, Équivoque maudite, 6+6 a
Ou maudit ? car, sans peine, aux rimeurs hasardeux, 6+6 b
L'usage encor, je crois, laisse le choix des deux. 6+6 b
5 Tu ne me réponds rien ? Sors d'ici, fourbe insigne, 6+6 a
Mâle aussi dangereux que femelle maligne, 6+6 a
Qui crois rendre innocents les discours imposteurs ; 6+6 b
Tourment des écrivains, juste effroi des lecteurs ; 6+6 b
Par qui de mots confus sans cesse embarrassée 6+6 a
10 Ma plume, en écrivant, cherche en vain ma pensée ; 6+6 a
Laisse-moi, va charmer de tes vains agréments 6+6 b
Les yeux faux et gâtés de tes louches amants, 6+6 b
Et ne viens point ici, de ton ombre grossière 6+6 a
Envelopper mon style, ami de la lumière. 6+6 a
15 Tu sais bien que jamais chez toi, dans mes discours, 6+6 b
Je n'ai d'un faux brillant emprunté le secours. 6+6 b
Fuis donc Mais non ; demeure : un démon qui m'inspire 6+6 a
Veut qu'encore une utile et dernière Satire, 6+6 a
De ce pas en mon livre exprimant tes noirceurs, 6+6 b
20 Se vienne, en nombre pair, joindre à ses onze sœurs, 6+6 b
Et je sens que ta vue échauffe mon audace. 6+6 a
Viens, approche : voyons, malgré l'âge et sa glace, 6+6 a
Si ma Muse, aujourd'hui sortant de sa langueur, 6+6 b
Pourra trouver encore un reste de vigueur. 6+6 b
25 Mais où tend, dira-t-on, ce projet fantastique ? 6+6 a
Ne vaudrait-il pas mieux dans mes vers, moins caustique, 6+6 a
Répandre de tes jeux le sel divertissant, 6+6 b
Que d'aller contre toi, sur ce ton menaçant, 6+6 b
Pousser jusqu'à l'excès ma critique boutade ? 6+6 a
30 Je ferais mieux, j'entends, d'imiter Benserade : 6+6 a
C'est par lui qu'autrefois, mise en ton plus beau jour, 6+6 b
Tu sus, trompant les yeux du peuple et de la cour, 6+6 b
Leur faire, à la faveur de tes bluettes folles, 6+6 a
Gter comme bons mots tes quolibets frivoles. 6+6 a
35 Mais, ce n'est plus le temps : le public détrom 6+6 b
D'un pareil enjouement ne se sent plus frappé. 6+6 b
Tes bons mots, autrefois délices des ruelles, 6+6 a
Approuvés chez les grands, applaudis chez les belles, 6+6 a
Hors de mode aujourd'hui chez nos plus froids badins, 6+6 b
40 Sont des collets-montés et des vertugadins. 6+6 b
Le lecteur ne sait plus admirer dans Voiture 6+6 a
De ton froid jeu de mots l'insipide figure : 6+6 a
C'est à regret qu'on voit cet auteur si charmant, 6+6 b
Et pour mille beaux traits vanté si justement, 6+6 b
45 Chez toi toujours cherchant quelque finesse aiguë, 6+6 a
Présenter au lecteur sa pensée ambiguë, 6+6 a
Et souvent, du faux sens d'un proverbe affecté, 6+6 b
Faire de son discours la piquante beauté. 6+6 b
Mais, laissons là le tort qu'à ces brillants ouvrages 6+6 a
50 Fit le plat agrément de tes vains badinages. 6+6 a
Parlons des maux sans fin que ton sens de travers, 6+6 b
Source de toute erreur, sema dans l'univers. 6+6 b
Et, pour les contempler jusque dans leur naissance, 6+6 a
Dès le temps nouveau-né, quand la Toute-Puissance 6+6 a
55 D'un mot forma le ciel, l'air, la terre et les flots, 6+6 b
N'est-ce pas toi, voyant le monde à peine éclos, 6+6 b
Qui, par l'éclat trompeur d'une funeste pomme, 6+6 a
Et tes mots ambigus, fis croire au premier homme 6+6 a
Qu'il allait, en gtant de ce morceau fatal, 6+6 b
60 Comblé de tout savoir, à Dieu se rendre égal ? 6+6 b
Il en fit sur-le-champ la folle expérience. 6+6 a
Mais tout ce qu'il acquit de nouvelle science 6+6 a
Fut que, triste et honteux de voir sa nudité, 6+6 b
Il sut qu'il n'était plus, grâce à sa vanité, 6+6 b
65 Qu'un chétif animal pétri d'un peu de terre, 6+6 a
A qui la faim, la soif, partout faisaient la guerre ; 6+6 a
Et qui, courant toujours de malheur en malheur, 6+6 b
A la mort arrivait enfin par la douleur. 6+6 b
Oui, de tes noirs complots et de ta triste rage 6+6 a
70 Le genre humain perdu fut le premier ouvrage ; 6+6 a
Et bien que l'homme alors parût si rabaissé, 6+6 b
Par toi, contre le Ciel, un orgueil insen 6+6 b
Armant de ses neveux la gigantesque engeance, 6+6 a
Dieu résolut enfin, terrible en sa vengeance, 6+6 a
75 D'abîmer sous les eaux tous ces audacieux. 6+6 b
Mais, avant qu'il lâchât les écluses des cieux, 6+6 b
Par un fils de Noé fatalement sauvée, 6+6 a
Tu fus, comme serpent, dans l'arche conservée ; 6+6 a
Et d'abord, poursuivant tes projets suspendus, 6+6 b
80 Chez les mortels restants, encor tout éperdus, 6+6 b
De nouveau tu semas tes captieux mensonges, 6+6 a
Et remplis leurs esprits de fables et de songes. 6+6 a
Tes voiles offusquant leurs yeux de toutes parts, 6+6 b
Dieu disparut lui-même à leurs troubles regards. 6+6 b
85 Alors, ce ne fut plus que stupide ignorance, 6+6 a
Qu'impiété sans borne en son extravagance ; 6+6 a
Puis, de cent dogmes faux, la superstition 6+6 b
Répandant l'idolâtre et folle illusion 6+6 b
Sur la terre en tout lieu disposée à les suivre, 6+6 a
90 L'art se tailla des dieux d'or, d'argent, et de cuivre ; 6+6 a
Et l'artisan lui-même, humblement prosterné 6+6 b
Aux pieds du vain métal par sa main façonné, 6+6 b
Lui demanda les biens, la santé, la sagesse. 6+6 a
Le monde fut rempli de Dieux de toute espèce : 6+6 a
95 On vit le peuple fou qui du Nil boit les eaux 6+6 b
Adorer les serpents, les poissons, les oiseaux ; 6+6 b
Aux chiens, aux chats, aux boucs offrir des sacrifices ; 6+6 a
Conjurer l'ail, l'oignon, d'être à ses vœux propices ; 6+6 a
Et croire follement maîtres de ses destins 6+6 b
100 Ces Dieux nés du fumier porté dans ses jardins. 6+6 b
Bientôt, te signalant par mille faux miracles, 6+6 a
Ce fut toi qui partout fis parler les oracles ; 6+6 a
C'est par ton double sens dans leurs discours je 6+6 b
Qu'ils surent, en mentant, dire la vérité ; 6+6 b
105 Et sans crainte, rendant leurs réponses normandes, 6+6 a
Des peuples et des rois engloutir les offrandes. 6+6 a
Ainsi, loin du vrai jour par toi toujours conduit, 6+6 b
L'homme ne sortit plus de son épaisse nuit. 6+6 b
Pour mieux tromper ses yeux, ton adroit artifice 6+6 a
110 Fit à chaque vertu prendre le nom d'un vice ; 6+6 a
Et par toi, de splendeur faussement revêtu, 6+6 b
Chaque vice emprunta le nom d'une vertu. 6+6 b
Par toi l'humili devint une bassesse ; 6+6 a
La candeur se nomma grossièreté, rudesse ; 6+6 a
115 Au contraire, l'aveugle et folle ambition 6+6 b
S'appela des grands cœurs la belle passion ; 6+6 b
Du nom de fierté noble on orna l'impudence ; 6+6 a
Et la fourbe passa pour exquise prudence ; 6+6 a
L'audace brilla seule aux yeux de l'univers ; 6+6 b
120 Et pour vraiment héros, chez les hommes pervers, 6+6 b
On ne reconnut plus qu'usurpateurs iniques, 6+6 a
Que tyranniques rois censés grands politiques, 6+6 a
Qu'infâmes scélérats à la gloire aspirants, 6+6 b
Et voleurs revêtus du nom de conquérants. 6+6 b
125 Mais, à quoi s'attacha ta savante malice 6+6 a
Ce fut surtout à faire ignorer la justice : 6+6 a
Dans les plus claires lois, ton ambiguïté, 6+6 b
Répandant son adroite et fine obscurité, 6+6 b
Aux yeux embarrassés des juges les plus sages 6+6 a
130 Tout sens devint douteux, tout mot eut deux visages ; 6+6 a
Plus on crut pénétrer, moins on fut éclairci ; 6+6 b
Le texte fut souvent par la glose obscurci ; 6+6 b
Et, pour comble de maux, à tes raisons frivoles 6+6 a
L'éloquence prêtant l'ornement des paroles, 6+6 a
135 Tous les jours, accablé sous leur commun effort, 6+6 b
Le vrai passa pour faux, et le bon droit eut tort. 6+6 b
Voilà comment, déchu de sa grandeur première, 6+6 a
Concluons, l'homme enfin perdit toute lumière, 6+6 a
Et, par tes yeux trompeurs se figurant tout voir, 6+6 b
140 Ne vit, ne sut plus rien, ne put plus rien savoir. 6+6 b
De la raison pourtant, par le vrai Dieu guidée, 6+6 a
Il resta quelque trace encor dans la Judée. 6+6 a
Chez les hommes ailleurs sous ton joug gémissants 6+6 b
Vainement on chercha la vertu, le droit sens ; 6+6 b
145 Car, qu'est-ce, loin de Dieu, que l'humaine sagesse ? 6+6 a
Et Socrate, l'honneur de la profane Grèce, 6+6 a
Qu'était-il en effet, de près examiné, 6+6 b
Qu'un mortel par lui-même au seul mal entrné, 6+6 b
Et, malgré la vertu dont il faisait parade, 6+6 a
150 Très équivoque ami du jeune Alcibiade ? 6+6 a
Oui, j'ose hardiment l'affirmer contre toi : 6+6 b
Dans le monde idolâtre, asservi sous ta loi, 6+6 b
Par l'humaine raison de clarté dépourvue 6+6 a
L'humble et vraie équi fut à peine entrevue ; 6+6 a
155 Et, par un sage altier, au seul faste attaché, 6+6 b
Le bien même accompli souvent fut un péché. 6+6 b
Pour tirer l'homme enfin de ce désordre extrême, 6+6 a
Il fallut qu'ici-bas Dieu, fait homme lui-même, 6+6 a
Vînt du sein lumineux de l'éternel séjour 6+6 b
160 De tes dogmes trompeurs dissiper le faux jour. 6+6 b
A l'aspect de ce Dieu, les démons disparurent ; 6+6 a
Dans Delphes, dans Délos, tes oracles se turent ; 6+6 a
Tout marqua, tout sentit sa venue en ces lieux ; 6+6 b
L'estropié marcha, l'aveugle ouvrit les yeux 6+6 b
165 Mais bientôt, contre lui, ton audace rebelle, 6+6 a
Chez la nation même à son culte fidèle, 6+6 a
De tous côtés arma tes nombreux sectateurs : 6+6 b
Prêtres, pharisiens, rois, pontifes, docteurs, 6+6 b
C'est par eux que l'on vit la vérité suprême 6+6 a
170 De mensonge et d'erreur accusée elle-même ; 6+6 a
Au tribunal humain le Dieu du ciel trné ; 6+6 b
Et l'auteur de la vie à mourir condamné. 6+6 b
Ta fureur toutefois à ce coup fut déçue, 6+6 a
Et pour toi ton audace eut une triste issue. 6+6 a
175 Dans la nuit du tombeau ce Dieu précipi 6+6 b
Se releva soudain tout brillant de clarté ; 6+6 b
Et partout sa doctrine en peu de temps portée 6+6 a
Fut du Gange, et du Nil, et du Tage, écoutée. 6+6 a
Des superbes autels à leur gloire dressés 6+6 b
180 Tes ridicules dieux tombèrent renversés ; 6+6 b
On vit en mille endroits leurs honteuses statues 6+6 a
Pour le plus bas usage utilement fondues, 6+6 a
Et gémir vainement Mars, Jupiter, Vénus, 6+6 b
Urnes, vases, trépieds, vils meubles devenus. 6+6 b
185 Sans succomber pourtant tu soutins cet orage, 6+6 a
Et, sur l'idolâtrie enfin perdant courage, 6+6 a
Pour embarrasser l'homme en des nœuds plus subtils, 6+6 b
Tu courus chez Satan brouiller de nouveaux fils. 6+6 b
Alors, pour seconder ta triste frénésie, 6+6 a
190 Arriva de l'enfer ta fille l'Hérésie. 6+6 a
Ce monstre, dès l'enfance à ton école instruit, 6+6 b
De tes leçons bientôt te fit gter le fruit. 6+6 b
Par lui l'erreur, toujours finement apprêtée, 6+6 a
Sortant pleine d'attraits de sa bouche empestée, 6+6 a
195 De son mortel poison tout courut s'abreuver, 6+6 b
Et l'Église elle-même eut peine à s'en sauver. 6+6 b
Elle-même, deux fois, presque toute arienne, 6+6 a
Sentit chez soi trembler la vérité chrétienne ; 6+6 a
Lorsqu'attaquant le Verbe et sa divinité, 6+6 b
200 D'une syllabe impie un saint mot augmen 6+6 b
Remplit tous les esprits d'aigreurs si meurtrières, 6+6 a
Et fit de sang chrétien couler tant de rivières. 6+6 a
Le fidèle, au milieu de ces troubles confus, 6+6 b
Quelque temps égaré, ne se reconnut plus ; 6+6 b
205 Et, dans plus d'un aveugle et ténébreux concile, 6+6 a
Le mensonge parut vainqueur de l'Évangile. 6+6 a
Mais, à quoi bon ici, du profond des enfers, 6+6 b
Nouvel historien de tant de maux soufferts, 6+6 b
Rappeler Arius, Valentin et Pélage, 6+6 a
210 Et tous ces fiers démons que toujours, d'âge en âge, 6+6 a
Dieu, pour faire éclaircir à fond ses vérités, 6+6 b
A permis qu'aux chrétiens l'enfer ait suscités ? 6+6 b
Laissons hurler là-bas tous ces damnés antiques, 6+6 a
Et bornons nos regards aux troubles fanatiques 6+6 a
215 Que ton horrible fille ici sut émouvoir, 6+6 b
Quand Luther et Calvin, remplis de ton savoir, 6+6 b
Et soi-disant choisis pour réformer l'Église, 6+6 a
Vinrent du célibat affranchir la prêtrise, 6+6 a
Et, des vœux les plus saints blâmant l'austérité, 6+6 b
220 Aux moines las du joug rendre la liberté. 6+6 b
Alors, n'admettant plus d'autorité visible, 6+6 a
Chacun fut de la foi censé juge infaillible ; 6+6 a
Et, sans être approu par le clergé romain, 6+6 b
Tout protestant fut pape, une Bible à la main. 6+6 b
225 De cette erreur dans peu naquirent plus de sectes 6+6 a
Qu'en automne on ne voit de bourdonnants insectes 6+6 a
Fondre sur les raisins nouvellement mûris ; 6+6 b
Ou qu'en toutes saisons sur les murs, à Paris, 6+6 b
On ne voit affichés de recueils d'amourettes, 6+6 a
230 De vers, de contes bleus, de frivoles sornettes, 6+6 a
Souvent peu recherchés du public nonchalant, 6+6 b
Mais vantés à coup sûr du Mercure galant. 6+6 b
Ce ne fut plus partout que fous Anabaptistes, 6+6 a
Qu'orgueilleux Puritains, qu'exécrables Déistes ; 6+6 a
235 Le plus vil artisan eut ses dogmes à soi ; 6+6 b
Et chaque chrétien fut de différente loi. 6+6 b
La Discorde, au milieu de ces sectes altières, 6+6 a
En tout lieu cependant déploya ses bannières ; 6+6 a
Et ta fille, au secours des vains raisonnements 6+6 b
240 Appelant le ravage et les embrasements, 6+6 b
Fit, en plus d'un pays, aux villes désolées, 6+6 a
Sous l'herbe en vain chercher leurs églises brûlées. 6+6 a
L'Europe fut un champ de massacre et d'horreur. 6+6 b
Et l'orthodoxe même, aveugle en sa fureur, 6+6 b
245 De tes dogmes trompeurs nourrissant son idée, 6+6 a
Oublia la douceur aux chrétiens commandée, 6+6 a
Et crut, pour venger Dieu de ses fiers ennemis, 6+6 b
Tout ce que Dieu défend, légitime et permis. 6+6 b
Au signal tout à coup donné pour le carnage, 6+6 a
250 Dans les villes, partout, théâtres de leur rage, 6+6 a
Cent mille faux zélés, le fer en main courants, 6+6 b
Allèrent attaquer leurs amis, leurs parents, 6+6 b
Et, sans distinction, dans tout sein hérétique, 6+6 a
Pleins de joie, enfoncer un poignard catholique. 6+6 a
255 Car quel lion, quel tigre égale en cruau 6+6 b
Une injuste fureur qu'arme la piété ? 6+6 b
Ces fureurs, jusqu'ici du vain peuple admirées, 6+6 a
Étaient pourtant toujours de l'Église abhorrées ; 6+6 a
Et, dans ton grand crédit pour te bien conserver, 6+6 b
260 Il fallait que le ciel parût les approuver. 6+6 b
Ce chef-d'œuvre devait couronner ton adresse. 6+6 a
Pour y parvenir donc, ton active souplesse, 6+6 a
Dans l'École abusant tes grossiers écrivains, 6+6 b
Fit croire à leurs esprits ridiculement vains 6+6 b
265 Qu'un sentiment impie, injuste, abominable, 6+6 a
Par deux ou trois d'entre eux réputé soutenable, 6+6 a
Prenait chez eux un sceau de probabilité, 6+6 b
Qui, même contre Dieu, lui donnait sûreté ; 6+6 b
Et qu'un chrétien pouvait, rempli de confiance, 6+6 a
270 Même en le condamnant, le suivre en conscience. 6+6 a
C'est sur ce beau principe, admis si follement, 6+6 b
Qu'aussitôt tu posas l'énorme fondement 6+6 b
De la plus dangereuse et terrible morale 6+6 a
Que Lucifer, assis dans sa chaire infernale, 6+6 a
275 Vomissant contre Dieu ses monstrueux sermons, 6+6 b
Ait jamais enseignée aux novices Démons. 6+6 b
Soudain, au grand honneur de l'école païenne, 6+6 a
On entendit prêcher dans l'Église chrétienne 6+6 a
Que, sous le joug du vice un pécheur abattu 6+6 b
280 Pouvait, sans aimer Dieu ni même la vertu, 6+6 b
Par la seule frayeur au sacrement unie, 6+6 a
Admis au ciel, jouir de la gloire infinie ; 6+6 a
Et que, les clefs en main, sur ce seul passeport, 6+6 b
Saint Pierre à tous venants devait ouvrir d'abord. 6+6 b
285 Ainsi, pour éviter l'éternelle misère, 6+6 a
Le vrai zèle au chrétien n'étant plus nécessaire, 6+6 a
Tu sus, dirigeant bien en eux l'intention, 6+6 b
De tout crime laver la coupable action. 6+6 b
Bientôt, se parjurer cessa d'être un parjure ; 6+6 a
290 L'argent à tout denier se prêta sans usure ; 6+6 a
Sans simonie, on put, contre un bien temporel, 6+6 b
Hardiment échanger un bien spirituel ; 6+6 b
Du soin d'aider le pauvre on dispensa l'avare ; 6+6 a
Et, même chez les rois, le superflu fut rare. 6+6 a
295 C'est alors qu'on trouva, pour sortir d'embarras, 6+6 b
L'art de mentir tout haut en disant vrai tout bas ; 6+6 b
C'est alors, qu'on apprit qu'avec un peu d'adresse, 6+6 a
Sans crime un prêtre peut vendre trois fois sa messe, 6+6 a
Pourvu que, laissant là son salut à l'écart, 6+6 b
300 Lui-même en la disant n'y prenne aucune part ; 6+6 b
C'est alors, que l'on sut qu'on peut pour une pomme, 6+6 a
Sans blesser la justice, assassiner un homme… 6+6 a
Assassiner ! ah ! non, je parle improprement, 6+6 b
Mais que, prêt à la perdre, on peut innocemment, 6+6 b
305 Surtout ne la pouvant sauver d'une autre sorte, 6+6 a
Massacrer le voleur qui fuit et qui l'emporte. 6+6 a
Enfin ce fut alors, que, sans se corriger, 6+6 b
Tout pêcheur… Mais, où vais-je aujourd'hui m'engager ? 6+6 b
Veux-je d'un pape illustre, armé contre tes crimes, 6+6 a
310 A tes yeux mettre ici toute la bulle en rimes ; 6+6 a
Exprimer tes détours burlesquement pieux 6+6 b
Pour disculper l'impur, le gourmand, l'envieux ; 6+6 b
Tes subtils faux-fuyants pour sauver la mollesse, 6+6 a
Le larcin, le duel, le luxe, la paresse ; 6+6 a
315 En un mot, faire voir à fond développés 6+6 b
Tous ces dogmes affreux d'anathème frappés, 6+6 b
Que, sans peur débitant tes distinctions folles, 6+6 a
L'erreur encor pourtant maintient dans tes écoles ? 6+6 a
Mais, sur ce seul projet, soudain puis-je ignorer 6+6 b
320 A quels nombreux combats il faut me préparer ? 6+6 b
J'entends déjà d'ici tes docteurs frénétiques 6+6 a
Hautement me compter au rang des hérétiques ; 6+6 a
M'appeler scélérat, traître, fourbe, imposteur, 6+6 b
Froid plaisant, faux bouffon, vrai calomniateur, 6+6 b
325 De Pascal, de Wendrock copiste misérable ; 6+6 a
Et, pour tout dire enfin, janséniste exécrable. 6+6 a
J'aurai beau condamner, en tous sens expliqués, 6+6 b
Les cinq dogmes fameux par ta main fabriqués ; 6+6 b
Blâmer de tes docteurs la morale risible ; 6+6 a
330 C'est, selon eux, prêcher un calvinisme horrible, 6+6 a
C'est nier qu'ici-bas par l'amour appe 6+6 b
Dieu pour tous les humains voulut être immolé. 6+6 b
Prévenons tout ce bruit : trop tard, dans le naufrage, 6+6 a
Confus, on se repent d'avoir bravé l'orage. 6+6 a
335 Halte-là donc, ma plume. Et toi, sors de ces lieux, 6+6 b
Monstre à qui, par un trait des plus capricieux, 6+6 b
Aujourd'hui terminant ma course satirique, 6+6 a
J'ai prêté dans mes vers une âme allégorique ; 6+6 a
Fuis, va chercher ailleurs tes patrons bien-aimés, 6+6 b
340 Dans ces pays par toi rendus si renommés, 6+6 b
Où l'Orne épand ses eaux, et que la Sarthe arrose ; 6+6 a
Ou, si plus sûrement tu veux gagner ta cause, 6+6 a
Porte-la dans Trévoux, à ce beau tribunal 6+6 b
Où, de nouveaux Midas, un sénat monacal, 6+6 b
345 Tous les mois, appu de ta sœur l'Ignorance, 6+6 a
Pour juger Apollon tient, dit-on, sa séance. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université