Métrique en Ligne
BJT_1/BJT1
corpus Pamela Puntel
Eugène BEAUJORT
L'HÉROÏNE D'ALSACE
1871
L'HÉROÏNE D'ALSACE
C'était une nuit noire, épaisse, de janvier ; 6+6 a
Les ténèbres régnaient sur le pays entier. 6+6 a
Je m'étais accoudée au vieux balcon de pierre 6+6 b
Qui semble s'élancer des murs de la chaumière 6+6 b
5 Comme un grand cygne blanc qui va prendre son vol 6+6 a
Mes yeux étaient fixés sur quelque point du sol. 6+6 a
Je regardais sans voir. La brise fugitive, 6+6 b
Qui me glaçait le front dans sa course trop vive, 6+6 b
De temps en temps jetait comme de longs échos 6+6 a
10 Que l'on entend le soir aux portes des tombeaux. 6+6 a
Des murmures lointains avec des voix rampantes 6+6 b
Se mêlaient dans la brise à d'autres voix puissantes ; 6+6 b
Et j'écoutai longtemps, ne les comprenant pas, 6+6 a
Ces plaintes que la nuit fait entendre là-bas, 6+6 a
15 Sous les murs des jardins… Quelques flocons de neige 6+6 b
Tombaient en tournoyant jusqu'aux pieds de mon siège, 6+6 b
Après avoir erré sur ma tête un instant. 6+6 a
La terre se couvrait d'un voile blanchissant. 6+6 a
Il faisait froid. Ma main appuyée à la tempe 6+6 b
20 S'était presque engourdie, et l'huile de ma lampe 6+6 b
Avait gelé peut-être, — elle n'éclairait plus. 6+6 a
Le vent souilla moins fort, et les bruits inconnus, 6+6 a
De longs échos, les voix que j'avais entendues 6+6 b
Comme des chants de nuit et qui se sont perdues, 6+6 b
25 S'élevèrent ensemble à notre vieux balcon ! 6+6 a
Je me sentis courir dans le dos un frisson ! 6+6 a
J'eus peur !… et, replongeant mon regard dans cette ombre, 6+6 b
Me courbant pour mieux voir d'où partait le bruit sombre, 6+6 b
Ces plaintes qui font peur quand on écoute seul, 6+6 a
30 Je vis trembler la neige en ses plis de linceul ! 6+6 a
— Alors, alors revint en moi, rayon sublime, 6+6 b
Un souvenir lointain, confus, que rien n'exprime, 6+6 b
Plus vague que le souffle emporté par le vent, 6+6 a
De quelque chose enfin vue au soleil couchant ! 6+6 a
35 Oserai-je le dire ? et pourtant mon ouïe 6+6 b
Eh bien, oui ! le combat, la bataille inouïe 6+6 b
Qui fit crier le fer et le cuivre rugir ! 6+6 a
Ah ! l'avais vu des morts avant de m'endormir !… 6+6 a
Je ne respirais plus, — c'étaient des vivants pâles 6+6 b
40 Tous ces cris exhalés étaient de derniers râles ! 6+6 b
Quelques-uns plus aigus que les autres mourants, 6+6 a
Plus distincts, s'adressaient, je crois, à des parents, 6+6 a
A des fils éloignés, à des sœurs, à des frères ! 6+6 b
Qu'elles sont tristes, Dieu, les minutes dernières ! 6+6 b
45 A ce sombre moment une rouge lueur, 6+6 a
D'une torche allumée au sein de cette horreur, 6+6 a
Vint jeter ses reflets sur les débris immondes, 6+6 b
Qui me parurent être autant de têtes blondes, 6+6 b
Dont les lèvres encore ouvertes à demi 6+6 a
50 Voulaient dire des mots, appeler un ami ; 6+6 a
Qui sait ? — peut-être dire à l'épouse, à la mère 6+6 b
De venir pour fermer une cave paupière ! 6+6 b
Qui pourrait dire enfin si ces corps palpitants, 6+6 a
D'une effrayante orgie ô 1 estes infamants ! 6+6 a
55 Ces cadavres noircis au milieu de la poudre 6+6 b
Quand l'éclair devant eux passait comme la foudre, 6+6 b
Ces êtres remuant leurs bras, leurs mains, leurs os 6+6 a
Ne demandaient l'aumône à de profonds tombeaux ? 6+6 a
Que ce deuil était triste ! et ce silence sombre 6+6 b
60 Qui, par instants, régnait comme ainsi règne l'ombre ! 6+6 b
Quand je fus lasse enfin de voir tous ces débris, 6+6 a
Encore palpitante et les yeux tout meurtris, 6+6 a
Je voulus m'assurer si mon père et mon frère 6+6 b
—Que j'avais vus partir comme on part à la guerre 6+6 b
65 Étaient rentrés chez nous ; je descendis en bas 6+6 a
Dans la petite salle où l'on fait les repas : 6+6 a
Sur un vieux baie de bois ma mère était couchée, 6+6 b
Elle ne dormait pas ; je m'étais approchée 6+6 b
Du lit, au coin de l'âtre encor sans feu, je vis 6+6 a
70 Qu'il était vide ! — Au mur, pendait un crucifix, 6+6 a
Noirci par la poussière et le visage blême. 6+6 b
Je fus saisie au cœur d'une douleur extrême. 6+6 b
Devant la couche vide et devant le foyer, 6+6 a
Portant déjà le deuil aux pauvres familier, 6+6 a
75 Je fléchis les genoux et dis une prière 6+6 b
Tout bas, le front courbé ; puis quand j'eus fini : —Père 6+6 b
N'est donc pas là, maman ? sais-tu ?…— Je ne sais pas, 6+6 a
Me dit-elle en tremblant. — Et mon frère ?— Là-bas 6+6 a
Ce fut tout. Par le froid, par les pleurs épuisée, 6+6 b
80 Par la grande douleur et l'attente brisée, 6+6 b
Elle n'espérait plus les revoir tous les deux ; 6+6 a
— C'était des mauvais jours le rêve malheureux ! 6+6 a
Je me tenais debout, muette devant elle, 6+6 b
Partageant de son cœur une peine mortelle, 6+6 b
85 Quand la porte grinçant sur ses deux gonds rouillés 6+6 a
Laissa passer une ombre, un homme aux yeux fouillés 6+6 a
Par la douleur peut-être et le visage sombre ; 6+6 b
Je reconnus mon père au milieu de cette ombre, 6+6 b
Il marchait lentement et courbé ; ses effets 6+6 a
90 Étaient tout en lambeaux ; et je vis aux reflets 6+6 a
De notre lamperon qu'il coulait sur sa joue, 6+6 b
D'une blessure au front, du sang mêlé de boue ! 6+6 b
Je lui mis un bandeau pour refermer un peu 6+6 a
Sa balafre effrayante et j'allumai du feu. 6+6 a
95 L'hiver était si froid ! Une flamme bleuâtre 6+6 b
En longs bras flamboyants inondait bientôt l'âtre, 6+6 b
Et donnait sa chaleur et sa vive clarté 6+6 a
Aux pauvres villageois criant : Fatalité ! 6+6 a
Puis je me recouchai, les yeux gros dans la tête, 6+6 b
100 Encore tout émue au vieux chevet honnête. 6+6 b
Je me signai deux fois. J'appréhendais toujours 6+6 a
De voir d'autres uhlans — c'étaient les mauvais jours 6+6 a
Que mes yeux larmoyants ne voulaient plus se clore, 6+6 b
Craignant d'être surprise en la veille incolore 6+6 b
105 Par ces sombres vautours qui manœuvrent la nuit, 6+6 a
Quand la tempête gronde et que l'éclair reluit. 6+6 a
Mais j'essayais en vain de m'endormir encore, 6+6 b
De trouver du repos en attendant l'aurore ; 6+6 b
Quelque chose d'affreux passait sans cesse en moi, 6+6 a
110 M'agitait le cerveau, l'amour, l'honneur, la foi ! 6+6 a
Je ne sais pas… la nuit était d'un deuil si tristesi triste ; 6+6 b
La guerre nous avait tous pris à l'improviste. 6+6 b
Aux fantômes sanglants des combats je rêvais !… 6+6 a
Mais quel que fût ce rêve, avant tout je devais 6+6 a
115 Penser au pauvre absent, à celui qui, dans l'ombre 6+6 b
De la nuit mugissante, entre des voix sans nombre 6+6 b
S'élevant à la fois plaintives dans le ciel, 6+6 a
Jetait son râle tendre à l'ange fraternel ! 6+6 a
A ce souvenir, Dieu ! je sentis l'étincelle 6+6 b
120 De la fraternité me traverser l'aisselle ! 6+6 b
Je sentis bouillonner mon sang au fond du cœur ! 6+6 a
Et je tremblais pourtant d'une secrète horreur !… 6+6 a
Ah ! qu'importe après tout la vie et le silence, 6+6 b
La chaumière et son feu, si longtemps son absence 6+6 b
125 Prolongeait mon martyre et me faisait souffrir ! 6+6 a
Je descendis du lit, résolue à mourir. 6+6 a
Le bruit se ranimait. Ma mante sur l'épaule, 6+6 b
Une lanterne en main, j'allai jouer mon rôle ! 6+6 b
A l'horloge du bourg, au loin, sonna minuit. 6+6 a
130 Je me signai, — c'était l'Angélus de la nuit. 6+6 a
J'attendis que l'airain, la nuit effroi du monde, 6+6 b
N'eût plus trouvé d'écho dans la plaine profonde. 6+6 b
Je voyais des chariots de blessés, des fourgons 6+6 a
Qui s'éloignaient dans l'ombre en rasant les maisons, 6+6 a
135 Après avoir jeté des espèces de râles 6+6 b
Qui s'échappaient sans doute entre des lèvres pâles ! 6+6 b
Des Prussiens mourants, des Français écloppés, 6+6 a
D'autres, les mains, les bras ou les jambes coupés. 6+6 a
Les vivants et les morts se plaignaient quand la roue 6+6 b
140 Passant sur tous leurs os en faisait de la boue ! 6+6 b
Et leurs cris arrachés aux longs cris des essieux 6+6 a
Se mêlaient dans la nuit en un concert affreux. 6+6 a
Je descendis du seuil de la vieille chaumière, 6+6 b
Pensant y revenir quand la douce lumière 6+6 b
145 Du jour aurait relui sur la cime des bois, 6+6 a
Montrerait moins de deuil sous nos malheureux toits, 6+6 a
Et ferait fondre un peu ce givre et cette neige 6+6 b
Qui flottaient sur des corps comme sur l'eau le liège. 6+6 b
Des regards s'étaient clos après avoir senti 6+6 a
150 Sur leur paupière en feu le doigt appesanti 6+6 a
Du fantôme effrayant de la noire bataille, 6+6 b
Qui fauche dans les rangs une vivante paille, 6+6 b
Et jamais ne s'arrête à la brume du soir, 6+6 a
Il marche toujours, seul, quand le ciel est bien noir ! 6+6 a
155 Devant tous ces monceaux,—• où n était pas mon frère,— 6+6 b
En passant, je disais quelques mots de prière, 6+6 b
Palpitante d'horreur et tremblante de froid ; 6+6 a
Et toujours j'avançais, ignorant quel endroit 6+6 a
Serait le but certain de ma course inquiète, 6+6 b
160 Terrible, à travers champs, dans la plaine muette. 6+6 b
J'allais je ne sais où, rien ne guidait mes pas. 6+6 a
J'écoutais les soupirs qui s'échappaient des tas 6+6 a
Puis la tête baissée, et dans les yeux des larmes, 6+6 b
Me heurtant contre un mort ou passant sur des armes, 6+6 b
165 Comme le vent du nord qui me poussait, je crois, 6+6 a
J'allais en grelottant m'enfoncer dans le bois. 6+6 a
Mais là je m'arrêtai « Garde à vous, sentinelle ! » 6+6 b
En allemand soudain retentit de plus belle. 6+6 b
Je compris que j'étais allée un peu trop loin ; 6+6 a
170 Mais la plaine des morts, ciel ! ne s'arrêtait point ! 6+6 a
J'avais toujours marché, loin de notre demeure, 6+6 b
Sans avoir de fatigue et sans joie intérieure, 6+6 b
Pas plus que je n'avais d'espoir de trouver Louis, 6+6 a
Ce frère bien-aimé dont j'écoutais les cris. 6+6 a
175 J'étais bien épuisée, et le vent à la joue 6+6 b
Me crépissait la neige et le froid et la boue ! 6+6 b
Mes doigts étaient gelés à la poignée en fer 6+6 a
De ma lanterne sourde ; à mon front, recouvert 6+6 a
Du petit capuchon de ma légère mante, 6+6 b
180 Pendait toute glacée une perle fondante, 6+6 b
Plus froide que le vent qui mugissait encor 6+6 a
Dans l'épaisse forêt aux branches de bois mort ! 6+6 a
Mais c'était pour mon frère — un tendre ami qu'on aime ! 6+6 b
Je vis luire tout près, d'une pâleur extrême, 6+6 b
185 La flamme d'un bivouac qu'on faisait vers le bois 6+6 a
Du côté de la ville, où j'allais quelquefois. 6+6 a
Je m'y rendis c'était le feu de l'ambulance : 6+6 b
Des hommes étaient là, souffrant dans la souffrance, 6+6 b
Pour se faire soigner par ces dévoués amis, 6+6 a
190 Chirurgiens, frères, sœurs, bravant tous les défis 6+6 a
De la froide saison où la neige sanglante, 6+6 b
Sous de nouveaux flocons de blancheur éclatante, 6+6 b
Cache dans tous ses plis des restes palpitants, 6+6 a
Des cadavres muets ; l'airain ; des ossements ! 6+6 a
195 Je me chauffai les doigts à la flamme blanchâtre, 6+6 b
Liqueur qui rend la vie au seigneur comme au pâtre, 6+6 b
Fait luire l'espérance au front du désespoir, 6+6 a
Et phare éblouissant au chemin du devoir ! 6+6 a
Il régnait tout autour un petit air de fête, 6+6 b
200 Un rire quelquefois… peut-être malhonnête. 6+6 b
Sans doute que ceux-là, presque tous Allemands, 6+6 a
N'avaient point à pleurer d'amis ni de parents. 6+6 a
Mais je ne leur dis rien. Une sœur de la ville, 6+6 b
Qui m'avait reconnue en ce moment hostile, 6+6 b
205 Vint vers moi, timide, humble, elle n'avait rien vu 6+6 a
Ses larmes qui coulaient m'ont seules répondu ! 6+6 a
Alors je m'en revins du côté du village, 6+6 b
Plus triste que jamais, rompue et sans courage : 6+6 b
J'avais perdu l'espoir de le trouver vivant. 6+6 a
210 Si la neige bougeait, je m'arrêtais, pourtant, 6+6 a
Tout à coup je vis luire, un peu loin, une flamme 6+6 b
Touchant presque le ciel ! — je tressaillis dans l'âme ! 6+6 b
La ferme de Saint-Pol, immense foyer bleu 6+6 a
Éclairait la campagne aux clartés de son feu ! 6+6 a
215 Je vis des tourbillons les rouges étincelles 6+6 b
Qui, s'élevant dans l'air en gerbes d'or nouvelles, 6+6 b
Éclairaient sur la plaine, avant de se ternir, 6+6 a
Les débris de l'airain, qui n'osait plus rugir, 6+6 a
Des drapeaux déchirés naguère si célèbres, 6+6 b
220 Et s'éteignaient enfin au bruit de voix funèbres ! 6+6 b
Le crépuscule en deuil, de l'ombre usurpateur, 6+6 a
Embrasait l'horizon mugissant de terreur ! 6+6 a
Le vent soufflait plus fort, ranimait l'incendie 6+6 b
Au voile palpitant sur la plaine assombrie, 6+6 b
225 Et de chaque côté la flamme s'allongeait 6+6 a
Vers la voûte du ciel qui déjà rougissait ! 6+6 a
— Ah ! si j'avais tenu, horde de l'esclavage 6+6 b
Qui portes de Judas les marques au visage, 6+6 b
Dans ma main, tes geôliers, tes aigles, tes drapeaux, 6+6 a
230 Je les aurais broyés en dix mille morceaux ! 6+6 a
Devant notre maison, que j'avais aperçue 6+6 b
De loin, j'arrive enfin. — C'était une heure indue ! 6+6 b
Une foule compacte encombrait ses abords 6+6 a
Du côté de Saint-Pol, et de l'autre les morts. 6+6 a
235 On criait, on hurlait ; des torches résineuses 6+6 b
Jetaient sur leurs shakos des clartés ombrageuses. 6+6 b
Je me fis un passage en les poussant des mains. 6+6 a
Ma colère grondait contre tous ces Germains. 6+6 a
J'entrai dans la maison la porte était ouverte. 6+6 b
240 Je crus bien cette fois entrevoir notre perte. 6+6 b
Dans la salle on chantait d'immorales chansons, 6+6 a
On buvait à plein verre aux lueurs des tisons, 6+6 a
Pêle-mêle couchés et la figure rouge, 6+6 b
On aurait dit des gueux sur le carreau d'un bouge ! 6+6 b
245 Une flamme verdâtre éclairait ce festin, 6+6 a
Encor plus repoussant que celui de l'airain ! 6+6 a
Ils avaient tout brûlé ! plus de lit dans la salle, 6+6 b
Plus de meubles, plus rien ! — La bande se régale ! 6+6 b
Je sortis dans la cour, folle, — je le conçois, — 6+6 a
250 J'allais en tâtonnant m'asseoir comme autrefois 6+6 a
Sur le banc, au-dessous de la grande fenêtre, 6+6 b
Quand je vis, — ô douleur que ce moment fit naître ! 6+6 b
Crime ! crime plus noir que leur vil aigle noir ! 6+6 a
Je vis, —non, c'en est trop ! misérable devoir ! — 6+6 a
255 Mon père sanglotant, étouffé par la corde 6+6 b
Où l'avait attaché cette exécrable horde ! 6+6 b
On faisait cercle autour de son corps expirant-, 6+6 a
Et des rires affreux reçurent son enfant ! 6+6 a
Je m'avançai vers lui, pleine d'horreur, tremblante, 6+6 b
260 Pour lui parler ; — trop tard ! — la mort, riche mendiante, 6+6 b
Ne m'avait pas laissé le temps de recueillir 6+6 a
A sa lèvre rougie un souffle, un seul soupir ! 6+6 a
Je lui fermais les yeux lorsqu'une main infâme 6+6 b
Me poussa brusquement, sans que je le réclame, 6+6 b
265 Vers le mur du jardin, qui touche le pignon, 6+6 a
Où j'allai m'écorcher les genoux et le front, 6+6 a
En glissant sur la glace ou la neige gelée 6+6 b
Qu'en cet endroit le vent avait amoncelée. 6+6 b
Je voulus m'accrocher aux pierres qui saillaient, 6+6 a
270 Pour sortir de ce gouffre où mes pieds se gelaient ; 6+6 a
Quelque chose de dur à ma main se présente, 6+6 b
D'abord un vêtement, une espèce de mante : 6+6 b
Je promène ma main dans tous ses plis mouillés ; 6+6 a
De cinq petits trous ronds, que mes doigts ont fouillés, 6+6 a
275 Coulait abondamment une épaisse matière 6+6 b
J'eus peur ! j'ouvris les yeux ! et devant moi ma mère ! 6+6 b
Oui. Je crus faire un rêve ! — et non ; elle était là, 6+6 a
Immobile, muette et pâle ! — O mère, va, 6+6 a
Je saurai te venger sur la bande vandale ! 6+6 b
280 Murmurai-je tout bas… Quelle souffrance égale 6+6 b
Celle que je sentis dans les plis de mon cœur ! 6+6 a
Jusque dans l'âme ! — O race, ô peuple envahisseur ! 6+6 a
Qui traînes au talon le meurtre et la misère, 6+6 b
Entends-moi te maudire en bénissant ma mère ! 6+6 b
285 Ivre de ma vengeance, aussi juste, je crois, 6+6 a
Que la justice dont sont écloses les lois, 6+6 a
J'allai jusques au seuil de la sombre chaumière, 6+6 b
Dire tout bas encore une courte prière, 6+6 b
Et je fermai la porte à clef, à double tour ; 6+6 a
290 — Que personne n'en sorte avant le clair du jour ! 6+6 a
Puis je m'en allai loin, bien loin, baissant la tête, 6+6 b
Ennuyée ; en mon sein murmurait la tempête 6+6 b
Aux longs éclairs de haine, aux roulements lointains 6+6 a
Qui font frémir le cœur et l'âme ! Je revins. 6+6 a
295 Je fis quatre ou cinq fois le tour de la muraille, 6+6 b
Où dépassaient du toit quelques gros brins de paille 6+6 b
Sous la mousse couverte en couches de glaçons, 6+6 a
Dont le vent qui soufflait faisait sortir des sons. 6+6 a
Je compris… et ma main effleurant le vieux chaume 6+6 b
300 Je ne sais déjà plus !… Mais on vit un grand dôme 6+6 b
De fumée emplir l'air ! les flammes mugissaient, 6+6 a
Criaient en s'échappant des murs qui pâlissaient' 6+6 a
Le feu ! le feu ! tout brûle ! Un long cri de détresse 6+6 b
S'élança du foyer comme des chants d'ivresse ; 6+6 b
305 Les murailles croulaient avec un grand fracas ; 6+6 a
Au clocher du village on entendait le glas !… 6+6 a
— Criminelle comme eux, dis-je, mon Dieu, pardonne ! 6+6 b
Autour de moi la foule ; une meute bourdonne ; 6+6 b
On m'enchaîne les mains, les bras, les pieds aussi ; 6+6 a
310 Dans la boue on me traîne ensanglantée ici ! 6+6 a
C'est ici que j'attends ma dernière journée ! 6+6 b
Mon dernier jour ! demain !… car ils m'ont condamnée ! 6+6 b
Demain je serai forte ! — On me fera souffrir ? 6+6 a
— Mais je leur montrerai comment je sais mourir ! 6+6 a
315 Comme vous, mes parents ; comme toi, douce mère, 6+6 b
Qui tombas sous leurs coups sans doute la première, 6+6 b
Courageuse, héroïque ! et tous ces lâches, eux, 6+6 a
N'ont-ils dû tressaillir à l'éclair de tes yeux ! 6+6 a
Va, je les braverai quand la poudre fumante 6+6 b
320 Voilera tous leurs fronts de son aile sanglante ! 6+6 b
Dans une heure peut-être on me verra passer, 6+6 a
Avant qu'ait lui l'aurore, et leur disant : — Frappez ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
logo du CRISCO logo de l'université