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BEN_1/BEN91
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
Sur l’Amour d’Uranie avec Philis.
STANCES.
JE ne murmure pas, infidelle Uranie, 6+6 a
De vôtre trahison ; 6 b
Et je ne prétens point, dessous ma tyrannie, 6+6 a
Gêner vôtre raison. 6 b
5 Si pour un autre Amant vous aviez pris le change, 6+6 a
Je l’aurois enduré : 6 b
Je blâmois vôtre amour, et je trouvois étrange 6+6 a
Qu’il avoit tant duré. 6 b
Je n’ai rien de charmant, ni rien de comparable 6+6 a
10 À vos perfections ; 6 b
Et vous êtes d’ailleurs d’un sexe variable 6+6 a
En ses affections. 6 b
Mais quoi ! vôtre amitié, pour suivre une autre Amante, 6+6 a
Se sépare de nous ! 6 b
15 Belle certainement, adorable, charmante, 6+6 a
Mais femme comme vous. 6 b
De céder la victoire il est assez infâme, 6+6 a
Quel que soit le Vainqueur ; 6 b
Mais d’être lâchement vaincu par une femme, 6+6 a
20 C’est double crêve-cœur. 6 b
Il faut le confesser, il est vrai qu’elle est belle, 6+6 a
Qu’elle est pleine d’attraits ; 6 b
Et que mal-aisément l’âme la plus rebelle, 6+6 a
Se défend de ses traits. 6 b
25 Pour elle tout languit ; pour elle tout soupire 6+6 a
Où que tournent ses pas ; 6 b
Les plus nobles Vainqueurs reconnoissent l’empire 6+6 a
De ses divins appas. 6 b
Des braves qui cent fois des flots et de l’orage 6+6 a
30 Méprisèrent l’orgueil ; 6 b
De fameux Conquérans, viennent faire naufrage 6+6 a
À ce fatal écueil. 6 b
Même en ce beau rivage, où la mer se couronne 6+6 a
De bouquets d’oranger, 6 b
35 On vit le Dieu des Eaux, quittant sceptre et couronne, 6+6 a
Sous ses loix se ranger. 6 b
Elle est, il est bien vrai, digne d’être admie 6+6 a
De tous également ; 6 b
Mais sa divini ne doit être adoe 6+6 a
40 Que de nous seulement. 6 b
Chacun serve ses Dieux ; les prêtres de Cibelle 6+6 a
Aux Autels de Vénus, 6 b
Leur offrande à la main, quoique pompeuse et belle, 6+6 a
Seroient les mal-venus. 6 b
45 Aussi, quoiqu’elle jure et quoiqu’elle vous mente, 6+6 a
Vous croyez vainement 6 b
Qu’elle ait jamais pour vous cette ardeur véhémente 6+6 a
Qu’on a pour un Amant. 6 b
Pour peu que de bon sens sa raison soit guie, 6+6 a
50 Elle voit aisément, 6 b
Que vôtre passion n’est qu’une folle ie, 6+6 a
Ou qu’un déguisement. 6 b
Non, non, vôtre amitié, de quoi qu’elle se vante, 6+6 a
Ne sçauroit la toucher ; 6 b
55 Et celle qui pour nous est sensible et vivante, 6+6 a
Pour vous est un rocher. 6 b
Vôtre flâme est brillante, elle tonne, elle éclaire, 6+6 a
Mais elle est sans vigueur ; 6 b
Elle peut éveiller et jamais satisfaire 6+6 a
60 L’amoureuse langueur. 6 b
Vos baisers sont pareils à ces baisers timides 6+6 a
Qu’une mère a d’un fils ; 6 b
Au prix de nos baisers pressez, ardens, humides, 6+6 a
En sucre tout confits. 6 b
65 Le duvet d’un Amant, pique la bouche et l’âme ; 6+6 a
C’est un doux aiguillon 6 b
Qui d’un sang amoureux dans le cœur d’une Dame 6+6 a
Excite le boüillon. 6 b
Quand l’Astre du matin sollicite la Rose 6+6 a
70 D’un baiser amoureux, 6 b
D’aise elle épanouït sa feüille à demi close 6+6 a
À ses rais vigoureux. 6 b
Mais quand la froide Lune, à l’amour impuissante, 6+6 a
En pense faire autant, 6 b
75 Au contraire, sa fleur débile et languissante 6+6 a
Se resserre à l’instant. 6 b
Et ses rayons gelez, sa couronne incarnate, 6+6 a
S’étreint en peloton ; 6 b
Se cache sous l’épine, en ses feuilles se natte, 6+6 a
80 Et ferme son bouton. 6 b
Alors que vous pressez la bouche d’une Dame 6+6 a
De baisers trop ardens, 6 b
Et que vous pénétrez jusqu’à l’humide flâme 6+6 a
Qui s’enferme au dedans ; 6 b
85 Aux guespes des jardins vous devenez pareilles, 6+6 a
Qui sans faire du miel, 6 b
Picotent sur les fleurs le butin des abeilles 6+6 a
Et la Manne du ciel. 6 b
Voit-on les animaux, quelqu’ardeur qui les presse, 6+6 a
90 Ainsi s’apparier, 6 b
Et colombe à colombe, ou tigresse à tigresse 6+6 a
Jamais se marier ? 6 b
Quand le Palmier femelle à son mâle se mêle, 6+6 a
Il l’embrasse en amant ; 6 b
95 Mais on a beau le joindre à quelqu’autre femelle, 6+6 a
Il est sans mouvement. 6 b
Des plaisirs amoureux, ainsi qu’on le peut croire, 6+6 a
Vénus sçavoit le goût ; 6 b
À ce jeu toutefois il n’est point de mémoire 6+6 a
100 Qu’elle ait trouvé ragoût. 6 b
Si l’Amante pouvoit donner à son Amante 6+6 a
Les douceurs de l’amy, 6 b
Pour devenir garçon l’amoureuse Diante 6+6 a
N’auroit pas tant gémy. 6 b
105 Même, pour nous haïr, ces farouches guerrières 6+6 a
Ne s’entr’aimèrent pas ; 6 b
Mais d’un parfait amour alloient sur leurs frontières 6+6 a
Goûter les vrais appas. 6 b
Leur Reine généreuse, au conquérant d’Asie 6+6 a
110 Alla faire l’amour ; 6 b
Et tant qu’elle eut passé sa douce fantaisie 6+6 a
Demeura dans sa cour. 6 b
Amour est un brasier : ajter flâme à flâme, 6+6 a
Ce n’est que la grossir ; 6 b
115 Amour est une playe, et le jus du dictame 6+6 a
Le peut seul adoucir. 6 b
Amour est un désir : l’union et la joye 6+6 a
Est son terme et sa fin ; 6 b
Amour est un chasseur : il luy faut une proye, 6+6 a
120 Qu’il coure et prenne enfin. 6 b
Amour est un concert : il faut qu’il se compose 6+6 a
De différens accords ; 6 b
C’est un nœud mutuel qui veut et qui suppose 6+6 a
Un entrelas de corps. 6 b
125 Amour est un enfant : avecque la mammelle 6+6 a
Il luy faut le brouet ; 6 b
C’est un petit mignon qui bien souvent gromelle : 6+6 a
Il luy faut un jouet. 6 b
Vous estes nos moitiez, avec nous assorties 6+6 a
130 Vous formez un beau tout ; 6 b
Séparez-vous de nous, vous n’estes que parties, 6+6 a
Vous n’estes rien du tout. 6 b
Séparez-vous de nous, vous n’estes que des ombres 6+6 a
Sans force et sans pouvoir. 6 b
135 Vous estes les zéros, et nous sommes les nombres 6+6 a
Qui vous faisons valoir. 6 b
Je sçai que la beauté, par tout victorieuse, 6+6 a
Nous dompte et nous régit ; 6 b
Et que sur tous les cœurs sa force impérieuse 6+6 a
140 Également agit. 6 b
Hé bien, honorez-la, comme les autres choses, 6+6 a
D’un sentiment léger, 6 b
Comme on prise les lys, comme on chérit les roses 6+6 a
D’un parterre étranger. 6 b
145 Mais venir sur nos champs en faire des rapines 6+6 a
En insolent Vainqueur, 6 b
Ne méritez-vous pas d’y trouver des épines 6+6 a
Qui vous percent le cœur ? 6 b
Ah ! quittez désormais cette étrange manie, 6+6 a
150 Réglez mieux vos désirs ; 6 b
Et revenez gter, adorable Uranie, 6+6 a
Les solides plaisirs. 6 b
Mais vous, fière beauté, que prétendez-vous faire ? 6+6 a
Voulez-vous me ravir 6 b
155 Un bien qui neauroit que peu vous satisfaire, 6+6 a
Et peut bien me servir ? 6 b
Donnez-moy donc au moins une Amante pour l’autre, 6+6 a
Troquons, je le veux bien ; 6 b
Ou rendez-moy son cœur, ou donnez-moy le vôtre 6+6 a
160 À la place du sien. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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