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BEN_1/BEN90
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
STANCES.
L’Amant indifférent.
NON, je ne monte point à ce point d’insolence, 6+6 a
Que d’oser sans raison, d’un courage effronté, 6+6 b
Stenir de mes mœurs la trop grande licence, 6+6 a
Et la lasciveté. 6 b
5 Je ne les cèle plus, mes vœux illégitimes, 6+6 a
Si la confession amoindrit le péché ; 6+6 b
Insensé que je suis, je découvre des crimes 6+6 a
Que tout autre eût caché. 6 b
Quoique je les haïsse, et que je les déteste, 6+6 a
10 Mon âme encor pour eux a des désirs puissans : 6+6 b
C’est un subtil venin, c’est une douce peste 6+6 a
Qui veut charmer mes sens. 6 b
Ah ! qu’il est difficile, et que l’on a de peine 6+6 a
À supporter un faix qu’on voudroit décharger ! 6+6 b
15 Je nourris dans le cœur une espérance vaine 6+6 a
De m’en voir dégager. 6 b
Je combats vainement, ma passion trop forte 6+6 a
A réduit ma raison à ne plus résister, 6+6 b
Et ressemble au vaisseau que le courant emporte 6+6 a
20 Sans pouvoir s’arrêter. 6 b
Il n’est point de beau ni de grâce certaine 6+6 a
Que je puisse nommer l’objet de mes amours ; 6+6 b
Toutes sortes d’appas, me causant de la peine, 6+6 a
Font que j’aime toûjours. 6 b
25 Si quelqu’objet sur moy jette des yeux modestes, 6+6 a
Sa pudeur me ravit, il devient mon vainqueur, 6+6 b
Et de si doux regards sont les flâmes funestes 6+6 a
Qui m’embrasent le cœur. 6 b
Si je trouve au contraire une Dame affée, 6+6 a
30 Son langage un peu libre a pour moy des appas, 6+6 b
Et la place me plaît, qui peut être emportée 6+6 a
Sans beaucoup de combats. 6 b
Si j’en vois par hazard quelqu’une dédaigneuse, 6+6 a
D’une antique Sabine imitant le parler, 6+6 b
35 Je croy qu’elle le veut, mais qu’une âme orgueilleuse 6+6 a
La fait dissimuler. 6 b
Une docte me plaît, j’y trouve mille charmes, 6+6 a
J’adore incontinent ses rares qualitez : 6+6 b
Une innocente encor me fait rendre les armes 6+6 a
40 Par ses simplicitez. 6 b
S’il est quelque beau si fort passionnée, 6+6 a
Que de n’estimer rien que les vers que je fais, 6+6 b
Aussi-tost sous ses loix mon âme est enche, 6+6 a
Et j’aime à qui je plais. 6 b
45 S’il s’en rencontre aussi dont l’humeur plus sévère, 6+6 a
Blâme des vers qu’une autre aura trouvez charmans, 6+6 b
Je voudrois me venger d’un si doux adversaire 6+6 a
Par mille embrassemens. 6 b
L’une en se promenant chemine avec molesse, 6+6 a
50 Et d’un pied négligent elle forme ses pas ; 6+6 b
Son mouvement me plaît, et sa feinte paresse 6+6 a
A pour moy des appas. 6 b
L’autre d’un fier regard paroît inexorable, 6+6 a
Et d’un pas mesu marche superbement ; 6+6 b
55 Mais elle pourra bien devenir plus traitable 6+6 a
Dans les bras d’un Amant. 6 b
Parce que celle-là, si l’on n’est une souche, 6+6 a
Avec sa douce voix nous sçait si bien charmer, 6+6 b
Je voudrois dérober des baisers à sa bouche 6+6 a
60 Sans la faire fermer. 6 b
Cette autre icy fait plaindre en cent façons nouvelles 6+6 a
Les cordes que ses doigts sçavent si bien toucher ; 6+6 b
Pour n’aimer pas des mains si doctes et si belles 6+6 a
Il faut être un rocher. 6 b
65 Celle-cy me ravit par un geste agréable, 6+6 a
Qui fait suivre à ses bras la mesure des sons, 6+6 b
Et fait tourner le corps d’un art émerveillable 6+6 a
En cent doctes façons. 6 b
Toy, qui peux égaler par ta haute stature 6+6 a
70 Ces femmes de Héros que l’Antiquité vit, 6+6 b
Tu peux par ces faveurs que t’a fait la Nature 6+6 a
Occuper tout un lit. 6 b
L’autre, quoiqu’un peu courte, a pourtant du mérite, 6+6 a
Elle en est plus subtile au lascif mouvement ; 6+6 b
75 L’une et l’autre me plaît, la grande et la petite 6+6 a
Me rendent leur Amant. 6 b
Elle n’a mis nul soin à laver son visage, 6+6 a
On ne remarque en elle aucun ajustement : 6+6 b
Aussi-tost mon esprit songe quel avantage 6+6 a
80 Donne cet ornement. 6 b
Cette autre plus parée a consulté sa glace, 6+6 a
Pour donner à ses yeux de nouvelles clartez : 6+6 b
N’est-ce pas un grand point deavoir avec grâce 6+6 a
Étaler ses beautez ? 6 b
85 La Blanche me remplit d’une ardeur non-commune, 6+6 a
Pour la Blonde aussi-tost je mets les armes bas, 6+6 b
Et mes yeux mêmement dedans la couleur brune 6+6 a
Rencontrent des appas. 6 b
Des cheveux noirs pendans dessus un col d’ivoire 6+6 a
90 Ont des attraits puissans qui peuvent tout charmer, 6+6 b
Et ce fut de Léda la chevelure noire 6+6 a
Qui la fit tant aimer. 6 b
S’ils sont dorez, l’Aurore en avoit de semblables, 6+6 a
C’est par ses seuls rayons qu’on la voit éclater ; 6+6 b
95 Enfin je m’accommode à tout autant de fables 6+6 a
Qu’on en peut inventer. 6 b
Dessus moy, la jeunesse a beaucoup de puissance ; 6+6 a
Un âge un peu plus meur a dequoy m’enflâmer : 6+6 b
L’une par sa beauté, l’autre par sa prudence, 6+6 a
100 Me peut aussi charmer. 6 b
Enfin, s’il est encor quelques beautez nouvelles, 6+6 a
Qui puissent dans les cœurs porter la passion, 6+6 b
Mon amour y prétend, et pour toutes les Belles 6+6 a
J’ay de l’ambition. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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