Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BEN_1/BEN43
Isaac de BENSERADE
Poésies de Benserade
1697
STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES, ETC.
À Madame de Hautefort.
STANCES.
D’OÙ naît sur vôtre teint | cette fraîcheur nouvelle, 6+6 a
Qui vous fait éclater, | mieux que vous n’éclatiez ? 6+6 b
Je vous trouve plus grasse, | et vous trouve plus belle 6+6 a
Encor que vous n’étiez. 6 b
5 Vous avez éprouvé | le tracas et la peine ; 6+6 a
Maintenant vous goûtez | un repos assez doux ; 6+6 b
C’en est là le sujet, | vous étiez chez la reine, 6+6 a
Et vous êtes chez vous. 6 b
Vôtre vie est changée, | et vous en menez une 6+6 a
10 À qui dans la bassesse, | un beau loisir est joint ; 6+6 b
Si le soin de la cour | profite à la fortune, 6+6 a
Il nuit à l’embonpoint. 6 b
Vous obligiez les gens | d’une ardeur sans seconde, 6+6 a
Et, dans l’empressement | dont vous parliez pour eux, 6+6 b
15 Vous travailliez, ce semble, | à faire que le monde 6+6 a
N’eût plus de malheureux. 6 b
C’étoit vôtre plus chère | et plus noble avanture 6+6 a
De remplir les besoins, | et combler les souhaits ; 6+6 b
Si ce malheur est noble, | il est d’une nature 6+6 a
20 À ne finir jamais. 6 b
Au lieu que vous n’avez, | au séjour où vous êtes, 6+6 a
Ni troubles dans l’esprit, | ni fatigues au corps ; 6+6 b
Vos méditations | y sont libres et nettes 6+6 a
De crainte et de remords. 6 b
25 On vous a renvoyée | à vôtre solitude, 6+6 a
Comme on fit dans le tems | du dernier de nos rois ; 6+6 b
Et ce coup de malheur | vous semble aussi peu rude 6+6 a
Que la première fois. 6 b
Sans doute la Fortune, | à tout autre invincible, 6+6 a
30 Ayant différemment | vôtre esprit éprouvé, 6+6 b
A cherché quelque endroit | où vous fussiez sensible, 6+6 a
Et n’en a point trouvé. 6 b
Sa rigueur n’a rien pû, | non plus que son amorce ; 6+6 a
Quelque bien, quelque mal, | qu’elle ait pû vous offrir, 6+6 b
35 Toûjours également, | et de la même force, 6+6 a
Vous l’avez pû souffrir. 6 b
Vôtre âme qui n’est pas | de la trempe commune, 6+6 a
Et dont les mouvemens | sont sublimes et droits, 6+6 b
Fait aussi peu de cas | du vent de la Fortune 6+6 a
40 Que des soupirs des rois. 6 b
L’endroit le plus sensible, | où la douleur vous presse, 6+6 a
Et qui peut ébranler | un courage constant, 6+6 b
Est de n’être plus bien | auprés d’une maîtresse, 6+6 a
Qui vous chérissoit tant. 6 b
45 Que ne peut contre vous | dire la Renommée ? 6+6 a
La reine a toujours eu | des sentimens si doux, 6+6 b
Elle a tant de bonté, | vous a tant estimée ; 6+6 a
Et ne veut plus de vous. 6 b
Son procédé n’a rien | que de saint, que d’auguste ; 6+6 a
50 Un sujet sans raison | n’en est pas assailly ; 6+6 b
Les rois n’ont jamais tort, | et leur colère est juste, 6+6 a
Quoiqu’on n’ait pas failly. 6 b
Encore que sur vous | sa main s’appesantisse, 6+6 a
Portez avec respect | ses vénérables coups, 6+6 b
55 Et demeurez d’accord | qu’elle a de la justice, 6+6 a
Puisqu’elle a du courroux. 6 b
Il faut tout espérer | de sa bonté suprême, 6+6 a
Sinon vivre en repos | loin de cette bonté, 6+6 b
Et vous bâtir un port | dessus le rocher même 6+6 a
60 Où vous avez heurté. 6 b
De là quand vous verrez, | après vôtre naufrage, 6+6 a
Toucher à cent écueils, | cent vaisseaux égarez, 6+6 b
Vous en aimerez mieux, | à cause de l’orage, 6+6 a
L’endroit où vous serez. 6 b
65 Ce grand éclat n’est pas | ce que le peuple pense ; 6+6 a
La cour a des dégoûts, | et traîne un repentir ; 6+6 b
Jusques là, que beaucoup | ont quitté la puissance 6+6 a
Qui vous en fait sortir. 6 b
Ainsi vous passerez | des jours très-agréables 6+6 a
70 Dans un calme profond, | et si délicieux, 6+6 b
Que même vôtre exil | parmy les raisonnables, 6+6 a
Fera des envieux. 6 b
Comme il faut bien user | de l’âge qui s’écoule, 6+6 a
Et ménager le tems | qui ne peut revenir, 6+6 b
75 Dieu de sa propre main | vous tire de la foule 6+6 a
Pour vous entretenir. 6 b
C’est ce commerce étroit, | qui fait durer vos charmes, 6+6 a
Et les rend plus brillans, | au plus fort du malheur, 6+6 b
Qui pique votre esprit, | et luy fournit des armes 6+6 a
80 À vaincre sa douleur. 6 b
Et c’est là d’où vous vient | cette fraîcheur nouvelle, 6+6 a
Qui vous fait éclater | mieux que vous n’éclatiez, 6+6 b
Qui rend vos yeux plus vifs, | et qui vous rend plus belle 6+6 a
Encor plus que vous n’étiez. 7 b
mètre profils métriques : 6, 6+6, (7)
logo du CRISCO logo de l'université