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BCH_1/BCH89
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
II
LA MORT DE L'AMOUR
XXXV
Il ne nous reste donc, après tant de nuits folles, 6+6 a
Qu'à nous dire bonsoir et qu'à nous oublier ; 6+6 b
Si tant est que l'oubli puisse nous délier 6+6 b
D'un millier de serments et de tendres paroles. 6+6 a
5 Mais je ne veux pas dire, alors que tu t'en vas, 6+6 a
Que ce bonheur, c'est ton caprice qui me l'ôte ; 6−6 b
Ne me dis pas non plus que tout est de ma faute, 6+6 b
Soyons galants, pour Dieu ! ne nous insultons pas. 6+6 a
Nous subissons la loi des choses. — Quand j'y pense, 6+6 a
10 Je me dis « Pourquoi donc nous être tant aimés, 6+6 b
Pourquoi les soirs d'été si doux, si parfumés, 6+6 b
Ce murmure amoureux ou ce vaste silence ? » 6+6 a
Mais, puisque nous souffrons tous deux un mal commun, 6+6 a
Penses-tu donc que rien ne reste de ces choses ? 6+6 b
15 Oh ! dis, après avoir tant respiré de roses, 6+6 b
N'en garderons-nous pas je ne sais quel parfum ? 6+6 a
Et jusques à la mort, en nos chemins arides, 6+6 a
Le souvenir des temps qui se sont envolés 6+6 b
Ne planera-t-il pas sur nos deux fronts voilés 6+6 b
20 Où, parmi les baisers, se creusèrent des rides ? 6+6 a
Mais le temps fatal est venu, 8 a
L'amour t'a de nouveau conquise ; 8 b
Il me semble te voir assise, 8 b
Ma chère, auprès d'un inconnu. 8 a
25 Te dit-il les mêmes paroles 8 a
Qui jadis ont troublé ton cœur 8 b
En dépit du rire moqueur 8 b
Qui volait sur tes lèvres folles ? 8 a
L'amour n'a qu'un air à chanter, 8 a
30 Mais il est si doux et si tendre 8 b
Qu'une femme pourrait l'entendre 8 b
Pendant toute l'éternité. 8 a
Regardant sa tête si chère, 8 a
Tu vas glisser entre ses bras, 8 b
35 Et tu lui répètes tout bas 8 b
Ce que tu me disais naguère. 8 a
Non ! ta jeunesse est là qui m'aimera toujours ; 6+6 a
Tu ne verseras pas les mêmes pleurs d'amour, 6+6 a
Tu n'auras pas la voix si fraîche et si câline ! 6+6 b
40 Le regard .de tes yeux qui toujours m'illumine 6+6 b
Ne le percera pas, lui, de sa flèche d'or, 6+6 a
Car ta jeunesse est mienne et m'appartient encor. 6+6 a
Toutes les voix du ciel, dans la nature immense, 6+6 b
Auront beau murmurer l'éternelle romance 6+6 b
45 De la sainte beauté, du printemps et des fleurs, 6+6 a
Et nous dire d'aimer du profond de nos cœurs, 6+6 a
Nous resterons pensifs au milieu de nos joies ; 6+6 b
Si l'herbe est d'émeraude et que le ciel flamboie, 6+6 b
Alors qu'au clair soleil les. fleurs resplendiront, 6+6 a
50 N'osant pas, malgré tout, nous couronner le front 6+6 a
De roses ni de lis, mais de sombres pensées, 6+6 b
Nous porterons le deuil de nos amours passées. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6−6
forme globale type : suite périodique et distiques
schéma : 1{9(abba) 8((aa))}
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