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C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
BCH_1/BCH87
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
II
LA MORT DE L'AMOUR
XXXIII
LA SYMPHONIE DES SANGLOTS
J'ai couru comme un fou | sur la plage déserte ; 6+6 a
Et, secouant au vent | leur chevelure verte, 6+6 a
Les nymphes de la mer, | furieuses, hurlaient, 6+6 b
Et les bouches du vent | éperdument soufflaient. 6+6 b
5 On entendait au loin | un immense murmure ; 6+6 c
Les arbres secouaient, | sinistres, leur ramure, 6+6 c
Et leurs bruissements | sonores et profonds 6+6 d
Se mêlaient aux sanglots | des mers. — Et que me font 6+6 d
Ces milliers de voix | pleurant dans les ténèbres ? 6+6 f
10 Et ce lugubre oiseau | poussant des cris funèbres 6+6 f
Qui feraient se lever, | de leurs tombeaux, les morts, 6+6 g
Comme s'ils entendaient | la voix de leurs remords ? 6+6 g
Car je souffre d'un mal | plus terrible et plus sombre 6+6 h
Que ces cris d'épouvante | et que toute cette ombre 6+6 h
15 Où souffre et se lamente | et roule des sanglots 6+6 i
L'immortelle nature | en proie au noir chaos 6+6 i
Eh bien, déchaînez-vous, | tempêtes ! dans la brume 6+6 j
Que la lune apparaisse | un nimbe rouge au front, 6+6 e
Et de l'Océan morne | ensanglante l'écume ! 6+6 j
20 Que le vent essoufflé | donne de l'éperon 6+6 e
Au troupeau dispersé | des fuyardes nuées, 6+6 l
Et souffle à pleins poumons | au fond de son clairon ! 6+6 e
Et vous, les yeux hagards, | pâles prostituées 6+6 l
Qu'à la gorge saisit | la faim, venez pleurer 6+6 m
25 Vos âmes que la honte | en vos corps a tuées. 6+6 l
Amants abandonnés, | venez tous soupirer ; 6+6 m
Et toi que délaissa | Don Juan, infortunée 6+6 l
Qui devenais déesse | à t'en faire adorer ! 6+6 m
Et toi, triste inventeur | dont la tête inclinée 6+6 n
30 Sous la lampe est ridée | et blême à faire peur, 6+6 o
Maudis l'inexplicable | et sourde destinée. 6+6 n
Roulant dans l'étendue | ainsi qu'une vapeur, 6+6 o
Mêlez-vous, pressez-vous, | âmes désespérées, 6+6 l
Légion des vivants | que marqua la Douleur ! 6+6 o
35 Que le gémissement | des vagues éplorées, 6+6 l
Que les clameurs du vent | qui passe comme un fou 6+6 p
Et que toutes les voix | dans la nuit égarées 6+6 l
Pour mieux vous écouter | se taisent tout à coup ; 6+6 p
Et laissez, malheureux | qu'a reniés la terre, 6+6 r
40 Vos lamentations | monter je ne sais où ! 6+6 p
Et l'on eût dit vraiment | que toute la Matière 6+6 r
Se levait dans la nuit | pour maudire son Dieu : 6+6 s
Les vagues bondissaient | vers une lune en feu, 6+6 s
A la face du ciel | crachant leur froide écume ; 6+6 j
45 Et le vent, comme un cœur | que le regret consume, 6+6 j
Tantôt poussait des cris | et tantôt des sanglots. 6+6 i
Ah ! qui pouvait songer | aux pauvres matelots ? 6+6 i
J'avais là devant moi, | sortis de dessous terre, 6+6 r
Ceux que toute la vie | étreindra la misère, 6+6 r
50 Que la mélancolie | a rongés jusqu'aux os 6+6 i
Ou qu'un chagrin d'amour | étouffe en ses réseaux ; 6+6 i
Et pendant cette nuit | affreuse et tourmentée 6+6 n
Où la voix de la mer | hurlait épouvantée, 6+6 n
Poussés vers moi par un | sombre vent de douleur, 6−6 o
55 Tous les désespérés | ont pleuré sur mon cœur. 6+6 o
mètre profil métrique : 6−6
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