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BCH_1/BCH66
Maurice Bouchor
LES POËMES DE L'AMOUR ET DE LA MER
1876
II
LA MORT DE L'AMOUR
XV
Quand verrons-nous comme autrefois 8 a
Rougir, pimpantes et joyeuses, 8 b
Les petites fraises des bois 8 a
Comme des lèvres amoureuses ? 8 b
5 Quand verrons-nous comme autrefois 8 a
S'épanouir, fraîches écloses, 8 b
Les petites fraises des bois 8 a
Comme le bout de tes seins roses ? 8 b
Que de désirs inapaisés 8 a
10 Me brûlent le sang de leurs fièvres ! 8 b
Combien, mignonne, de baisers 8 a
Sécheront sur tes belles lèvres ! 8 b
Ils s'envolaient, beaux papillons, 8 a
Sans jamais tromper mon attente, 8 b
15 Et leurs ailes de vermillon 8 a
S'abattaient sur ma lèvre ardente. 8 b
A présent j'envoie, éperdu, 8 a
Mille baisers au vent qui passe ; 8 b
Dis-moi, n'as-tu pas entendu 8 a
20 Ce qu'il te disait à voix basse ? 8 b
Vent parfumé, qui dans ses plis 8 a
Comme en une étoffe de gaze. 8 b
Roule nos jours passés, remplis 8 a
D'une mystérieuse extase 8 b
25 Dis-moi, ne t'a-t-il point parlé 8 a
De la saison exquise et brève 8 b
Qui n'est plus qu'un rêve envolé, 8 a
Que l'ombre légère d'un rêve ? 8 b
Es-tu trop loin pour que sa voix 8 a
30 Puisse, en t'apportant mes tendresses, 8 b
Au souffle matinal des bois 8 a
Faire refleurir nos jeunesses ? 8 b
Oh ! dans ton solitaire ennui, 8 a
Es-tu trop loin ? Peux-tu m'entendre ? 8 b
35 — Comprends-tu tout ce que la nuit 8 a
A de douloureux et de tendre ? 8 b
Pleures-tu comme nous pleurions 8 a
Sous les étoiles, sous la lune 8 b
Aux mélancoliques rayons, 8 a
40 Regard furtif de la nuit brune ? 8 b
Loin de toi, mignonne aux grands yeux, 8 a
Que tu m'aimes, que tu m'oublies, 8 b
Je marche dans les bois brumeux 8 a
Parmi tant de mélancolies. 8 b
45 Le vent étouffe mes chansons, 8 a
Craignant que je ne te déplaise, 8 b
Et je vais le long des buissons 8 a
Où ne rougissent plus les fraises. 8 b
Car il n'est plus pour moi de plaisirs ni d'ennui, 6+6 a
50 Et je reste insensible à la joie infinie 6+6 b
Devoir se dérouler avec tant d'harmonie 6+6 b
La grâce des matins et la splendeur des nuits. 6+6 a
Je ne ressens plus rien de cet amour intense 6+6 a
Qui m'étreignait le cœur au lever du soleil ; 6+6 b
55 Je ne suis plus des yeux, dans ce foyer vermeil, 6+6 b
Chaque atome léger comme un lutin qui danse. 6+6 a
Et je ne connais plus, à l'heure de midi, 6+6 a
Le lourd sommeil sous l'ombre odorante des branches, 6+6 b
Tandis qu'en souriant mille visions blanches 6+6 b
60 S'élèvent lentement dans l'air attiédi. 6+6 a
Je ne regarde plus dans les molles prairies, 6+6 a
Quand les sentiers sont pleins de perles, vers le soir, 6+6 b
Les flaques d'eau luisant comme un pâle miroir 6+6 b
Où la lune a laissé tomber des pierreries. 6+6 a
65 Car le souvenir seul me fait paraître beau 6+6 a
Ce cher, délicieux et tendre paysage : 6+6 b
Mes yeux sont nuit et jour fixés sur un visage, 6+6 b
Et mon cœur vit en soi, comme dans un tombeau. 6+6 a
Le jour où malgré tout, malgré l'angoisse amère 6+6 a
70 De ne pouvoir presser dans mes bras la chimère 6+6 a
Qui s'est enfuie avec un sourire cruel, 6+6 b
Le jour où, sous l'ombrage épais des puissants chênes, 6+6 c
Le cœur sans souvenir et libre de mes chaînes 6+6 c
Je laisserai mes pleurs sécher au vent du ciel, 6+6 b
75 Loin d'elle, si mon âme éveillée et ravie 6+6 a
S'épanouit au souffle embaumé de la vie, 6+6 a
Si je lève les mains vers le grand ciel béni 6+6 b
Sans qu'une larme vienne humecter ma paupière, 6+6 c
Si dans tout ce bonheur mon cœur reste de pierre, 6+6 c
80 Je ne l'aimerai plus et tout sera fini. 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 12(abab) 5(abba) 2(aabccb)
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