Métrique en Ligne
BAU_2/BAU163
Charles BAUDELAIRE
LES ÉPAVES
(Édition partielle)
1864-1869
GALANTERIES
XII
LE MONSTRE
OU
LE PARANYMPHE D’UNE NYMPHE MACABRE
I
Tu n’es certes pas, ma très-chère, 8 a
Ce que Veuillot nomme un tendron. 8 b
Le jeu, l’amour, la bonne chère, 8 a
Bouillonnent en toi, vieux chaudron ! 8 b
5 Tu n’es plus fraîche, ma très-chère, 8 a
Ma vieille infante ! Et cependant 8 a
Tes caravanes insensées 8 b
T’ont donné ce lustre abondant 8 a
Des choses qui sont très-usées, 8 b
10 Mais qui séduisent cependant. 8 a
Je ne trouve pas monotone 8 b
La verdeur de tes quarante ans ; 8 a
Je préfère tes fruits, Automne, 8 b
Aux fleurs banales du Printemps ! 8 c
15 Non ! tu n’es jamais monotone ! 8 b
Ta carcasse a des agréments 8 c
Et des grâces particulières ; 8 a
Je trouve d’étranges piments 8 b
Dans le creux de tes deux salières ; 8 a
20 Ta carcasse a des agréments ! 8 b
Nargue des amants ridicules 8 a
Du melon et du giraumont ! 8 b
Je préfère tes clavicules 8 a
À celles du roi Salomon, 8 b
25 Et je plains ces gens ridicules ! 8 a
Tes cheveux, comme un casque bleu, 8 a
Ombragent ton front de guerrière, 8 b
Qui ne pense et rougit que peu, 8 a
Et puis se sauvent par derrière 8 b
30 Comme les crins d’un casque bleu. 8 a
Tes yeux qui semblent de la boue, 8 a
Où scintille quelque fanal, 8 b
Ravivés au fard de ta joue, 8 a
Lancent un éclair infernal ! 8 b
35 Tes yeux sont noirs comme la boue ! 8 a
Par sa luxure et son dédain 8 a
Ta lèvre amère nous provoque ; 8 b
Cette lèvre, c’est un Éden 8 a
Qui nous attire et qui nous choque. 8 b
40 Quelle luxure ! et quel dédain ! 8 a
Ta jambe musculeuse et sèche 8 a
Sait gravir au haut des volcans, 8 b
Et malgré la neige et la dèche 8 a
Danser les plus fougueux cancans. 8 b
45 Ta jambe est musculeuse et sèche ; 8 a
Ta peau brûlante et sans douceur, 8 a
Comme celle des vieux gendarmes, 8 b
Ne connaît pas plus la sueur 8 a
Que ton œil ne connaît les larmes. 8 b
50 (Et pourtant elle a sa douceur !) 8 a
II
Sotte, tu t’en vas droit au Diable ! 8 a
Volontiers j’irais avec toi, 8 b
Si cette vitesse effroyable 8 a
Ne me causait pas quelque émoi. 8 b
55 Va-t’en donc, toute seule, au Diable ! 8 a
Mon rein, mon poumon, mon jarret 8 a
Ne me laissent plus rendre hommage 8 b
À ce Seigneur, comme il faudrait. 8 a
« Hélas ! c’est vraiment bien dommage ! » 8 b
60 Disent mon rein et mon jarret. 8 a
Oh ! très-sincèrement je souffre 8 a
De ne pas aller aux sabbats, 8 b
Pour voir, quand il pète du soufre, 8 a
Comment tu lui baises son cas ! 8 b
65 Oh ! très-sincèrement je souffre ! 8 a
Je suis diablement affligé 8 a
De ne pas être ta torchère, 8 b
Et de te demander congé, 8 a
Flambeau d’enfer ! Juge, ma chère, 8 b
70 Combien je dois être affligé, 8 a
Puisque depuis longtemps je t’aime, 8 a
Étant très-logique ! En effet, 8 b
Voulant du Mal chercher la crème 8 a
Et n’aimer qu’un monstre parfait, 8 b
75 Vraiment oui ! vieux monstre, je t’aime ! 8 a
mètre profil métrique : 8
forme globale type : suite de strophes
schéma : 12[ababa] 2[abab] 1[ababcbc]
logo du CRISCO logo de l'université