Métrique en Ligne
BAR_1/BAR7
Jules BARBEY D'AUREVILLY
Poussières
1854
Le Cid
À Georges Landry.
Un soir, dans la Sierra, passait Campéador ; 6+6 a
Sur sa cuirasse d'or le soleil mirait l'or 6+6 a
Des derniers flamboiements d'une soirée ardente 6+6 a
Et semblait du héros la splendeur flamboyante ! 6+6 a
5 Il n'était qu'or partout, du cimier aux talons ; 6+6 a
L'or des cuissards froissait l'or des caparaçons ; 6+6 a
Des rubis grenadins faisaient feu sur son casque. 6+6 a
Mais ses yeux en faisaient plus encor sous son masque 6+6 a
Superbe, et de loisir, il allait sans pareil, 6+6 a
10 Et n'ayant rien à battre, il battait le soleil ! 6+6 a
Et les pâtres perchés aux rampes des montagnes, 6+6 a
Se le montraient flambant, au loin dans les campagnes, 6+6 a
Comme une tour de feu, ce grand cavalier d'or, 6+6 a
Et disaient : « C'est saint Jacque ou bien Campéador, » 6+6 a
15 Confondant tous les deux dans une même gloire, 6+6 a
L'un pour mieux l'admirer, l'autre pour mieux y croire. 6+6 a
Or, comme il passait là, magnifique et puissant, 6+6 a
Et calme, et grave, et lent, le radieux passant 6+6 a
Entendit dans le creux d'un ravin solitaire, 6+6 a
20 Une voix qui semblait, triste, sortir de terre ! 6+6 a
Et c'était, étendu sur le sol, un lépreux, 6+6 a
Une immondice humaine, un monstre, un être affreux, 6+6 a
Les deux pieds du cheval, se dressant en arrière, 6+6 a
Dont l'aspect fit lever tout droit dans la poussière, 6+6 a
25 S'ils touchaient à cet être, en resteraient souillés 6+6 a
Comme s'il eût compris que les fers de ses pieds, 6+6 a
Cependant le héros, dans sa splendeur d'archange, 6+6 a
Et qu'il ne pourrait plus en essuyer la fange ; 6+6 a
Inclinant son panache éclatant, aperçut 6+6 a
30 Le hideux malandrin, sale et vil, le rebut 6+6 a
Du haut de son cheval cabré, comme d'un trône, 6+6 a
Du monde, — il lui tendit noblement son aumône, 6+6 a
Qui la lui demandait au nom de Jésus-Christ ! 6+6 a
A ce lépreux impur, contagieux maudit, 6+6 a
35 C'est alors qu'on put voir une chose touchante : 6+6 a
Allongeant vers le Cid sa main pulvérulente, 6+6 a
Le lépreux accroupi se mit sur ses genoux, 6+6 a
Surpris — le repoussé — de voir un homme doux 6+6 a
Ne pas montrer l'horreur qu'inspirait sa présence 6+6 a
40 Et touché dans le cœur de voir cette pitié, 6+6 b
Il osa, lui, le vil, l'affreux, l'humilié, 6+6 b
Et ne pas l'écarter du bois dur de sa lance ; 6+6 a
Dans un de ces élans plus forts que la nature, 6+6 a
Au gantelet d'acier coller sa bouche impure. 6+6 a
45 Le malheureux savait qu'il pouvait appuyer, 6+6 a
Sans lui donner son mal, sur le brillant acier, 6+6 a
Le mouiller de sa lèvre, y traîner son haleine. 6+6 a
Lui qui n'avait jamais baisé de main humaine 6+6 a
Et qui donnait la mort d'un seul attouchement, 6+6 a
50 Vautra son front dartreux sur l'acier de ce gant, 6+6 a
Et le Cid le laissa très tranquillement faire, 6+6 a
Sans dédain, sans dégoût, sans haine, sans colère ; 6+6 a
Immobile, il restait le grand Campéador ! 6+6 a
Que pouvait-il penser sous le grillage d'or 6+6 a
55 De son casque en rubis, quand il vit cette audace ? 6+6 a
Quel sentiment passa sous l'or de sa cuirasse ? 6+6 a
Mais il fixa longtemps le lépreux, — puis, soudain, 6+6 a
Il arracha son gant et lui donna la main. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
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