Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAR_1/BAR6
Jules BARBEY D'AUREVILLY
Poussières
1854
La Haine Du Soleil
À Mademoiselle Louise Read.
Un soir, j'étais debout, | auprès d'une fenêtre… 6+6 a
Contre la vitre en feu | j'avais mon front songeur, 6+6 b
Et je voyais, là-bas, | lentement disparaître 6+6 a
Un soleil embrumé | qui mourait sans splendeur ! 6+6 b
5 C'était un vieux soleil | des derniers soirs d'automne, 6+6 c
Globe d'un rouge épais, | de chaleur épuisé, 6+6 d
Qui ne faisait baisser | le regard à personne, 6+6 c
Et qu'un aigle aurait méprisé ! 8 d
Alors, je me disais, | en une joie amère : 6+6 a
10 « Et toi, Soleil, aussi, | j'aime à te voir sombrer ! 6+6 b
Astre découronné | comme un roi de la terre, 6+6 a
Tête de roi tondu | que la nuit va cloîtrer ! » 6+6 b
Demain, je le sais bien, | tu sortiras des ombres ! 6+6 c
Tes cheveux d'or auront | tout à coup repoussé ! 6+6 b
15 Qu'importe ! j'aurai cru | que tu meurs quand tu sombres ! 6+6 c
Un moment je l'aurai pensé ! 8 b
Un moment j'aurai dit : | « C'en est fait, il succombe, 6+6 a
Le monstre lumineux | qu'ils disaient éternel ! 6+6 b
Il pâlit comme nous, | il se meurt, et sa tombe 6+6 a
20 N'est qu'un brouillard sanglant | dans quelque coin du ciel ! » 6+6 b
Grimace de mourir ! | grimace funéraire ! 6+6 c
Qu'en un ciel ennuité | chaque jour il fait voir… 6+6 d
Eh bien, cela m'est doux | de la sentir vulgaire, 6+6 c
Sa façon de mourir ce soir ! 8 d
25 Car je te hais, Soleil, | oh ! oui, je te hais comme 6+6 a
L'impassible témoin | des douleurs d'ici-bas… 6+6 b
Chose de feu, sans cœur, | je te hais comme un homme ! 6+6 a
L'être que nous aimons | passe et tu ne meurs pas ! 6+6 b
L'œil bleu, le vrai soleil | qui nous verse la vie, 6+6 c
30 Un jour perdra son feu, | son azur, sa beauté, 6+6 d
Et tu l'éclaireras | de ta lumière impie, 6+6 c
Insultant d'immortalité. 8 d
Et voilà, vieux Soleil, | pourquoi mon cœur t'abhorre ! 6+6 a
Voilà pourquoi je t'ai | toujours haï, Soleil ! 6+6 b
35 Pourquoi je dis, le soir, | quand le jour s'évapore : 6+6 a
« Ah ! si c'était sa mort | et non plus son sommeil ! » 6+6 b
Voilà pourquoi je dis, | quand tu sors d'un ciel sombre : 6+6 c
« Bravo ! ses six mille ans | l'ont enfin achevé ! 6+6 d
L'œil du cyclope a donc | enfin trouvé dans l'ombre 6+6 c
40 La poutre qui l'aura crevé ! » 8 d
Et que le sang en pleuve | et sur nos fronts ruisselle, 6+6 a
A la place où tombaient | tes insolents rayons ! 6+6 b
Et que la plaie aussi | nous paraisse éternelle 6+6 a
Et mette six mille ans | à saigner sur nos fronts ! 6+6 b
45 Nous n'aurons plus alors | que la nuit et ses voiles, 6+6 c
Plus de jour lumineux | dans un ciel de saphir ! 6+6 d
Mais n'est-ce pas assez | que le feu des étoiles 6+6 c
Pour voir ce qu'on aime mourir ? 8 d
Pour voir la bouche en feu | par nos lèvres usée 6+6 a
50 Nous dire froidement : | « C'est fini, laisse-moi ! » 6+6 b
Et s'éteindre l'amour | qui, dans notre pensée, 6+6 a
Allumait un soleil | plus éclatant que toi ! 6+6 b
Pour voir errer parmi | les spectres de la terre 6+6 c
Le spectre aimé qui semble | et vivant et joyeux, 6+6 d
55 La nuit, la sombre nuit | est encore trop claire… 6+6 c
Et je l'arracherais des cieux ! 8 d
mètre profils métriques : 8, 6+6
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