Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAR_1/BAR13
Jules BARBEY D'AUREVILLY
Poussières
1854
Treize Ans
Elle avait dix-neuf ans.Moi, treize. Elle était belle ; 6+6 a
Moi, laid. Indifférente,et moi je me tuais… 6+6 b
Rêveur sombre et brûlant,je me tuais pour elle. 6+6 a
Timide, concentré,fou, je m'exténuais… 6+6 b
5 Mes yeux noirs et battusfaisaient peur à ma mère ; 6+6 c
Mon pâle front avaittout à coup des rougeurs 6+6 d
Qui me montaient du cœurcomme un feu sort de terre ! 6+6 c
 Je croyais que j'avais deux cœurs. 8 d
Un n'était pas assezpour elle. Ma poitrine 6+6 a
10 Semblait sous ces deux cœursdevoir un jour s'ouvrir 6+6 b
Et les jeter tous deuxsous sa fière bottine, 6+6 a
Pour qu'elle pût foulermieux aux pieds son martyr ! 6+6 b
Ô de la pubertéla terrible démence ! 6+6 c
Qui ne les connut pas,ces amours de treize ans ? 6+6 d
15 Solfatares du cœurqui brûlent en silence, 6+6 c
 Embrasements, étouffements ! 8 d
Je passais tous mes joursà ne regarder qu'elle 6+6 a
Et le soir, mes deux yeux,fermés comme deux bras, 6+6 b
L'emportaient, pour ma nuit,au fond de leur prunelle 6+6 a
20 Ah ! le regard fait tout,quand le cœur n'ose pas ! 6+6 b
Le regard, cet oseuret ce lâche, en ses fièvres, 6+6 c
Sculpte le corps aimésous la robe, à l'écart… 6+6 d
Notre cœur, nos deux mains,et surtout nos deux lèvres ; 6+6 c
 Nous les mettons dans un regard ! 8 d
25 Mais un jour je les misailleurs… et dans ma vie 6+6 a
Coup de foudre reçun'a fumé plus longtemps ! 6+6 b
C'est quand elle me dit :« Cousin, je vous en prie… » 6+6 a
Car nous étions tous deuxfamiliers et parents ; 6+6 b
Car ce premier amour,dont la marque nous reste 6+6 c
30 Comme l'entaille, hélas !du carcan reste au cou, 6+6 d
Il semble que le Diabley mêle un gt d'inceste 6+6 c
 Pour qu'il soit plus ivre et plus fou ! 8 d
Et c'était un : « Je veux !» que ce : « Je vous en prie, 6+6 a
Allons voir le chevalque vous dressez pour moi… » 6+6 b
35 Elle entra hardimentdans la haute écurie, 6+6 a
Et moi, je l'y suivis,troublé d'un vague effroi 6+6 b
Nous étions seuls ; l'endroitétait grand et plein d'ombre, 6+6 c
Et le cheval, sellécomme pour un départ, 6+6 d
Ardent au râtelier,piaffait dans la pénombre 6+6 c
40  Mes deux lèvres, dans mon regard, 8 d
Se collaient à son corps,— son corps, ma frénésie ! — 6+6 a
Arrêté devant moi,cambré, voluptueux, 6+6 b
Qui ne se doutait pasque j'épuisais ma vie 6+6 a
Sur ses contours, étreintset mangés par mes yeux ! 6+6 b
45 Elle avait du matinsa robe blanche et verte, 6+6 c
Et sa tête était nue,et ses forts cheveux noirs 6+6 d
Tordus, tassés, lisséssans une boucle ouverte, 6+6 c
 Avaient des lueurs de miroirs ! 8 d
Elle se retourna :« Mon cousin, — me dit-elle 6+6 a
50 Simplement, — de ce tonqui nous fait tant de mal ! — 6+6 b
Vous n'êtes pas assezfort pour me mettre en selle ?… » 6+6 a
Je ne répondis point,— mais la mis à cheval 6+6 b
D'un seul bond !… avec larapidité du rêve, 6−6 c
Et, ceignant ses jarretsde mes bras éperdus, 6+6 d
55 Je lui dis, enivrédu fardeau que j'enlève : 6+6 c
 « Pourquoi ne pesez-vous pas plus ? » 8 d
Car on n'a jamais tropde la femme qu'on aime 6+6 a
Sur le cœur, — dans les bras,— partout, — et l'on voudrait 6+6 b
Souvent mourir pâmépâmé sous le poids même 6+6 a
60 De ce cors, dense et chaud,qui nous écraserait ! 6+6 b
Je la tenais toujourssous ses jarrets, — la selle 6+6 c
Avait reçu ce poidsqui m'en rendait jaloux, 6+6 d
Et je la regardais,dans mon ivresse d'elle, 6+6 c
 Ma bouche effleurant ses genoux ; 8 d
65 Ma bouche qui séchaitde désir, folle, avide 6+6 a
Mais Elle, indifférenteen sa tranquillité, 6+6 b
Tendait rêveusementles rênes de la bride, 6+6 a
— Callipyge superbe,assise de côté ! 6+6 b
Tombant sur moi de haut,en renversant leur flamme, 6+6 c
70 Ses yeux noirs, très couvertspar ses cils noirs baissés, 6+6 b
Me brûlaient jusqu'au sang,jusqu'aux os, jusqu'à l'âme, 6+6 c
 Sans que je leur criasse : « Assez ! » 8 b
Et le désir, martyreà la fois et délice, 6+6 a
Me couvrait de ses longsfrissons interrompus ; 6+6 b
75 Et j'éprouvais alorscet étrange supplice 6+6 a
De l'homme qui peut tout…et pourtant n'en peut plus ! 6+6 b
A tenir sur mes brassa cuisse rebondie, 6+6 c
Ma tête s'en allait,— tournoyait, — j'étais fou ! 6+6 d
Et j'osai lui planterun baiser… d'incendie 6+6 c
80  Sur la rondeur de son genou ! 8 d
Et ce baiser la fitcrier comme une flamme 6+6 a
Qui l't mordue au cœur,au sein, au flanc, partout ! 6+6 b
Et ce baiser tombésur un genou de femme 6+6 a
Par la robe voilé,puis ce cri… ce fut tout ! 6+6 b
85 Ce fut tout ce jour-là.— Rigide sur sa selle, 6+6 c
Elle avait pris mon frontet avait écarté 6+6 d
De ses tranquilles mains,ce front, ce front plein d'elle, 6+6 c
 Rebelle qu'elle avait dompté ! 8 d
Et ce fut tout depuis,et toujours. Notre vie 6+6 a
90 S'en alla bifurquantpar des chemins divers. 6+6 b
Peut-être elle oublia,cet instant de folie, 6+6 a
de la voir ainsimit mon âme à l'envers ! 6+6 b
Elle oublia. Moi, non.Et nulle de ces femmes 6+6 c
Qui, depuis, m'ont le mieuxpassé les bras au cou, 6+6 d
95 N'arracha de ma lèvre,avec sa lèvre en flammes, 6+6 c
 L'impression de ce genou ! 8 d
mètre profils métriques : 8, 6−6
logo du CRISCO logo de l'université