Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAN_9/BAN399
Théodore de BANVILLE
LES STALACTITES
1843-1846
La Symphonie de la Neige
Chaque année, au printemps, elles
reviennent chargées de neige ;
Dans la cour de la salle qu'embellissent
les fleurs du Haïtang, elles rivalisent de
blancheur avec la lune ;
Douze jalousies ornées de perles les
enveloppent en se relevant ;
Un couple d'hirondelles blanches vole en
haut et en bas.
Les deux jeunes filles lettrées,
roman chinois.
I
La neige qui s'amasse et tombe dans la neige, 6+6 a
Du ciel, à gros flocons, sur la terre descend, 6+6 b
Et, comme pour les pas d'un triomphal cortège, 6+6 a
Son glorieux tapis rayonne éblouissant. 6+6 b
5 D'autres regretteront, devant cette richesse, 6+6 a
Les pourpris que l'Aurore arrose de ses pleurs, 6+6 b
Le gazon aplani pour des pieds de duchesse, 6+6 a
Et le rose printemps des oiseaux et des fleurs ; 6+6 b
Et de ne plus revoir, au soleil d'or qui baise 6+6 a
10 Les grands coquelicots, orgueil mouvant des blés, 6+6 b
Les gammes de Rubens et de Paul Véronèse 6+6 a
Tourbillonner en chœur devant leurs yeux troublés. 6+6 b
Mais moi, j'aime à songer devant cette harmonie, 6+6 a
Et toutes les blancheurs des rêves anciens 6+6 b
15 Mettent d'accord leurs voix pour une symphonie, 6+6 a
Et leur rhythme plaintif me prend dans ses liens. 6+6 b
II
C'est dans le mol oubli d'un ciel douteux et pâle 6+6 a
Qui donne à toute chose un prestige charmant, 6+6 b
Et qui passe en douceur le duvet et l'opale, 6+6 a
20 Que le drame du jour s'agite vaguement. 6+6 b
Leurs six ailes au vent, pareilles à des voiles, 6+6 a
Les Anges sont épars dans les chemins du ciel ; 6+6 b
Les nuages rêveurs font la cour aux étoiles, 6+6 a
Et tout l'éther frémit d'un amour sensuel. 6+6 b
25 Les lacs sont habités par la troupe des cygnes, 6+6 a
Qui semblent frissonner sous nos soleils pâlis, 6+6 b
Et l'ombre du feuillage a les marbres insignes 6+6 a
Dont un grêle rayon baise les pieds polis. 6+6 b
III
Ces filles de la Grèce aux allures profanes 6+6 a
30 Écartent en riant les cheveux du bouleau ; 6+6 b
Et, cherchant le repos dans les flots diaphanes, 6+6 a
L'escalier des palais plonge son pied dans l'eau. 6+6 b
Sur la vague s'agite une légère écume, 6+6 a
Comme celle où, parmi les dauphins entraînés, 6+6 b
35 Pleine, ainsi que les flots, de charme et d'amertume, 6+6 a
Aphrodite jaillit des flots rassérénés. 6+6 b
(Dans la conque de nacre, avec ses pieds timides, 6+6 a
Vierge elle caressait les Grâces et les Jeux, 6+6 b
Et les purs diamants et les perles humides 6+6 a
40 Ruisselaient de sa bouche et de ses blonds cheveux.) 6+6 b
Voici les bois sacrés à la Mélancolie 6+6 a
Où, mêlant à la brise un murmure confus, 6+6 b
L'oranger, le laurier, le myrte d'Idalie 6+6 a
Accueille mille oiseaux dans ses dômes touffus. 6+6 b
45 C'est là que le pommier fleurit, et que la rose, 6+6 a
Fière de son bouton suave, encor tout blanc, 6+6 b
Déjà pâmée, attend que l'Aurore l'arrose 6+6 a
Et que l'enfant au dard la teigne de son sang. 6+6 b
IV
En cavalcade, au long des terrasses de brique, 6+6 a
50 Des dames, dont Zéphyr baise le front mutin, 6+6 b
Avec des cavaliers au sourire lubrique, 6+6 a
Passent dans leurs habits d'hermine et de satin. 6+6 b
Les pages, les muguets langoureux et bravaches, 6+6 a
Et les belles de cour, aux cheveux crespelés, 6+6 b
55 Font briller dans la nuit, sous d'insolents panaches, 6+6 a
Les fronts de leurs chevaux d'une flamme étoilés. 6+6 b
La nappe encore vierge est mise pour l'orgie, 6+6 a
Et les flacons d'argent brillent sur le dressoir, 6+6 b
Tandis qu'à la fenêtre, avec sa main rougie, 6+6 a
60 Elvire désolée agite son mouchoir. 6+6 b
Et dans l'ombre, un fuyard, qu'une autre ombre accompagne, 6+6 a
Les cheveux hérissés par le vent qui les suit, 6+6 b
Rejoint ses compagnons dans l'immense campagne, 6+6 a
Au galop d'un coursier sombre comme la Nuit. 6+6 b
V
65 Blanche, dans un massif, dort parmi les dentelles 6+6 a
Dont le bouquet foisonne autour de ses beaux seins ; 6+6 b
Elle rêve, et son corps, semblable aux tourterelles, 6+6 a
Creuse en nid embaumé le duvet des coussins. 6+6 b
Auprès d'elle, à mi-voix, deux colombes mystiques, 6+6 a
70 Au milieu des ardeurs du tiède renouveau, 6+6 b
Se murmurent, ainsi que des lyres antiques, 6+6 a
Des vers d'Anacréon, d'Orphée et de Sappho. 6+6 b
VI
Ainsi la Rêverie en mon âme s'épanche, 6+6 a
Et, le front caressé par ses folles fraîcheurs, 6+6 b
75 J'entends s'épanouir en moi (divine Blanche !) 6+6 a
L'accord mélodieux de toutes les blancheurs. 6+6 b
Mais ces pâles amours de fleurs et de sculptures, 6+6 a
Dont je mène en chantant le chœur étiolé, 6+6 b
Sont encore à mes yeux moins blanches et moins pures 6+6 a
80 Que votre âme sereine, ô Lys inviolé ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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