Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
BAN_8/BAN364
Théodore de BANVILLE
LE SANG DE LA COUPE
1857
La Muse Héroïque
Ode
récitée à la comédie française
par
Mademoiselle Rachel
le 6 janvier 1854
La Muse
Peuple, écoute la voix | de la Muse héroïque. 6+6 a
Pensive et recueillie | et tout émue encor, 6+6 b
Je viens chanter Corneille, | et sur son front stoïque 6+6 a
Étendre cette main | qui tient des sceptres d'or. 6+6 b
5 Car son esprit vivant | dans ma veine circule, 6+6 a
Et de l'éternité | montrant déjà le sceau, 6+6 b
Le jour où je naquis | Déesse, comme Hercule 6+6 a
J'étouffai les serpents | autour de mon berceau. 6+6 b
De sa tête vouée | aux sublimes délires, 6+6 a
10 Calme, je m'élançai | telle que tu me vois, 6+6 b
Et déjà, pour dompter | les clairons et les lyres, 6+6 a
Portant les ouragans | épiques dans ma voix. 6+6 b
O Français, devant vous, | sur ce même théâtre 6+6 a
Où les penseurs, à qui | j'enseigne ma fierté, 6+6 b
15 Chantent en vers divins | leur poëme, idolâtre 6+6 a
De l'honneur, du devoir | et de la liberté ; 6+6 b
Sur cette même scène | où, tendre et familière, 6+6 a
Et me tendant ses mains | en m'appelant sa sœur, 6+6 b
La grande Comédie, | amante de Molière, 6+6 a
20 A démasqué le vice | et fait voir sa noirceur ; 6+6 b
Sur ce champ de bataille | où notre voix profonde, 6+6 a
Ressuscitant les morts | dans la nuit du tombeau, 6+6 b
Évoque, pour servir | d'enseignement au monde, 6+6 a
L'Histoire secouant | son glaive et son flambeau ; 6+6 b
25 Dans ce souverain temple | ouvert à la pensée, 6+6 a
Nos devanciers cherchaient | encor leur talisman, 6+6 b
Et, dans leur fiction | froidement insensée, 6+6 a
Égaraient au hasard | des héros de roman. 6+6 b
Jeux bouffons sans gaieté, | drames sans épouvante, 6+6 a
30 Leur fantaisie en vain | s'agitait : pas un cri 6+6 b
Sorti d'une poitrine | émue et bien vivante ! 6+6 a
Et celle qui nous jette | un sourire attendri, 6+6 b
La Vérité, vers qui | notre désir s'élance, 6+6 a
Levant ses yeux d'azur | vers le ciel étoilé, 6+6 b
35 Honteuse, et s'accusant | de garder le silence, 6+6 a
Sanglotait tristement | sur son miroir voilé. 6+6 b
Enfin je suis venue, | apportant la lumière. 6+6 a
Un soir… ô grande voix | du peuple ! ô souvenir 6+6 b
Toujours éblouissant | de ma grandeur première, 6+6 a
40 Que se rappelleront | les peuples à venir ! 6+6 b
Regardez, c'est l'Espagne | amoureuse ! Quelle âme 6+6 a
A tant de passion | oppose la vertu ? 6+6 b
Toi qui mets tes deux mains | sur ton sein plein de flamme 6+6 a
Pour garder avant tout | l'honneur, qui donc es-tu ? 6+6 b
45 Quel heureux charme a pris | cette salle étonnée ! 6+6 a
D'où venez-vous, effroi, | pitié, vous, tendres pleurs, 6+6 b
Émotion ? Le Cid | a paru, je suis née ! 6+6 a
Le ciel s'ouvre, battez | des mains, jetez des fleurs ! 6+6 b
Au gré de mon poëte, | espagnole et romaine, 6+6 a
50 J'éveille les guerriers | de leur sommeil jaloux. 6+6 b
Je m'appelle Camille, | Émilie et Chimène : 6+6 a
Famille de héros, | nous voici, levez-vous ! 6+6 b
Rodrigue, ta maison | veut un fils digne d'elle ! 6+6 a
Ton cœur saigne ; qu'importe, | ô soldat sans effroi ? 6+6 b
55 Qu'il saigne, et sers d'un cœur | également fidèle 6+6 a
Ton père et ton pays, | ta maîtresse et ton roi ! 6+6 b
Toi, Rome te regarde, | immole-lui ta race ! 6+6 a
Va combattre ton frère ! | et toi, vieil empereur, 6+6 b
Efface pour jamais | la victoire d'Horace, 6+6 a
60 Aux pieds de la clémence | immole ta fureur ! 6+6 b
Toi, Polyeucte, viens, | nouveau-né du baptême ! 6+6 a
Ne songe en t'inclinant, | humble, dans le saint lieu, 6+6 b
Qu'à prendre ta patrie | avec tout ce qui t'aime, 6+6 a
Pour faire un holocauste | à mettre aux pieds de Dieu ! 6+6 b
65 Et, plus nous avancions | vers les horizons vastes, 6+6 a
Austères, et toujours | pour le bien travaillant, 6+6 b
Chacun, en écoutant | nos voix enthousiastes, 6+6 a
Se sentait devenir | meilleur et plus vaillant. 6+6 b
Oui, telle fut notre œuvre, | ô mon père, ô Corneille ! 6+6 a
70 Et maintenant, où sont | les pâles envieux ? 6+6 b
Qu'importent aujourd'hui | les douleurs de la veille, 6+6 a
Et ceux qui te mordaient, | lion devenu vieux ? 6+6 b
Qu'importe si jadis, | lorsque l'âge sinistre 6+6 a
Jetait sur toi son ombre | et te glaçait enfin, 6+6 b
75 Toi dont César-Auguste | aurait fait un ministre, 6+6 a
Tu t'écriais un jour : | L'auteur du Cid a faim ! 6+6 b
Les siècles t'ont vengé, | Titan rival d'Eschyle, 6+6 a
Et, lorsqu'ils nommeront | tous les victorieux, 6+6 b
Se rappelleront moins | la crinière d'Achille 6+6 a
80 Que tes souliers de pauvre | et leurs trous glorieux. 6+6 b
Et moi, pieusement, | d'une main ferme et juste, 6+6 a
En disant à nos fils : | Comme lui vous vaincrez, 6+6 b
J'ai caché tes haillons | sous une pourpre auguste, 6+6 a
Et couvert tes cheveux | de ces rameaux sacrés ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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