Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAN_8/BAN361
Théodore de BANVILLE
LE SANG DE LA COUPE
1857
A la Forêt de Fontainebleau
O forêt adorée | encor, Fontainebleau ! 6+6 a
Dis-moi, le gardes-tu | sur le tronc d'un bouleau, 6+6 a
Ce nom que j'appelais | mon espoir et mes forces, 6+6 b
Et que j'avais gravé | partout dans tes écorces ? 6+6 b
5 Elle, enfant comme moi, | nous allions, le matin, 6+6 a
Respirer les odeurs | de verdure et de thym, 6+6 a
Et voir tes rochers gris | s'éveiller dans la flamme. 6+6 b
Puis, quand se reposait | celle qui fut mon âme, 6+6 b
Lorsque tes horizons | brûlent, que, vers midi, 6+6 a
10 Le serpent taché d'or | se relève engourdi, 6+6 a
Je contemplais, effroi | d'une âme sérieuse, 6+6 b
Cette heure du soleil, | blanche et mystérieuse ! 6+6 b
N'est-ce pas, n'est-ce pas | que vous étiez vivant, 6+6 a
Noir feuillage, immobile | et triste sous le vent, 6+6 a
15 Comme une mer qu'un dieu | rend docile à ses chaînes ? 6+6 b
Et vous, colosses fiers, | arbres noueux, grands chênes, 6+6 b
Rien n'agitait vos fronts, | par le temps centuplés ! 6+6 a
Pourtant vos bras tordus | et vos muscles gonflés, 6+6 a
Ces poses de lutteurs | affamés de carnage 6+6 b
20 Que vous conserviez, même | à cette heure où tout nage 6+6 b
Dans la vive lumière | et l'atmosphère en feu, 6+6 a
Laissaient voir qu'autrefois, | sous ce ciel vaste et bleu, 6+6 a
Vous aviez dû combattre, | ô géants centenaires ! 6+6 b
Au milieu des Titans | vaincus par les tonnerres. 6+6 b
25 Et vous, rochers sans fin, | suspendus et croulants, 6+6 a
Sur qui l'oiseau sautille, | et qui, depuis mille ans, 6+6 a
Gardez, sans être las, | vos effroyables poses, 6+6 b
La mousse et le lichen | et les bruyères roses 6+6 b
Ont beau vivre sur vous | comme un jardin en fleur, 6+6 a
30 Ne devine-t-on pas | dans quelle âpre douleur 6+6 a
Un volcan souterrain, | contre le jour qu'il brave, 6+6 b
Jadis vous a vomis | avec un flot de lave ! 6+6 b
Les sauvages buissons | de mûres diaprés, 6+6 a
Aux rayons du soleil | montraient leurs fruits pourprés. 6+6 a
35 A peine si parfois, | parmi les branches hautes, 6+6 b
Un léger mouvement | me révélait des hôtes ; 6+6 b
Et pourtant, si ma main, | écartant leur fouillis, 6+6 a
Eût fait entrer le jour | dans ces vivants taillis, 6+6 a
J'aurais vu s'y tapir | dans les ombres fumeuses 6+6 b
40 L'épouvantable essaim | des bêtes venimeuses ! 6+6 b
Or, je disais devant | ce spectacle divin : 6+6 a
Poëte, voile-toi | pour le vulgaire vain ! 6+6 a
Qu'il ne puisse à ta Muse | enlever sa ceinture, 6+6 b
Et souris-leur, pareil | à la grande Nature ! 6+6 b
45 Sous ta sérénité | cache aussi ton secret ! 6+6 a
Réponds, ai-je tenu | ma parole, ô forêt ? 6+6 a
Et n'ai-je pas rendu | mon âme et mon visage 6+6 b
Silencieux et doux | comme un beau paysage ? 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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