Métrique en Ligne
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Théodore de BANVILLE
LE SANG DE LA COUPE
1857
La Toison d'Or
I
Je vois au grand soleil tes cheveux insolents 6+6 a
Rayonner et frémir, dignes d'un chant lyrique. 6+6 b
Jaunes comme l'arc d'or de la nymphe homérique, 6+6 b
Ils courent sur ton sein par de hardis élans. 6+6 a
5 Et l'ivoire qui mord leurs anneaux ruisselants, 6+6 a
Avant de contenir cette extase féerique 6+6 b
Arrêterait plutôt les fleuves d'Amérique 6+6 b
Où la neige des monts pleure depuis mille ans. 6+6 a
Pour caresser tes lys que la lumière adore, 6+6 a
10 Et tes blancheurs d'étoile et tes rougeurs d'aurore, 6+6 a
Ils tombent sur tes reins en flots impétueux. 6+6 a
Pareille aux plis épars de la poupre qui saigne, 6+6 b
Pour venir embrasser ton corps voluptueux 6+6 a
Leur onde se dérobe aux baisers de ton peigne. 6+6 b
II
15 Tel brille un vin de flamme à travers sa prison, 6+6 a
Tels rayonnent, vainqueurs des nuages moroses, 6+6 b
Dans les cieux empourprés à ces métamorphoses, 6+6 b
Les jardins du soleil en pleine floraison ; 6+6 a
Telle, cette ondoyante et soyeuse toison 6+6 a
20 S'étale fièrement sur des bosquets de roses, 6+6 b
Et, pour cacher l'Amour en leurs apothéoses, 6+6 b
Les topazes et l'or y brillent à foison. 6+6 a
S'il eût peint avant moi cette riche crinière, 6+6 a
Rubens, illuminant de clartés l'atmosphère, 6+6 a
25 En eût fait à l'entour un splendide foyer, 6+6 a
Comme jadis, afin d'éterniser ta gloire, 6+6 b
Les sculpteurs de l'Attique eussent fait flamboyer 6+6 a
L'or pur sur les blancheurs tranquilles de l'ivoire. 6+6 b
III
Déroule tes cheveux, divins comme ta voix ! 6+6 a
30 Leurs cheveux étaient blonds, quand les filles de l'Onde, 6+6 b
Les Grâces sans ceinture et les Nymphes des bois 6+6 a
Dansaient en s'embrassant dans la forêt profonde. 6+6 b
Mais ces bandeaux, pareils aux ornements des rois, 6+6 a
Chaque jour à présent disparaissent du monde, 6+6 b
35 Et sans doute, ô ma sœur, pour la dernière fois, 6+6 a
J'ai sur ton front charmant baisé la beauté blonde. 6+6 b
Lorsque Orphée, envieux de ce rare trésor, 6+6 a
Partit pour enlever l'antique toison d'or, 6+6 a
Pour la chanter ensuite il emporta sa lyre. 6+6 a
40 J'ai comme le héros accompli mon dessein, 6+6 b
O Nymphe, et maintenant, vaincu par mon délire, 6+6 a
Je célèbre cet or, parure de ton sein. 6+6 b
IV
Ainsi tu revivras telle que nous t'aimâmes 6+6 a
Avec tes grands cheveux qui baisent ton orteil, 6+6 b
45 Et les astres qui sont les demeures des âmes 6+6 a
Diront ce diadème à leurs rayons pareil. 6+6 b
Pour te donner le nimbe ardent que tu réclames, 6+6 a
J'ai volé dans l'azur les feux du ciel vermeil, 6+6 b
Et, pour dorer ton front de lumière et de flammes, 6+6 a
50 J'ai pris dans mes deux mains les couchers du soleil. 6+6 b
Car, messager céleste aux yeux remplis d'étoiles, 6+6 a
Je n'ai pas fait fleurir mon rêve sur les toiles, 6+6 a
Ni dans l'airain sacré, ni sur les marbres blancs. 6+6 a
Mais, plus heureux, je tiens cette lyre de l'Ode 6+6 b
55 Qui brave mille hivers, et cache dans ses flancs 6+6 a
Le grand art de Sappho, d'Orphée et d'Hésiode. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
schéma : 4[abba] 4[aa] 8[abab]
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